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[Live report] A-Wa et Acid Arab au Petit Bain

[Live report] A-Wa et Acid Arab au Petit Bain

12 November 2015 | PAR Elie Petit

Expérience extrême en Petit Bain. Sur son mix de chants yéménites sauce folk rock et d’électro A-Wa a fait tanguer la barge précédée par les fines oreilles et les doigts agiles du duo Acid Arab. Récit.

La foule qui s’accumule en file indienne devant le Petit Bain n’a qu’un nom à la bouche : A-Wa (prononcer Ay-wa). Le trio de sœurs israéliennes qui fait trembler le web largue les amarres ce soir à Paris, un après leur première scène dans la capitale dans le cadre du festival Jazz’n’Klezmer. Leur remise au gout du jour des chansons traditionnelles yéménites est un carton dans le monde arabe et bien au-delà. Elles sont épaulées, pour l’occasion, par le duo de DJ Acid Arab, habitué des collaborations hautes en couleur et audacieuses, comme celle qu’ils avaient honorée avec Mashrou’ Leila, l’an dernier, à la Gaité Lyrique.

« Qui va commencer ? » C’est la question que se posent les spectateurs impatients. Sur l’esplanade, devant la salle de concert atypique, on reconnait les trois sœurs Haim (elles aussi) et leurs musiciens, se refugiant dans leur van, victimes du léger froid parisien. Le véhicule se met en marche et disparait, roulant au loin. La réponse est là, pour les plus attentifs : Acid Arab ouvrira le bal.

Le duo de prou de ce collectif qui fête ses 3 ans fait danser la salle sur un set d’une bonne heure, lui offrant un vrai tour du monde arabe en musique et plus loin encore. De l’Algérie avec Biyouna à la Syrie avec le mythique Omar Souleyman, du Liban avec Robert Maalouf à l’Irak avec Kadim Al Sahir en passant par Israël avec Levitros, ils ont su emmener la salle de bout en bout dans ce voyage pour l’Orient remixé dont ils ont le secret, entre beats lents et rapides, entre cuivres calmes et ritournelles entêtantes au synthé imitation nay, entre les rappeurs engagés et les chansons d’amour des divas.

On danse à deux, près du bar, la fosse se balance gentiment, tape de mains et les barmen chantent quand résonne le célèbre Bambino. Entre moments colorés et passages plus sombres, une femme joue des épaules. Un homme met son sweat autour de la taille, lève la main en l’air, et de l’autre siffle à plusieurs reprises. Tous sont venus écouter l’avant-garde du renouveau de la musique orientale tel qu’ont pu le mettre en avant, à Paris les soirées Arabic Sound System, à l’Institut du Monde arabe. La boucle est bouclée quand on reconnait Harkatni Eddamaa de Ahmed Whabi, célèbre en France depuis son sample par le groupe marseillais 113.

Entracte sage sur le rooftop du Petit Bain, face Seine. En redescendant dans la cale de la barge, la fosse est déjà pleine, plus basse encore que le reste du lieu. Les néons oranges verticaux accrochés aux poteaux s’éteignent et plonge la salle dans l’obscurité. On se presse sur les coursives.
Les trois micros sont disposés sur le devant de la scène et le représentant du festival Ménilmontant vient faire un court discours, à l’occasion du début du festival de Ménilmontant, qui réunit donc plus de 450 spectateurs en cette soirée. Il dit n’avoir jamais vécu une ouverture avec tant d’enthousiasme et avoir voulu souhaité mettre en avant, cette année, les femmes artistes. Grace à un budget projeté sur le mur, il veut, dans le cadre de l’association Fairplaylist, faire réfléchir le public à l’économie de la musique. En le remerciant une fois encore d’être présent, tout en s’éclipsant.

Dans un bleu sombre, la foule réunie voit entrer en scène, un à un, le bassiste, le guitariste, et le claviériste. Derrière, le batteur programme un ordinateur. Les trois sœurs débarquent dans la clameur générale. En tuniques désertiques, rouge pour Tair au centre et noirs et bariolées de griffures blanches, sur les côtés pour Tagel et Liron, elles donnent une introduction sur un air yéménite à l’accompagnement très puissant, rock, puis presque reggae. La basse se ballade. La rythmique ne trompe pas. On reconnaît évidemment la patte du producteur israélien et surtout batteur, chanteur et leader de Balkan Beat Box, Tomer Yosef.

Les sœurs emportent la salle et ne la relâcheront plus jamais. Entre des chorégraphies d’un naturel inouï, elles libèrent de temps en temps un Aywa, cri de joie pour encourager chacun à célébrer ensemble, la vie et la sortie de leur premier EP.

Les chansons ressemblent parfois à des comptines comme chez Riff Cohen. Malgré le fait que le public découvre quasiment toutes les chansons, elles réussissent à transformer, par instants, le concert en karaoké géant, en initiant d’une traite la salle enchantée à toute une mélodie.

Des youyou, beaucoup de sourires, des Aywa encore et toujours, les trois sœurs tapent des mains à l’oriental, paume contre paume, micros à la main. Le clavier donne parfois dans le solo psyché quasi-doorsien, la salle saute et la barge se balance. La guitare part sur des solos de guitare typiquement oriental israélien, comme un bouzouki électrique.Puis s’enchaînent deux balades qui nous téléportent dans le désert, violon oriental à l’appui. Agitant des percussions de grain, elles signifient l’hommage aux percussions ancestrales au milieu de tous ces chants de grand-mère. Une démarche proche de celle d’Ibeyi, sœurs aussi, autre part.

Les mains tournoient dessus les têtes et s’y posent, le public monte sur scène et danse à faire danser la Seine. Pour leur titre phare Habib Galbi, c’est le vrai Balagan, le bordel à l’israélienne qui s’empare de tout. Un désordre merveilleux concrétisé par l’arrivée sur scène des Blues dancers, les danseurs en survet’ Adidas uni de leur clip. Entre hip hop et danses traditionnels, genou fléchis et pieds lancés,  ils se succèdent pour des freestyles acrobatiques pendant que les trois sœurs déchaînent la salle. Une énergie folle, une chaleur folle et la salle qui tangue plus fort encore.

Le bis ne sera pas moins agité. C’est une tempête qui s’est abattue ce soir-là sur ce bateau. Avant même la sortie de leur premier album, A-Wa confirme être une des révélations scène de l’année. Prêtes à décoller vers leur prochain concert parisien, le 16 décembre aux Etoiles.

Visuel : © DR

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Elie Petit
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