Festival Danse Solo : flamboyant Orlando par François Chaignaud
Dans le cadre du festival Danse solo 2019, (voir notre interview) le Centre national de danse contemporaine d’Angers accueillait la reprise de Romances inciertos, un autre Orlando, superbe et surprenant concert-récital en trois actes signé Nino Laisné et François Chaignaud.
Pour ce Romances inciertos, un autre Orlando, Nino Laisné et François Chaignaud se sont librement inspirés du génial roman de Virginia Woolf, Orlando (1928), une biographie de, et lettre d’amour à l’écrivaine Vita Sackville-West. Jeune Lord anglais qui, du jour au lendemain et de la façon la plus naturelle qui soit, devient une femme, Orlando parcourt les époques et les continents dans sa quête de littérature et de poésie parfaites. Nino Laisné et François Chaignaud transposent le principe en Espagne. Leur personnage traverse, explore et s’approprie divers styles chorégraphiques, traditions hispaniques, musiques et personnages androgynes qui ont résisté à l’épreuve du temps et se sont solidement ancrés dans l’imaginaire collectif (la Doncella guerrera, San Miguel, la Tarara). Ainsi cet Orlando, comme celui de Virginia Woolf, brouille les frontières géographiques, temporelles et sexuelles, et se (re)façonne sans cesse selon les codes des époques. Il en résulte un voyage splendide et déroutant, baroque et sensuel, d’une grande beauté visuelle et orale.
Sur scène quatre toiles, quatre musiciens. Les toiles, inspirées des tentures anciennes, représentent une nature vierge, luxuriante et paisible, proche du Jardin d’Éden. Au fur et à mesure du spectacle elles se déroulent et donnent à voir une toute autre image : un troupeau de cerfs qui, la tête tournée vers la terre, se noie dans un pan d’eau. De paisible la terre devient inaccessible et quelque peu cruelle. C’est devant ces toiles trompeuses, et à maintes reprises, qu’Orlando meurt puis renaît, s’effondre puis bondit. Après sa première mort à la fin de l’Acte 1, Orlando réapparaît dans les deux actes suivants les pieds entravés par des échasses puis par des chaussures à talon aiguille. Si elles sont d’abord synonymes d’agrandissement (San Miguel perché sur ses échasses est la figure la plus fière et la plus grandiose du spectacle), ces entraves deviennent vites des contraintes, un poids terrible que les jambes ne peuvent plus supporter. Le corps merveilleusement androgyne de François Chaignaud oscille ainsi toujours entre fluidité et lourdeur, se faisant vif puis brisé. Sa danse est celle de l’essoufflement et de la renaissance. Grâce à elle il brasse les richesses culturelles espagnoles et se les approprie à son tour, pour les rendre aussi brillantes et ardentes que le châle rouge et or de San Miguel.
Festival Danse Solo, CNDC d’Angers. Du 15 au 22 janvier. Pour plus d’information, cliquez ici.
Visuel : Nino Laisné