Le Festival de Marseille 2018 : pour un vivre ensemble festif et culturel
Parce que la danse est un langage universel qui donne voix à tous, au-delà de nos différences, cette 23ème édition du Festival de Marseille nous invite à célébrer la vie et le monde par le corps pour trois semaines de « fête » et de « connexion ». Du 15 juin au 8 juillet, découvrez les différents univers d’un réseau d’artistes international pour une programmation multiculturelle, à l’image de la cité phocéenne.
Ces artistes sont “des conteurs, ils dansent des histoires”
Danser pour raconter
Ces artistes sont « des conteurs, ils dansent des histoires » annonce avec poésie Jan Goossens, directeur du festival depuis 2015. Le récit d’ouverture est celui d’Eko Supriyanto. Figure phare de la danse contemporaine en Indonésie, il nourrit ses créations d’inspirations traditionnelles des danses de son pays. Avec Balabala, il donne force et pouvoir à cinq jeunes Indonésiennes qui s’approprient la danse masculine des guerriers du peuple Tobaru, questionnant ainsi la place de la femme dans une société patriarcale. Le chorégraphe javanais puise également dans son expérience de plongeur pour nous livrer ses questionnements écologiques dans son solo Salt. Évoluant dans l’océan, espace ouvert et infini, il nous propose de nous défaire de tout jugement et de changer de perspective. La compagnie belge Voetvolk est aussi au rendez-vous. Avec Pénélope, la renommée Lisbeth Gruwez, redonne la parole à toutes les femmes silencieuses de l’Odyssée dans une chorégraphie où le geste fait voix. Elle présente également sa nouvelle création, inspirée de la méditation : The sea within, une danse du souffle et de l’instant qui cherche à atteindre la pleine conscience. Cette année, le festival accueille le talentueux Olivier Dubois, élu l’un des meilleurs danseurs du monde en 2011 par le magazine Dance Europe. Comment se reconnecter à la vie après avoir visité le monde des morts ? Inspiré du Livre des morts de l’Égypte ancienne, Pour sortir au jour est une quête de soi dans le passé. Le chorégraphe explore les spectacles de sa carrière pour mieux comprendre l’artiste et lui redonner vie. Artiste associé au ballet national de Marseille, Eric Minh Cuong Castaing présente Phoenix, une première mondiale. L’ancien graphiste diplômé de l’Ecole de l’image des Gobelins questionne notre rapport aux nouvelles technologies. Dans ce spectacle qui mêle danse contemporaine et danse traditionnelle arabe dabkeh, les danseurs interagissent avec des drones dont l’omniprésence dans les pays en guerre est une menace de mort perpétuelle pour les habitants. Une connexion en temps réel à des artistes de Gaza donne lieu à un dialogue par-delà les frontières. La chorégraphe algérienne Nacera Belaza est de retour pour cette nouvelle édition. Elle transforme sa pièce de quinze minutes Le Cercle, créée au Festival d’Avignon en 2012 pour deux danseurs, en un spectacle de groupe étendu dans le temps. Réunissant six jeunes interprètes algériens, l’artiste nous invite à ralentir le temps d’une danse où le mouvement est pensé comme “un souffle serein, profond et continu”. Nommée chevalier des Arts et des Lettres par le ministère de la Culture en 2015, son travail fait l’objet d’un livre, Nacera Belaza entre deux rives, écrit par l’historienne de l’art Frédérique Villemur et publié aux éditions Actes Sud. Citons également le célèbre Boris Charmatz qui nous arrose d’ une “pluie de mouvements” avec 10000 gestes, un spectacle créé au Musée de la danse et Centre chorégraphique national de Rennes qu’il dirige depuis 2009. Dans cette “forêt chorégraphique”, vingt-cinq danseurs nous livrent une profusion de gestes, singuliers et éphémères, comme une “ode à l’impermanence de l’art de la danse”.
Un dialogue entre les arts
Dans cette nouvelle programmation, le corps est très présent mais ne se limite pas à une seule discipline. Différents spectacles s’inscrivent dans une hybridité artistique qui mêle danse, théâtre, cinéma, performance et musique. Jan Lauwers présente Guerre et Térébenthine, une traduction sur scène du best-seller de Stefan Hertsmans. L’artiste, lui-même multidisciplinaire, associe musique, théâtre, installation, performance et danse pour nous raconter l’histoire de cet homme “broyé par les horreurs du vingtième siècle” après avoir vécu la guerre des tranchées. Il donne un nouveau langage à ce chef-d’oeuvre littéraire né de la lecture des notes laissées par le grand-père de l’auteur. Entre documentaire et fiction, cinéma et performance, L’Age d’or d’Eric Minh Cuong Castaing, nous invite à poser un regard différent sur les enfants en situation de handicap. De jeunes patients de l’Institut Saint Thys de Marseille évoluent sur scène accompagnés des danseurs. Dotés de lunettes de réalité virtuelle, ils font ainsi l’expérience d’une nouvelle perception du monde, partagée avec le public. Cette 23ème édition promet de faire résonner la musique dans toute sa splendeur. La création mondiale Kirina de Serge Aimé Coulibaly et Rokia Traoré nous raconte en musique cette bataille fondatrice de l’Afrique de l’ouest. Inspirés par les griots _ces chanteurs conteurs, garants de l’Histoire de leur pays_ le danseur et chorégraphe belgo-burkinabè, que l’on a pu apprécier au Festival d’Avignon 2017, et la chanteuse malienne mettent le peuple en marche vers l’avenir. Découvrez également la création originale de Fabrizio Cassol et Alain Platel qui revisitent Le Requiem de Mozart avec Requiem pour L.. Adepte du métissage musical, le saxophoniste, compositeur et leader du trio belge de jazz Aka Moon fait de cette célèbre pièce musicale un point de rencontre pour des musiciens européens, congolais et sud-africains. Le chorégraphe et metteur en scène belge, fondateur de la compagnie les ballets C de la B, met en place une écriture physique et visuelle de cette cérémonie du deuil. Jazz, opéra, musique populaire africaine, chant lyrique et danse fusionnent pour parler de la mort en célébrant la vie.
Un évènement citoyen
“Marseille, avec son extrême richesse d’histoire(s) et de perspectives est plus que jamais le point de départ et l’horizon de notre Festival” annonce Jan Goossens. Le directeur met un point d’honneur à s’engager pour la ville et ses habitants en les intégrant activement à l’évènement. Avec les Festiv’Alliés, un groupe de spectateurs marseillais se réunit pour créer un expace de réflexion et d’action citoyenne. Le dispositif du MarsLab permet à de jeunes artistes de la ville d’enrichir leur propre démarche artistique grâce à des spectacles, des rencontres avec les artistes ou des échanges dans des workshops. Le festival mène aussi une action d’éducation artistique et culturelle en direction de centaines d’enfants et d’adolescents qui découvrent chaque année la création contemporaine par le biais d’ateliers de médiation animés par des professionnels. Cette volonté d’ouvrir le festival à tous les Marseillais se retrouve également dans la politique tarifaire appliquée. Grâce à la billetterie solidaire de la Charte Culture, 2000 personnes de la ville, en situation de précarité ou de handicap, pourront assister au festival pour 1€.
Tout un programme qui brille par sa diversité, sa dimension engagée et son ouverture au monde. Pour cette 23ème édition, Jan Goossens veut nous faire voir au-delà de notre univers occidental pour nous amener à nous “déplacer” et à regarder les autres “avec plus de dignité et d’amour”. Le rendez-vous est pris : tous à Marseille cet été pour une immersion culturelle haute en couleurs!
Pour plus d’informations : programme
Visuels © Affiche du festival © Widhi Cahya © Jean van Ligen