Rap / Hip-Hop
L’interview stroboscopique : Odezenne

L’interview stroboscopique : Odezenne

09 July 2014 | PAR Bastien Stisi

Crépitements lumineux, rugissements scintillants, et coup de strobo sur Odezenne, rap ovniesque et sans obédience formelle, de retour avec leur nouvel EP Rien, et qui contient malgré la nomination beaucoup de poésie et de décalage artistique :

Vous traînez depuis longtemps une réputation de groupe farouchement indépendant. Vous êtes à ce point en désaccord avec la manière dont on construit, dont on produit, dont on distribue la musique aujourd’hui ?

Alix : Non, pas tellement. L’indépendance, c’est d’abord l’histoire de nos échecs. Pas de réponse à nos mails, pas de retours sur les écoutes, pas de propositions de contrats. On n’a pas tellement de temps à perdre avec ces démarches, alors on s’est vite organisé seul. Finalement tu t’habitues à faire les choses, et tu apprends beaucoup. Concernant la manière dont les choses se font aujourd’hui, je n’ai pas de critiques particulières. Je trouve que l’offre est suffisamment large pour trouver son bonheur, et je suis plutôt de nature à voir le verre à moitié plein qu’à moitié vide.

Jacques : Je ne sais pas qui a dit que nous sommes des énervés… Mais tu vois par exemple là, dans ce cas précis tu nous proposes une interview, et une interview c’est un journaliste qui la fait. Partons du principe que pour être un journaliste, il faille une carte de presse autrement t’en es pas un. As-tu une carte de presse? Es-tu en accord avec le fait que tu ne le sois pas pour cette raison ? Bah non ! Tu t’en tapes et tu fais tes interviews et tu avances. Nous c’est pareil… On nous donne pas de carte de presse, et ça ne nous empêchera pas de sortir notre canard. Alors oui le sport arrive avant l’économie et en couverture il y a les mots fléchés. L’essentiel c’est de faire avec ou sans passe droit.

Comment fait-on pour demeurer réellement indépendant lorsque le succès qui suit est aussi conséquent ?

Alix : On cherche la 25ème ou la 26ème heure pour pouvoir finir de préparer les commandes, répondre aux mails, construire la nouvelle newsletter, lancer la prod’ de réassort des anciens albums, faire les factures à notre distributeurs des dernières mise en bac, répéter, gérer nos réseaux sociaux et boire du whisky.

Jacques : Honnêtement ? Le travail. Tu sais, le succès n’est pas si conséquent, on pourrait même ne pas parler de succès. On fait de petites choses avec nos tout petits doigts.

D’un certain point de vue, le positionnement de FAUVE pourrait rappeler celui d’Odezenne. Y a-t-il, à vos yeux, un lien à faire entre les deux projets ?

Alix : Tu parles de positionnement vis-à-vis de l’industrie ou de positionnement artistique ? Dans le premier cas, je pense effectivement qu’on a la même manière d’aborder notre développement, c’est-à-dire qu’on s’organise nous-mêmes ; mais concernant l’artistique, je pense qu’on n’a pas grand chose à voir dans notre manière d’aborder la musique. Nous sommes davantage proches du chien que du fauve, musique de niche oblige.

Jaco : Je ne sais pas vraiment…je ne m’y intéresse pas, on fait les choses comme on les sent, comme on le peut surtout. Nous, on fait notre petite route tout seul, à pieds, tranquille.

Rien. C’est le nom de votre EP, qui introduit votre album à paraître prochainement. Le Odezenne nouveau est t-il empreint de nihilisme ?

Alix : « Spectateur de ce théâtre sociétal juvénile où le décor tourne comme sur un disque d’vinyle. Scratcheur de mon idylle, représentation sous influence de nihil. Je comprendrais peut-être ces rôles ? Qu’on prend, c’est drôle ? Avant d’être sénile ». C’est une phrase extraite de notre chanson « Dis-moi » écrite vers 2006. J’ai bien peur que le nihilisme se fume dès l’adolescence et colle au poumon.

« Je veux te baiser », votre tube balancé en préambule de l’EP, dont les tendances pop aux paroles accrocheuses, détonne au sein de votre univers habituellement si complexifié. Il fallait un tube FM pour marquer votre retour discographique ?

Alix : Ce titre est plus complexe qu’il n’y paraît, c’est un geste de liberté artistique totale. Un hommage sincère aux clichés. Si tu connais une radio FM qui joue ce genre de morceau, file-moi l’adresse parce que ça pourrait nous intéresser oui !!!

En 2008, nous avons caché le track « Lapinou cokinou » après la plage 20 de notre album, et puis il y a eu « Tu pu du cu », « Adieu », « Bûche ». On aime faire ces morceaux-là aussi. Il faut croire que ça nous fait du bien. La musique ne doit pas être que cérébrale, ça m’emmerde parfois d’ailleurs de ne pas être capable d’en faire plus des comme ça. C’est vraiment dans la lignée de notre discographie, la plupart des gens l’ont compris quand on les voit chanter à nos concerts, c’est un beau moment.

Jacques : Comme dit Alix, trouve nous une radio FM ça nous intéresse! Non, c’est l’anti-tube par excellence ce morceau, soyons sérieux. Notre retour, je le trouve plus marqué avec des morceaux comme « Rien » ou « Dieu était grand. » Apres laissons le temps à ce disque de vivre, là, il n’en est qu’à son premier mois de liberté.

Les performances live d’Odezenne sont toujours très attendues. Y a-t-il une scénographie particulière prévue pour ce nouvel album à venir ?

Alix : On y pense, oui, mais c’est un peu tôt pour dire exactement quoi, mais ça fait partie de gros chantiers à venir. Ce qui est certain, c’est qu’on ne va pas faire un show avec des lumières de fou, avec des changements de costume, on boit trop pour ça.

Jacques : l’idéal sur scène pour nous, c’est d’être au plus près de ce que nous sommes dans la vie, de la peur, de la timidité, de la violence, de la folie…pas d’artifice… Certains font du spectacle, nous, on fête les morts !

Je suis à la recherche de sons pour remplir mon iPod…quelque chose à me conseiller ?

Alix : « Eisbaer » de Grauzone

Jacques : « Dopo l’esplosione » d’Ennio Moricone

Odezenne sera en concert aux Francofolies ce samedi 12 juillet.

Visuel : (c) pochette de Rien de Odezenne

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Bastien Stisi
Journaliste musique. Contact : [email protected] / www.twitter.com/BastienStisi

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