Danse
Aurélien Richard et Melaine Dalibert : Tirez sur le piano!

Aurélien Richard et Melaine Dalibert : Tirez sur le piano!

03 April 2023 | PAR Nicolas Villodre

Dans le cadre des Signes de printemps du Regard bellevillois, Aurélien Richard et Melaine Dalibert ont repris la pièce choréomusicale de Mié Coquempot et Aurélien Richard, K-DO, avant de nous gratifier de… Cadeau, un bonus instrumental à base de quatre morceaux : deux de Bach, dans la transcription de György Kurtag, deux autres des pianistes-compositeurs eux-mêmes.

Piano-piano

Comme il convient dans l’art de la scène, ce spectacle en deux parties, composé de deux présents, est au présent : “il se découvre sur le vif”, comme l’annonce la feuille de salle distribuée à l’entrée. Il y a tout d’abord un clin d’œil affectueux et fraternel de la part d’Aurélien Richard à la regrettée pianiste, danseuse et chorégraphe Mié Coquempot (1971-2019) avec la reprise de la courte pièce citée supra, remontée avec l’aide de Jérôme Andrieu. Un ballet pour pianos à queue – un Yamaha et un Carl Bechstein –  noirs, patinés, qui plus est sur patins!

Les prothèses à roulettes sont là pour faciliter les mouvements de ces meubles imposants et pour éviter, autant que faire se peut, de rayer le parquet impec de l’ancien relais de poste restauré il y a peu d’années. On retire cérémonieusement les housses protégeant les mastodontes à la fois des intempéries et de la poussière. On les bouge a priori sans but précis, sans besoin réel; on ne les secoue pas trop non plus, on ne les maltraite pas outre mesure, on ne vise pas à les désaccorder. Le ballet n’est ni mécanique ni machinal. C’est un duo prémédité ou, si l’on veut, un quatuor, les deux pianistes jouant pour l’instant aux danseurs. Des danseurs contemporains, s’entend : ils sont pieds nus ainsi que le prônait Isadora. 

Compter sur ses vingt doigts

Cette brève histoire est sans paroles. Sans musique, un temps du moins. On relève les couvercles; on dégage les pupitres; on prépare, littéralement, les instruments. On se glisse à quatre pattes sous les leurs, qui sont au nombre de trois; on les traîne en s’aidant des épaules comme des bêtes de somme. On s’autorise à taper sur les claviers comme des sourds, rien que pour voir ou que pour ouïr. On en joue sur toutes les positions possibles, allongé sur le dos, les mains derrière la tête ou, façon Jerry Lee Lewis, avec les pieds – au débotté, sans les Santiags. Les deux pianistes tantôt s’échangent les instruments, tantôt se les partagent ou jouent sur le même clavier. Il va sans dire que tout cela n’a rien d’austère.

Après s’être échauffés ce qu’il faut, sans aller jusqu’à s’emballer ou jusqu’à s’épuiser, Aurélien Richard et Melaine Dalibert passent aux choses sérieuses. Ils se rechaussent et, du métier de déménageurs, passent à la celui de machinos en rapprochant les banquettes réglables des pianos à l’arrêt se faisant face. Nous connaissions le talent d’Aurélien Richard et découvrons avec plaisir le jeu virtuose de son alter ego, Melaine Dalibert. Le concert alterne les prodigieuses combinatoires baroques de Bach (les BWV 106 et 618 de son catalogue : Le Temps de Dieu est le meilleur et Ô innocent agneau de Dieu) et les créations perso, subtiles, légères et, dans le cas de Dalibert, sous influence minimaliste. Le duo a remporté le succès mérité, qui a fait l’objet de rappels.

Visuel : Aurélien Richard et Melaine Dalibert, ph. Nicolas Villodre.

Barbara, vives archives
« Les Enfants du purgatoire » de Claude Ardid : Polisse
Nicolas Villodre

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration