Danse
“Balanchine / Millepied / Robbins” à Garnier : un vent d’Amérique

“Balanchine / Millepied / Robbins” à Garnier : un vent d’Amérique

26 September 2015 | PAR Géraldine Bretault

La saison 2015-2016 du Ballet de l’Opéra de Paris s’ouvre sur un programme tripartite au palais Garnier. Aux côtés de pièces de Balanchine et Robbins, l’actuel directeur de la danse Benjamin Millepied propose une nouvelle création : Clear, Loud, Bright, Forward. Un vent d’Amérique souffle sur Paris…

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La presse s’est déjà largement fait l’écho des changements proposés par le jeune directeur de la danse dès l’annonce de sa nomination, à savoir le remplacement des planchers en bois de l’opéra et une attention accrue accordée à la santé des danseurs. Restait à découvrir de quelle manière Benjamin Millepied allait lancer sa première saison – le directeur-chorégraphe tenait là une belle occasion d’annoncer ses couleurs.

Trois pièces étaient ainsi proposées ce soir : Clear, Loud, Bright, Forward, création de Millepied, dont le titre semble incarner à lui seul sa vision pour le Ballet français, une entrée au répertoire de Jerome Robbins, intitulée Opus 19/The Dreamer, et une reprise du célèbre Thème et variations, de George Balanchine. Quelle meilleure présentation de soi que d’exposer d’où l’on vient…

Clear, Loud, Bright Forward, Benjamin Millepied, 2015

La pièce se joue dans un cube noir privé de coulisses, sous un éclairage sophistiqué conçu par United Visual Artists. D’emblée, Benjamin Millepied se montre fidèle à ses propos : dans un esprit très américain, il affirme en effet vouloir souligner les individualités au sein d’un corps de ballet démocratisé, vu comme une community plutôt qu’une hiérarchie implacable. Pas d’étoiles, donc, dans cette pièce, mais une distribution égalitaire des rôles. Le résultat est foisonnant, d’une complexité assumée, bien que parfois brouillonne, et laisse apparaître un vocabulaire propre à Millepied, notamment son goût affirmé pour les glissades, la fluidité des mouvements, la vitesse. La dernière partie, qui rapproche les corps dans des portés groupés, rappelle un temps Salut, créé par Pierre Rigal pour l’Opéra la saison dernière. L’absence de coulisses obligeant les danseurs non mobiles à observer leurs partenaires depuis des bancs le long des murs de scène donne même l’impression d’assister à une battle insolite au cœur de l’auguste maison. Les sujets Letizia Galloni et Axel Ibot ont marqué l’audience par leur aisance. Le directeur de la danse est venu saluer le public, qui l’a chaleureusement applaudi, en compagnie du compositeur de la pièce, Nico Muhly.

Opus 19 / The Dreamer, Jerome Robbins, 1979

Cette pièce s’ajoute aux 15 créations de Jerome Robbins qui figurent déjà au répertoire de l’Opéra de Paris. Benjamin Millepied a dit son attachement pour le rôle masculin principal, exigeant sur le plan technique mais appelant aussi de réelles qualités poétiques. Devant un cyclo bleu, qui sera aussi le décor de la pièce de Balanchine, et des coulisses restaurées, les étoiles Amandine Albisson et Mathieu Ganio mis en valeur dans des combinaisons “académiques”, ont joué une partition à la fois expressive et abstraite, en contrepoint d’autres danseurs du corps de ballet. Le talent de Robbins pour inspirer la narration à partir d’une écriture abstraite et épurée était servi ce soir par l’assurance sereine de la jeune étoile, et par la délicatesse de Ganio. Assurément une très belle entrée au répertoire.

Thème et variations, George Balanchine, 1947/60

Pour cette pièce historique, retour aux tutus à paillettes et aux diadèmes classiques, mais toujours devant un cyclo bleu. Aux côtés de Josua Hoffalt, le public a pu admirer Laura Hecquet, première étoile nommée par Millepied au printemps dernier. Clore la soirée par cette pièce, c’est un peu rappeler où tout a commencé pour Millepied, quelque part entre sa formation classique en France et la découverte du swing et de la vitesse outre-Atlantique. Sur le dernier mouvement de la Suite n°3 de Tchaikovsky, Balanchine avait en effet imaginé une pièce néo-classique, certes, mais résolument moderne, portée par un indéfectible amour pour ses interprètes, qu’il délestait là de toute responsabilité narrative pour mieux mettre en avant la beauté de leurs lignes et de leurs évolutions. Hecquet et Hoffalt ont brillé chacun dans leurs soli respectifs, Hoffalt semblant particulièrement aérien, avant qu’un long duo ne permette d’apprécier leur complicité.

Une soirée très prometteuse, donc, autour d’interprètes largement applaudis par le public.

 

Visuels © Ann Ray, Opéra de Paris

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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