[Avignon Off] Michèle Noiret, Fabrice Lambert et Mickaël Phelippeau : le plateau brûlant de la Parenthèse
Pour sa deuxième partie de programmation La Belle Scène Saint Denis abandonnée par la ville de Blanc-Mesnil et accueillie par le département de Seine-Saint-Denis, le Théâtre Louis Aragon et cette année le TGP, nous montre une nouvelle fois la plus exigeante et la plus pointue des danses.
Palimpseste #1 de Michèle Noiret : l’art élégant de la transmission
Palimpseste s’inscrit dans l’idée qu’un musée vivant est possible. Boris Charmatz n’est pas loin. Créé en 1997, ce solo magnifique se nomme alors Stockhausen du nom du compositeur qui signe la partition au piano. Quelques années plus tard, il est filmé par Thierry Knauff. Il s’agit aujourd’hui de le transmettre au danseur David Drouard une version conjointe de la pièce et du film. Michele Noiret arrive sublime. Chignon banane, pantalon taille haute et petit haut noir qui flirte avec la taille. Elle est l’incarnation du chic et elle va devenir une reine noire. Elle se titille du bout des doigts et de façon compulsive avance à tout petits pas très rapides. Son élégance devient aridité dans des passages au sol tout en force. Elle frise la folie en se parlant à elle même le regard très franc. David Drouard lui offre une lecture de ce solo tout en masculinité et impose une version ancrée des gestes. Il est passionnant ici de voir comment les mêmes mouvements dansés par des artistes différents.
L’incognito, Fabrice Lambert et Gaëlle Obiégly : le corps parlé
Pour cette seconde proposition nous plongeons avec étonnamment dans une ambiance de thriller. La romancière Gaëlle Obiegly est figée sur un fauteuil, spectatrice absente de sa propre voix qui est diffusée par les baffles. Entre Fabrice Lambert entièrement vêtu, visage compris, d’un académique noir recouvert d’un pantalon et d’une chemise. On a chaud pour lui. Le texte part du dictionnaire pour nous faire réfléchir à la notion de danse. A un moment, une superbe définition sera donnée : “Quand les gestes disent les sentiments”. Alors Lambert qui pour quelques jours encore chorégraphie le superbe Jamais Assez devient une ombre glissant, aimant l’attrait du sol pour s’y rependre ou y rouler dans un duo où corps, voix et paroles sont dissociées.
Avec Anastasia :Mickaël Phelippeau fait un portrait
L’année dernière dans ces mêmes lieux, Mickaël Phelippeau avait présenté un portrait d’Ethan, 15 ans. Il continue ce travail de visibilité de l’adolescence avec Anastasia 16 ans. On voit peu d’ado sur scène, et l’idée que le pire age de la vie n’est pas à considérer reste féroce. Il est au contraire le plus foisonnant.Elle arrive avec des cheveux très longs, tressés : “Ma danse des cheveux c’est ma danse” dit-elle. Ses cheveux, c’est sa carapace et elle en a besoin celle qui a 9 ans a quitté la Guinée en regardant les balles voler de trop prés. Au delà du portrait social de la jeune femme qui a déjà vécu mille vie, la danse est là, vraiment. Elle a la présence des grands et une gestion parfaite du plateau. Elle entre sur “Ka souma Man” de Sekouba Bambino Diabate et partira sur Shakira. Elle navigue entre les deux cultures, africaine et européenne dans le geste même. Elle a une présence magnifique qu’il faudra suivre de prés. Une fois de plus Phelippeau arrive à capter l’identité de chacun dans un geste emmpli d’humour.
Visuel : © ABN