Classique
Un trio de pianistes à la Philharmonie

Un trio de pianistes à la Philharmonie

14 March 2023 | PAR Jean-Marie Chamouard

 

Le 13 mars 2023, à la Philharmonie de Paris, l’ensemble instrumental Il Giardino Armonico interprète, sous la direction de Giovanni Antonini les concertos n° 9, 10 et 7 de Wolfgang Amadeus Mozart. Le pianiste Kristian Bezuidenhout joue comme soliste le concerto n° 9, Katia et Marielle Labèque le concerto n°10. Kristian Bezuidenhout rejoint les deux sœurs pour le concerto n°7 écrit pour trois pianos.

Le piano forte à l’honneur

Trois pianistes sur scène pour trois concertos de Mozart. Il s’agit d’œuvres de jeunesse composées entre 1776 et 1779, pendant sa période Salzbourgeoise. On pourrait parler de «forte pianistes» car ce soir Mozart est joué sur des pianos forte. Les sœurs Labèque ont été à l’origine de la fabrication de deux pianos forte en 1998. L’utilisation du piano forte nous révèle une musique de Mozart différente de ce que nous sommes habitués à entendre. Le son est plus acidulé, il évoque parfois le clavecin, lors des passages rapides ou des accords. L’interprétation gagne en délicatesse, en légèreté, en limpidité, sans perdre en douceur. Les concertos se rapprochent du baroque et s’éloignent du pré-romantisme.

Il Giardino Armonico, le jardin harmonieux : cet ensemble musical a été fondé à Milan en 1985 par Giovanni Antonini. Il dirige ce soir l’orchestre avec énergie et précision. Il Giardino Armonico se consacre à la musique du 17 et 18? siècles, il a été un pionnier dans l’utilisation des instruments anciens.

Kristian Bezuidenhout est un pianiste australien d’origine sud africaine. La découverte du piano forte fut pour lui une révélation lui permettant la pratique d’exécutions fidèles aux interprétations d’époque.

Les pianistes françaises Katia et Marielle Labèque mènent depuis quarante ans une carrière internationale en duo ou à quatre mains avec parfois des concerts géants comme à Schönbrunn devant 100 000 personnes. Leur répertoire est très large allant du baroque et du classique à la musique contemporaine, au jazz, au flamenco, au rock expérimental.

Un concerto annonçant les œuvres de la maturité

Le concerto n°9 dit « jeune homme » a été composé début 1779 pour une pianiste virtuose française, mademoiselle Jenamy. C’est une œuvre innovante, un chef-d’œuvre original qui traduit le besoin d’émancipation de Mozart. Lors de l’allegro, l’entrée du piano survient dès la deuxième mesure, ce qui était alors inhabituel. C’est un mouvement inventif, rempli de joie, de fantaisie même si les accents de l’orchestre sont parfois interrogatifs voire douloureux. Le jeu de Kristian Bezuidenhout est limpide, délicat, sans fioritures. Merveilleux andantino, peut-être une des plus belles pages de Mozart: dans sa simplicité, la mélodie est d’une grande beauté, d’une grande pureté. Le pianiste va à l’essentiel, chaque note se détache parfaitement. Pour Olivier Messian, ce mouvement était une méditation sur la mort. Une méditation sereine, poétique, grâce au piano, l’orchestre introduisant la dimension religieuse. L’auditoire suspend son souffle, parfaitement immobile, dans un moment de grande émotion musicale. Le rondeau presto final est célèbre. C’est une musique de fête, entraînante, envoûtante, mettant en exergue la virtuosité de Kristian Bezuidenhout. Le menuet central est très mélodieux, élégant, délicat avant une reprise très énergique du premier thème par le piano et l’orchestre.

Une œuvre dédiée à sa sœur

Mozart compose son dixième concerto en 1779 lors de son retour à Salzbourg après ses désillusions parisiennes et le décès soudain de sa mère. Dédié à sa sœur Nannerl, ce concerto pour deux pianos exprime d’abord la joie des retrouvailles familiales, même si les tonalités mineures plus mélancoliques ne sont pas absentes. Dans l’allegro initial, après une longue introduction de l’orchestre, Katia et Marielle Labèque entament un dialogue fructueux. Leur jeu est très fluide. La virtuosité n’efface pas la sensibilité et la délicatesse. Une interprétation qui évoque de la dentelle sonore. Lors de l’andante, l’atmosphère est plus intime, la mélodie délicate, dégage un parfum de mélancolie, les sentiments du compositeur sont mêlés, hésitant entre joie et tristesse. Contraste avec le rondeau final, la musique est à nouveau entraînante, dansante. L’entrée des deux pianos est majestueuse, leur concordance, leur complicité sont parfaites. La cadence permet des moments plus recueillis, plus poétiques, avant qu’une longue trille annonce la reprise fougueuse du thème et un emballement final.

Un inhabituel concerto pour trois pianos

Kristian Bezuidenhout rejoint les sœurs Labèque pour le concerto N°7, un concerto pour trois pianos composé en 1776 , à la demande de la comtesse Lodron, la sœur de l’archevêque de Salzbourg. Elle voulait jouer l’œuvre avec ses deux filles. L’allegro évoque une fête galante. Il est contrasté aussi, les accents vifs et énergiques de l’orchestre alternent avec des moments de tendresse. Les trois pianos paraissent ne faire qu’un. Douceur et tendresse dominent l’adagio. C’est une rêverie musicale, rendue émouvante par la sensibilité et l’expressivité des trois pianistes. Le mouvement final est un élégant menuet qui n’est pas dénué de poésie.
Ce fut un concert remarquable par la sensibilité du jeu de Kristian Bezuidenhout, par la complicité de sœurs Labèque, par l’utilisation de piano forte qui nous donne une autre approche de la musique de Mozart.

Visuel :©JMC

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Jean-Marie Chamouard

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