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Robert Schumann : La Nuit des Rois, un conte musical célébrant la liberté des peuples

Robert Schumann : La Nuit des Rois, un conte musical célébrant la liberté des peuples

14 May 2023 | PAR Jean-Marie Chamouard

La Seine musicale propose le 12, 13 et 15 mai 2023, «La Nuit des Rois», un spectacle lyrique de Laurence Equilbey. Les dernières ballades de Robert Schumann sont interprétées par l’Insula Orchestra et le chœur Accentus. La mise en scène est d’Antonin Baudry.

Des œuvres peu connues

La Nuit des Rois est tout à la fois un concert symphonique, quasiment un opéra et un spectacle audio visuel, grâce aux vidéos d’Anatole Levilain Clement projetées sur un écran de tulle. Laurence Equilbey interprète des œuvres tardives, peu connues, peu jouées de Robert Schumann (1810-1856) . Le Page et la fille du roi, composé en 1852 parle de la colère du roi qui découvre l’amour de sa fille pour un page. La Malédiction du chanteur, composé la même année, aborde la fureur royale face aux ménestrels qui célèbrent l’amour et la liberté. Le Chant de la nuit, composé en 1849 est un chant de consolation, une quête de paix intérieure. Deux courtes œuvres orchestrales de Ludwig van Beethoven, la Marche Funèbre et la Marche Spirituelle s’intercalent entre les ballades de R. Schumann. Le concert est joué d’un seul tenant, les œuvres s’enchaînent naturellement, comme dans un conte musical unique.

Au cœur du romantisme allemand

Cette musique est très romantique, très expressive. L’orchestre y tient un rôle primordial. Il est majestueux, presque martial lorsqu’il annonce la chasse à grand renfort de cors . Ces accents deviennent lourds, menaçants lors qu’explose la colère du roi. La musique est légère, séductrice lors du chant d’amour du ménestrel. Elle est douce, tendre, d’une grande beauté au cours du Chant de la nuit. Les chœurs sont impressionnants par leur puissance souvent martiale, ils donnent au concert une grande ampleur sonore. La narratrice, la Mezzo Soprano Rachel Frenkel est très présente dans les deux ballades. Sa voix est douce, sensible, séduisante. La soprano Adèle Clermont, la Princesse, apporte légèreté, insouciance lors de son duo d’amour avec le page, elle exprime parfaitement la frayeur lors de la colère royale, la tristesse après la mort du page. La voix royale de Rafal Pawnuk est une basse impressionnante, menaçante, celle du ténor Ric Furman est enjôleuse lors du chant de Provence du jeune troubadour. Un chant superbe, très émouvant accompagné par la harpe.

Une mise en scène réussie

Antonin Baudry utilise le mouvement. Les chœurs peuvent être sur scène, dans la salle, au balcon. Les solistes peuvent se mêler à l’orchestre ou passer derrière l’écran de tulle, devenant des ombres chinoises. Les choristes se métamorphosent en nymphes qui chantent sur scène dans une chorégraphie très réussie. Le visuel est au service de cette mise en scène : les vidéos apparaissent sur l’écran de tulle qui semble à la fois gigantesque et léger. Le spectateur pourra observer des scènes de chasse, des châteaux, des fleuves, la mer, des champs, des montagnes. C’est un film d’animation qui illustre la musique et le texte également projeté sur l’écran. Des images qui vont renforcer l’adhésion du public, la puissance émotionnelle des œuvres.

Le message de Robert Schumann

Le concert de ce soir parle du contexte historique d’alors. Nous sommes au milieu du 19ème siècle, juste après le printemps des peuples de 1848, sévèrement réprimé, en particulier en Allemagne. L’aspiration à la liberté est très forte, l’unité allemande est en marche. La marche funèbre de Beethoven est dédiée à Léonore Prohaska, une femme qui combattit l’armée napoléonienne, déguisée en homme. Blessée au combat en 1813 elle mourut peu après de ses blessures. La musique est accompagnée d’une procession des choristes qui portaient l’héroïne en robe blanche jusqu’au château. Un moment très émouvant, très impressionnant . Le «Nachtlied», le chant de la nuit est écrit en 1849 à Dresde dans un contexte de sévère répression. C’est un chant de consolation, d’espoir: «que le sommeil dessine un cercle protecteur autour de la petite flamme». La musique est apaisante, très belle, elle appelle aussi à une renaissance. Les rois apparaissent dans les deux ballades de Schumann comme des tyrans. Dans La Malédiction des chanteurs, les chœurs entonnent l’hymne des temps anciens germaniques, un chant pour la liberté et pour la patrie que le roi considère comme une trahison?! Il tue le jeune troubadour. Dans sa fuite, son compagnon le harpiste brise sa harpe. Le message de Schumann est clair : quand la musique meurt, brisée par la tyrannie, la désolation se répand comme une malédiction.
La nuit des rois est un spectacle original par les œuvres choisies, par la mise en scène, par les vidéos qui les accompagnent. Un spectacle émouvant par son puissant message en faveur de la liberté des peuples.

Visuel:© JMC

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Jean-Marie Chamouard

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