Musique

You and You s’allonge sur le Divan du Monde

22 July 2008 | PAR Pascal

La loge, la plus petite salle parisienne! 30 personnes les ongles courts, pour gagner de la place, se serrent pour se délecter aux desperatehousesongs de You and You.
Pigalle la blanche, un café tabac non loin de la place Saint Georges ; Clément, Aurélien, Samuel et Félix, venus d’une ancienne tribu Full métal hurlant, défient aujourd’hui les lois de l’apesanteur. Insoutenable légèreté de l’être, intimité du néant, enveloppe acoustique léchée par la bouche d’un Thom Yorke minimaliste, ils nous apprennent le plaisir de la nage en pleines vagues de l’âme. Découverte d’un groupe à la violence cachée comme un secret de famille.

Savoir dégager le subtil de l’épais est le fait de l’alchimiste. Ils viennent d’un monde de bruits fuzz construits sur des riffs plus proches de Black Sabbath que de Bob Dylan. La vie ne sépare pas ceux qui s’aiment, et nos piafs au masculin se retrouvent pour chanter autour d’une guitare classique les états d’âme de Félix, ceux d’un enfant parlant de la dépression de son père en particulier et des ruptures douloureuses en général, la mort d’un proche, la colère signe du présent et la belle solitude. L’art de l’équilibre sur un fil tendu est délicat. You and You dit aimer la solitude, la solitude à quatre, la transmettre sans inquiéter l’auditeur. Et même si le public se sentait inquiet, ne serait-ce pas ici la récompense de l’émotion musicale.

Que faire de cette force ancrée en eux, jadis destinée à des amplis saturés et des breaks de batterie façon Moby Dick-John Bonham (Led Zeppelin) ? Nos quatre elfes la gardent au plus profond d’eux mêmes et la distillent comme un alcool de luxe, une vapeur des anges que l’on affuble au cognac, imprègnent les pores de la peau, nous rendant à la réalité de nos sens.You and You vit un second souffle et le respirer est une bouffée dense…une bouffée d’oxygène en folk altitude . Bien sûr, on ne peut s’empêcher de penser aux maîtres du genre: Syd Matters, Erman Dûne ou Radiohead dans son superbe album In_Rainbow, ses maîtres de l’alchimie entre le monde sensible de la musique vibrante et l’écho-logis de la beauté des mots douloureux laissant notre cerveau poreux, ouvert, hypnotisé. Ils rentrent dans la grande catégorie des Desperate house Boys. A la différence prêt, qu’ils seront, contrairement à leurs grands frères, capables de faire sonner les instruments à vents plutôt que les cordes.

You and You! Que doit-on dire « toi et toi ou vous et vous ». Le nom tient à la fois d’un Joe Belushi (Blues brothers) haranguant une foule d’initiés, qui tel un prédicateur bluesman les désigneraient d’un doigt divin, mais également d’un Freudien pratiquant qui nous renverrait face au miroir comme un « toi et toi seul », un « Vous face à vous-mêmes ». Leur magnifique “démo” a été enregistrée quasiment « live » sur un multi-pistes traditionnel au fond d’une cave. Le rituel de composition est une moisson, celle d’un champ-sons, ou la voix tel un instrument isole les mots clés et les distinguent sur la six cordes. Comme un mouvement ondulatoire, comme une fugue, les mots donnent la mesure, le ton, imbriqués naturellement dans les saccades des accords en boucle. La maturité est là, isolant le grain, allongeant la tige des basses de Samuel au velouté mélodique, contrechantant au mélodica, accrocheuse au xylophone rappelant le « sunday morning » du Velvet, un Velvet plus psychédélique, transcendant, lumineux et clair, qui nous ferait penser que You and You nous parlerait d’illumination. La nôtre, comme un va et vient entre la chair et les os, comme une sainte mère effaçant le père et l’esprit, plus proche de l’intime que de l’intérieur, un art-corps ambigu, fragile et puissant, venu d’une ancienne tribu Hardcore rock.

Alors Folk Altitude contre heavy metal rock ? Dans une époque où la rupture est un non-sens historique, You and You est une évidence musicale; l’important fut de faire naitre un band qui résista aux blousons de cuir noirs cloutés et aux choppers pour savourer le xylophone, la douceur d’un hook à six cordes (les anglais préfèrent le terme Hook au Gimmick qu’ils utilisent pour les sample électro). L’énergie humaine est sûrement ce qui caractérise ces garçons ? Quant à la fragilité … elle est réelle, comme une faille dans l’expérience ce qui donne tant au son qu’aux chansons de Félix bien plus que la sueur des chemises à carreaux du comté d’Alberta (canada Anglais). Peut-être me traitera-t-on de sexiste…mais ici, on sort du monde autiste de Neil Young réservé aux sad boys.
J’ai toujours pensé que le meilleur public rock était celui des jeunes filles. J’aime sans modération You and You, non seulement parce qu’ils sont les enfants de Morphée et habitent une musique cachée derrière un miroir en noir et blanc, mais également parce qu’ils sont parfaitement féminins, d’où cette élégance culturelle.
A n’en pas douter, You and You a commencé l’ascension de la montagne sacrée de Thomas Mann, guidé par le talent et la précision Fender de leur manageuse Camille Herbert (manageuse du superbe FM également). A n’en pas douter ils trouveront bientôt le label qui reliera You and Nous…
http://www.myspace.com/youandyou1978

THE BAND
FELIX vocals, guitar
SAMUEL bass, back vocals
VIZI drums, piano, xylo
CLÉMENT guitar, slide guitar, melodica, back vocals

26 juil. 2008 20:00 Le Divan du Monde ( Sleeping Years) support FM

A. Lesage et E. Trenkwalder, les inspirés.
Livre : A l’ouest de nulle part
Pascal

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