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Circassiens québécois en “Transit” à La Villette

Circassiens québécois en “Transit” à La Villette

24 December 2017 | PAR Mathieu Dochtermann

En ce moment La Villette accueille Transit du collectif Flip FabriQue, un spectacle principalement d’acrobatie et de jonglerie, par 6 jeunes circassiens de la Belle Province qui ne manquent ni de talent ni de dynamisme. Spectacle enlevé aux couleurs relevées, avec quelques pics techniques vertigineux et de belles trouvailles visuelles, mais qui cherche son petit supplément d’âme. Définitivement fréquentable, mais pas incontournable pour autant.

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On sait que le cirque québécois produit des artistes d’un excellent niveau – dans le cadre de la saison Québec à La Villette, on a déjà pu le constater à propos des 7 Doigts de la Main (notre critique ici). Techniquement, donc, Flip FabriQue, qui réunit de jeunes circassiens passés par les meilleures écoles et les meilleures troupes, ne déçoit pas.

Le spectacle est avant tout fondé sur la jonglerie et sur les acrobaties. Côté jonglerie, très belle maîtrise, avec notamment un joli numéro de balles rebonds en miroir, mais cela manque un peu de fantaisie ou d’originalité, même si le numéro de diabolo est… endiablé. Côté acrobaties, il faut attendre le final pour prendre une claque: un numéro de trampo-mur vient titiller un peu la créativité, avec pas moins de 5 participants qui rebondissent sur un trampoline recouvert de balles fluos en créant de très beaux effets de gerbes dans leur sillage. Mais ce ne sont pas les seules techniques convoquées, et il faut avouer que c’est plutôt dans ces marges que l’on a rencontré la magie. Le premier numéro de sangles aériennes est plutôt enthousiasmant, mais ce sont surtout les cerceaux qui enchantent: le passage de Jade Dussault au hula hoops est à couper le souffle, et le numéro d’anneaux acrobatiques vaut le détour!

Pour habiller ces numéros, un prétexte et une ambiance. Le prétexte, qui a donné son nom au spectacle, c’est le voyage en avion, l’aéroport. D’abord très tenu pendant les 5 ou 10 premières minutes du spectacle, il se délite ensuite complètement, pour ne plus guère apparaître que dans le décor – très réussi – fait de murs de flycases empilés. L’ambiance, elle, tient beaucoup mieux le coup: comme poussée sur les ailes d’un vent de jeunesse, c’est une ambiance festive, dynamique, colorée, pleine de peps et d’entrain. Elle n’est pas dépourvue d’humour non plus, avec des gags plus ou moins potaches, avec, notamment, l’organisation d’un lancer géant de soutien-gorges avec participation du public. La musique soutient très efficacement cette énergie: le côté facétieux permet de faire des incursions par Brel, avec Les bonbons, mais la musique est globalement entraînante et résolument contemporaine, à l’instar de l’intro faite au son de l’instru de Run Boy Run de Woodkid, qui fonctionne magnifiquement.

Pourquoi, au vu de ce qui vient d’être développé, ne pas être emballé par le spectacle? D’abord, il est dommage, quitte à commencer à poser un prétexte narratif, de ne pas le tenir. Plus grave, il y a des problèmes de rythme et d’intensité, certains numéros “retombant” quelque peu alors que le parti-pris semble être au contraire de tenir une énergie explosive tout du long du spectacle – à trop vouloir maîtriser de techniques, il y a fatalement des faiblesses, des balles qui s’égarent, des réceptions approximatives. L’humour vise parfois très bas, avec un personnage vers la fin du spectacle dont il semblerait qu’il faille rire parce qu’il s’essaie aux sangles aériennes malgré son embonpoint. Et puis, enfin et surtout, on cherche l’étincelle de poésie, et on ne la trouve pas: jongler avec des quilles qui clignotent, ou sous une lumière UV avec des balles fluos, c’est éventuellement joli, mais on en fait rapidement le tour. Les spectateurs curieux de découvrir un spectacle incroyablement beau et poétique avec des balles et des jongleurs – les premières se passant souvent des seconds – seraient bien inspirés de revenir à la Villette en février voir Nuit du collectif Petits Travers (notre critique ici).

Bref, du cirque pétillant et coloré, rigolard et rythmé, mais l’immense potentiel en terme d’énergie et de technique ne nous semble pas réalisé. Voilà 6 circassiens qui pourraient nous donner de bien plus beaux frissons avec un spectacle plus audacieux. Qu’on soit clair: définitivement pas désagréable à voir, mais on en ressort pas bouleversé… et c’est dommage.

 

 

Interprètes:
HUGO OUELLET CÔTÉ, JÉRÉMIE ARSENAULT, FRANCIS JULIEN, CHRISTOPHE HAMEL, JADE DUSSAULT, BRUNO GAGNON
Mise en scène: Alexandre Fecteau
Scénographie : Ariane Sauvé
Éclairage : Bruno Matte
Musique : Antony Roy
Costume : Geneviève Tremblay
Visuels: (c) E. Brunniel

Infos pratiques

Le Chêne
Arras Film Festival
Guisgand-Quentin

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