Comédie musicale
Starmania 2022 : le retour glamour de l’Opéra Rock mythique

Starmania 2022 : le retour glamour de l’Opéra Rock mythique

09 November 2022 | PAR Yaël Hirsch

Ce mardi 8 novembre,  à la Seine Musicale, c’était enfin la première de Starmania, nouvelle version, 45 ans après la première et 30 ans après la seconde version française. Luc Plamondon, le librettiste  d’origine, était dans la salle, ainsi que bien des journalistes, des politiques et la Première Dame. La joie d’être réunis pour trois heures de spectacle d’une énergie folle était palpable. Pari réussi, sous des jets de lumière. 

Dans une ville où les tensions politiques sont grandes, l’homme d’affaires Zéro Janvier se présente à la présidence tandis que les “étoiles noires” menées par Johnny Rockfort n’ont “rien à perdre” et font des raids sur la cité… 

Son regard a croisé mon regard…

La salle bourdonne joyeusement pendant une bonne demi-heure avant que ne commence vraiment ce Starmania maintes fois repoussé et enfin incarné dans la grande salle de la Seine Musicale. Tout commence avec des douches de lumières qui vont jusqu’au public et nous embarquent directement vers Monopolis. La première chose que l’on voit alors, c’est le grand piano blanc de Michel Berger. Avec Nicolas Ghesquière (Vuitton) aux costumes pour une touche sexy très respectueuse de l’univers originel, le metteur en scène Thomas Jolly propose une vision parfaitement Glam’rock de Starmania : des spots quadrillent la scène et quatre décors principaux se relaient sur le plateau, souvent vide et vaporeux, pour mettre en avant les tours de chant sur les “tubes” que nous connaissons tous par cœur. Il y a l’Underground café, très mobile ; la voiture des étoiles noires ; la tour de Zéro Janvier qui tourne comme en l’année 2000 et qui s’ouvre pour révéler les personnages dans l’intro, pour laisser les personnages monter et descendre des escaliers et aussi pour permettre la vraie mise en scène d’un défilé de mode dans le dernier tableau. 

Besoin d’amour

Les écrans sont utilisés, notamment pour donner à voir les visages et les mouvements des personnages dans des moments-clés, mais aussi comme une sorte de rideau d’ondes qui laisse une voix très “kubrickienne” donnant les news du pays.  Il y a un petit moment d’incursion de l’homme politique dans la salle mais sinon tout se passe vraiment face au public, qui est impliqué par la lumière, par des moments où il faut battre le rythme et par des tombées de papiers et de brouillards… Inévitable en ce moment, car directeur artistique des  JO 2024 (qui risquent de provoquer l’annulation de certains festivals), Thomas Jolly réussit son pari de conférer une énergie bouillonnante à une comédie musicale forcément très nostalgique et trop mythique pour ne pas rappeler de manière lancinante que ni Michel Berger ni France Gall (qui fait une apparition surprise sous forme d’hologramme) ne sont plus là.

Ce soir on danse à Naziland

On l’avait déjà apprécié dans Un jardin de silence, format plus intimiste avec son hommage à Barbara à la Scala : Thomas Jolly sait magnifier les icônes de notre pop culture. Sa mise en scène de Starmania est un vrai hommage de fan, qui a la franchise de ne pas tenter de rendre contemporain ce Monopolis qu’il fait pencher quasiment du côté du disco. La face punk et sombre : le raid de “gilets noirs”, la jeunesse sacrifiée, la télé-réalité de “Starmania” et le duel des hommes politiques sont conservés principalement comme des éléments de l’intrigue, pas des éléments de réflexion politique pour aujourd’hui. Et forcément, ça marche : c’est beau, c’est familier, cela ne heurte pas et l’on retrouve presque “innocente” l’œuvre qu’on a aimée jeune, adolescent ou enfant. C’est peut-être un peu long, à quelques moments, malgré le souci d’abréger les ponts et l’enroulement efficace de l’intrigue. Les chansons se succèdent un peu comme des tableaux, et cela manque parfois un peu de tension, notamment à cause des chorégraphies, signées par Sidi Larbi Cherkaoui. Malgré des danseurs nombreux et puissants, et l’effet sculptant d’une lumière extraordinaire, le côté “voguing” simplifié et les coupes de champagnes secouées en rythme ne suffisent pas à donner du rythme à l’Opéra Rock. 

Disc Jockey

Les arrangements et la direction de Victor le Masne, eux aussi très respectueux de l’original de 1978 avec un petit boost en plus (deux ou trois drones, un brin d’électro), permettent de se replonger complètement dans la musique de Michel Berger. Côté voix, le choix de Lilya Adad en Cristal permet de retrouver des accents de la voix de France Gall, et qui, dès le premier “Metropolis” seule en scène, donne la chair de poule, comme une rencontre avec un fantôme. En Marie-Jeanne (la serveuse automate amoureuse de Ziggy et qui vient déclarer le monde “stone”), figure de narratrice de tout l’opéra, Alex Montembault est une révélation : sa voix est agile, puissante, et il y a une sorte de candeur boudeuse dans son timbre qui transporte. Le duo qu’il forme avec Adrien Fruit en Ziggy est parfaitement équilibré. David Latulippe, Magali Goblet et Mane-Miriam Baghdassarian jouent avec conviction leurs rôles de Zéro Janvier, Stella et Sadia, tandis que Côme est époustouflant en Johnny Rockfort, notamment dans “La petite musique terrienne” du dernier acte. 

Doux mais définitif, le final apocalyptique de ce Starmania 2022 nous laisse voir la beauté de la fin d’un monde et conserve l’énergie de ces jeunes voix découvertes et de ces lumières qui nous ont réchauffés. Michel Berger et son piano sont là, l’hommage est vivant et ce Starmania qui s’installe cet hiver à la Seine Musicale et commence sa tournée en février est déjà incontournable. 

Starmania, à la Seine Musicale, jusqu’au 29 janvier 2023 puis en tournée en France jusqu’au 18 juin. 

Visuel : © affiche 

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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