Danse
« Anthologie du cauchemar » : un rêve éveillé

« Anthologie du cauchemar » : un rêve éveillé

07 March 2019 | PAR Raphaël de Gubernatis

Créé au Théâtre de Grasse, ville où est installée la compagnie Système Castafiore, ce spectacle se reverra à Paris, au Théâtre de Chaillot, comme à Lyon, au Théâtre des Célestins, mais aussi à Nantes, à Metz, à Mougins, à Lepzig.

Rêve-t-on aujourd’hui comme on rêvait du temps des Romantiques ? Voit-on en songe les mêmes images que celles qui hantaient et terrifiaient nos aïeux ? « Dans ce « Ballet épouvantable » qu’est « Anthologie du cauchemar », spectacle fantastique imaginé aujourd’hui par les auteurs du Système Castafiore et qui vient de voir le jour au Théâtre de Grasse, les figures effroyables qui hantent la scène semblent en tout cas relever davantage de l’univers romantique et post-romantique que de celui des monstres interstellaires qui peuplent les imaginations du début du XXIe siècle.

« Il y a, aux confins de la région du sérieux et du raisonnable, un espace vague, immense, peuplé de fantômes extravagants, de folles figures »

Cette déclaration du dessinateur genevois, Rodolphe Töpffer, consacré inventeur de la bande dessinée, s’applique parfaitement à cette « Anthologie du cauchemar ».
Dans un impressionnant décor de brumes et de baies en ogive néo-gothiques, pâle et cadavérique, errant comme une âme morte, la première figure à apparaître sur la scène surgit des nuées vêtue d’une vaporeuse tunique blanche. Elle s’étend, comme il se doit, sur une pierre tombale. Et aussitôt son sommeil délétère se peuple de monstres effroyables : spectres, larves, ombres plaintives, araignées gigantesques, insectes fabuleux, apparitions infernales, vampires maléfiques, rien n’est épargné au spectateur de ce qui relève du répertoire de l’Horreur et qui va se succéder sur le plateau à un rythme diabolique. C’est une débauche d’inventions qui forcent l’admiration et qui surgissent au sein de superbes tableaux sans cesse renouvelés. C’est ce qui fait la beauté et la virtuosité du spectacle. Et c’est aussi ce qui constitue sa faiblesse. Car à à cette déferlante de scènes si remarquablement conçues, il manque un fil conducteur, un quelque chose qui donnerait un vrai sens à l’ouvrage. Une fois encore Marcia Barcelos et Karl Biscuit, les auteurs, n’ont pas su ou pas voulu créer un spectacle dont on puisse suivre la trame. Sans réaliser qu’une succession de tableaux, aussi beaux soient-ils, ne constitue pas une oeuvre.

Un travail théâtral unique

Cela n’empêche pas d’admirer sans réserve un travail théâtral unique en France et qui fait l’extrême originalité de Système Castafiore. Un travail qui s’était épanoui superbement dans un spectacle précédent, « Théorie des prodiges », qui lui réunissait tous les éléments pour être magique, mais aussi porter du sens, et qui demeure sans nul doute l’ouvrage le plus accompli de la compagnie.
Dans « Anthologie du cauchemar » comment n’être pas époustouflé par les interprètes tout d’abord. Ils ne sont que cinq (Tuomas Lahti, Tom Lévy-Chaudet, Lucile Mansas, Daphné Mauger, Sara Pasquier) à assumer avec une virtuosité d’enfer plus de cent rôles et à affronter des situations périlleuses qui forcent le respect. Avec eux, on s’incline devant les auteurs des costumes, Christian Burle et Magali Leportier, si l’on peut nommer costumes les compositions fantastiques qui habillent les danseurs. Et pêle-mêle devant les autres collaborateurs de Karl Biscuit (mise en scène, musique, conception vidéo) et de Marcia Barcellos (chorégraphie) : Julien Guérut aux lumières, Jean-Luc Tourné et Jérôme Dechelette à la réalisation des décors, Vincent de Chavannes pour le graphisme, Arnaud Véron à la régie son et vidéo, Olivier Forgues qui a mené les recherches iconographiques. Sans oublier les techniciens, eux aussi virtuoses, qui aident à un rythme insensé les danseurs à devenir les multiples créatures qu’ils illustrent. C’est un travail d’équipe qui ne souffre pas un instant de faiblesse. Un vrai système diabolique qui génère des visions d’épouvante.

Raphaël de Gubernatis

« Anthologie du cauchemar »

Au Théâtre Stéréolux de Nantes, le 12 mars 2019
Au Théâtre des Célestins, à Lyon, du 4 au 8 juin 2019
Au Festival Euroscène de Leipzig, en novembre 2019
Au Théâtre national de Chaillot, à Paris, en décembre 2019
A L’Espace 55, à Mougins, en janvier 2020
A l’Arsenal de Metz, en avril 2020.

Visuel : ©Biscuit

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Raphaël de Gubernatis

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