Danse
Dans les énergies vitales de Soa Ratsifandrihana et Katerina Andreou au CND

Dans les énergies vitales de Soa Ratsifandrihana et Katerina Andreou au CND

14 June 2022 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Rencontre dans les rencontres ! Ce soir c’était à la fois un soir de programmation aux Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis et soir de Camping au CND. Ce fut l’occasion de voir deux soli 100% féminins et 100% enragés.

Soa Ratsifandrihana aux racines du groove…

Ou plutôt du gr oo ve, dans ses silences, dans ses interstices. Pour sa troisième pièce, et son tout premier solo, l’ex interprète d’Anne Teresa de Keersmaeker nous montre qu’elle a été à la bonne école. Le corps est profond, solide et sait suspendre un mouvement pour y plonger encore mieux.

Elle se présente à nous, assise en quadri-frontal, comme si elle allait jouer un match de rugby américain. Son costume pensé par Coco Petitpierre est en réalité inspiré par la combinaison de Ghost in the shell. La référence à la culture pop commence là et ne va pas s’arrêter. La quête du groove passe par celle du souffle juste pour la danseuse franco-malgache.

Elle va pendant un temps long, faire le tour de la question en partageant sa séance de yoga : Ustrasana, respiration Ujjayi… c’est très lentement et très doucement que la danse vient. Elle se fait agressive comme si elle combattait avec le corps. Elle fait irruption pour apporter une cambrure dans la hanche ou une élégance aux bouts des doigts. Et là nous comprenons enfin que nous sommes face à une quête du groove très personnelle. La danseuse solide et engagée croise les mondes. On retrouve l’iconique vrille de Fase, mais elle dialogue à égalité avec la Macarena ou un Madison.

Ce que nous raconte G r oo v e c’est la joie de danser et on doit l’avouer, quand le mouvement se libère enfin, faisant circuler le souffle enserré dans la gorge dans tout le corps, on aurait adoré la rejoindre !

Mourn Baby Mourn, Katerina Andreou face au mur…des lamentations !

Nous adorons cette danseuse grecque aujourd’hui basée en France. Nous l’avions découverte ébahis aux June Events en 2018 dans BSTRD. Elle se battait alors contre elle-même sur un ring. En plein confinement et juste entre professionnels nous avons eu la chance de pouvoir voir le duo Zeppelin Bend avec Natali Mandila ou elles prenaient de la hauteur à l’aide de cordes ! Disons que Katerina Andreou aime les agrès ! Pour Mourn Baby Mourn elle va … construire un mur.

Alors mur + danse, pour pas mal d’habitués cela est égal à Palermo Palermo de Pina. La comparaison s’arrête là. Le mur bien présent ici est plutôt symbolique.

C’est un autre mur des lamentations que la danseuse nous donne à voir. Il est le support à une logorrhée écrite. Elle, elle fait ce qu’elle sait faire de mieux. Danser comme elle boxe. La danse de Katerina Andreou est basée sur des rebonds qui la font avancer en reculant. De là, tout est possible : sauter, rouler au sol, courir…Sa danse ne cherche jamais le joli ou l’agréable. Elle est viscérale et pleine d’angles.

Elle dit qu’il faut “3000 calories pour faire un deuil”. Visiblement, “ça va pas tout”, “ça” pèse lourd sur ses épaules en ce moment. Elle exorcise en construisant des choses solides. Et les mots qu’elle ne prononce jamais par elle-même sont des outils pour soulager.

Dans cette pièce, la douleur laisse place à la douceur, rose et hypnotique, et ça, dans la grammaire à laquelle cette danseuse nous avait jusque-là habitués, on ne s’y attendait pas !

Ces deux pièces se redonnent ce soir, 14 juin au CND dans le cadre des Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine Saint Denis

Visuel : ©Lara Gasparotto

 

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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