Capitaine Roshi, un EP explosif en attendant l’album
Ce jeudi 28 octobre 2021, le rappeur Capitaine Roshi sortait son 5ème EP Road to Larosh, une préface explosive pour préparer ses fans à la sortie de l’album Larosh, prévu pour cette année. Cet EP très attendu s’inscrit dans la continuité de ses performances précédentes, l’occasion de revenir sur ce qui fait le succès de cet artiste à la voix si particulière.
Une voix et un phrasé « touche à tout »
Le plus incontournable chez Roshi, c’est sa voix rauque, éraillée, presque cassée. Il peut la faire varier à l’infini, et ne se gêne pas pour échauffer sa voix pleine de vibratos au début de nombreux morceaux. Il ne s’en cache pas, il aime les refrains chantés, qui diversifient ses créations, sans qu’il ait besoin de recourir à l’autotune. Capable d’alterner aigus et graves, sa voix, flow mélancolique, a de quoi faire appuyer sur la touche replay.
Son phrasé, symbolisé par des syntaxes inversées, du verlan et des abréviations, bien que parfois dur à saisir, fait tout le charme de son rap. Il adopte cette diction dès ses premières prestations, lorsqu’il se fait connaître avec son groupe Ultimate Boys dans une série de freestyle SDD sur un tempo très trap, publié sur SoundCloud. Il est ensuite convaincu par le boombap, un courant musical issu du rap East Coast des années 1980, popularisé par The Sugarhill aux Etats-Unis et IAM en France, le boom faisant référence au son de la grosse caisse et le bap à celui de la caisse claire. Puis, il s’oriente vers la drill, sous-genre du hip-hop né des quartiers de South Side à Chicago dans les années 2000 et porté par le rappeur Chief Keef.
Son rap domine les instrus : une fois lancé dans un couplet, inutile de s’attendre à une pause. Il préfère les phrases qui durent plusieurs mesures et s’applique à rallonger, à détacher chaque syllabe. « Je n’aime pas laisser de silence, l’instru ne peut pas continuer seule », confie-t-il à Mehdi Maizi, dans son interview pour Le Code. A ce titre, il s’inspire du rap en rafale d’artistes comme Freeze Corleone ou Esso Luxueux.
Roshi, l’éternel solitaire qui aime l’esprit d’équipe
Né en 1996 au Congo, c’est à l’âge de 11 ans qu’il quitte son pays : après quelques mois de transit en Angleterre, il s’installe en France avec sa famille. Dans son interview GAV pour la chaîne Street Press, il explique qu’il a eu beaucoup de mal en arrivant en France : on le qualifiait de blédard, on se moquait de son accent. Il a été très seul tout le collège. Finalement, cette exclusion a forgé sa personnalité : toujours en introspection, il utilisait l’humour pour se défendre, d’où ce fameux sourire qu’il arbore en toutes circonstances. Adolescent, il faisait de longues balades nocturnes dans Paris pour s’échapper du HLM dans lequel il vivait avec sa mère et son frère. Il n’a pas perdu cette habitude, ce qu’il nous confie dans « Pigalle », morceau de l’EP Attaque II, paru en 2020.
Pour autant, s’il aime autant son quartier, Pigalle, c’est parce que « c’est un lieu qui ne dort jamais, c’est toujours la fête», explique-t-il dans son interview pour CliqueTV. Il aime le mouvement, l’extase de la nuit, et par-dessus tout, il aime être entouré. À l’aise avec la solitude, il n’en reste pas moins un défenseur de l’esprit d’équipe, valeur que le foot lui a inculquée. Il se voit comme le passeur dans ses albums : il aime distribuer les rôles avec des collaborations variées. « Capitaine mais pas chef, je ne suis pas seul quand je décide », répète-t-il dans plusieurs titres dont « Bouteille à la mer » (2020). Il cultive cette image du navire : il guide ses troupes face aux assaillants. Consulter ses proches lorsqu’il conçoit ses projets est devenu naturel : « j’aime que chacun mette sa patte », admet-il. Il a multiplié les feats, et la consécration est arrivée avec « Détail » (2020), morceau avec Alpha Wann, rappeur très installé qu’il admire depuis son adolescence.
Un EP pour donner l’eau à la bouche
Pour Roshi, créer une passerelle entre chaque album est devenu une habitude. Le 27 novembre 2020 sortait Attaque II, la dernière mixtape qui clôturait une série de quatre projets en seulement un an (Attaque, Contre Attaque, W.A.R et Attaque II). Couronnée de succès, elle l’a hissé au rang de rappeur à « surveiller de près », selon sa fanbase tweeter. Cet engouement est dû à la maturation de sa musique et à des fans qu’il ne veut jamais rassasier. Chaque projet en dévoilait un peu plus, jusqu’à l’envolée avec Attaque II qui comprend presque tous ses morceaux les plus écoutés, dont « Pigalle », et « Ébélé ». Tout dans la patience et la progression, tel est l’état d’esprit de ce rappeur ambitieux.
L’EP Road to Larosh nous ouvre la voie vers un album prometteur, sur lequel il travaille déjà. Au niveau des instruments, Roshi innove puisqu’on a des passages à la guitare, du piano synthé, des cymbales… Pourtant, ce projet est très harmonisé au niveau des instrus : peu de variations dans les tempos, des basses puissantes et un fond drill. Cette uniformité n’a pas empêché Roshi de faire de chaque morceau une expérience grâce à la souplesse de sa voix.
Il débute l’EP en parlant de ses rêves : « vers des lieux magiques emmène-moi » sur le morceau « Amère », produit par Ponko, le célèbre producteur d’Hamza, puis il annonce l’arrivée de Larosh dans « Interlude » : « Larosh, ce nom est synonyme de courage, de force et d’ambition » nous dit la voix de Benoît Allemane, qui n’est autre que la doublure française de Morgan Freeman, acteur que Roshi vénère. Pour un son plus énergique, « Les Fous », il ramène un producteur régulier, Marcelinho. Il n’a pas hésité à faire appel à un producteur différent pour chaque morceau, de quoi réussir ses feats. Car oui, sur ce projet aussi, il a tenu à s’entourer. Parmi les artistes en vogue, on a Guy2BezBar, un artiste plutôt drill, sur « Je me lève, je me lave ». Sur « 94 Diez », il s’accompagne de Malty 2BZ, un artiste qui sort tout juste de l’anonymat, pour un rap très séquencé qui suit les variations des basses. Puis, le superbe « Grande Armée » avec WIT, un artiste cyberpunk proche de Laylow, adepte des sonorités futuristes et des voix robotisées. Roshi a misé sur ce feat qui sort de son registre habituel : il en a même fait un clip, réalisé par BleuNuitTV et publié le 15 octobre dernier en guise de teaser de l’EP. Enfin, La Fève le rejoint avec sa voix nasillarde sur « Du Mal » pour un rendu original. Roshi pose sa voix en fonction du rap de chacun, pour des duos efficaces. Il finit l’EP seul et en douceur avec « Pas comme hier », et « Nouveau voyage » où il chante et rappe en même temps, accompagné par un piano synthétique.
Des lyrics très personnels
Ce que ses fans apprécient chez lui, c’est qu’il ne rappe que ce qu’il vit. Dans « Du Mal », il parle de son rapport à la police : « Je ne tolère pas les racistes, les soumis, la police », un sujet qu’il avait abordé dans son interview GAV où il confiait se rendre aux manifestations contre les bavures policières, militant pour Adama Traoré. « Je dois me battre contre les abus de pouvoir » a-t-il affirmé, avant d’enchaîner sur le respect qu’il porte à sa mère : « ce que ma mère me disait dans la voiture après les gardes à vue, c’était pire que les menaces de la police ». Et sa mère, quelle source d’inspiration ! Rien que dans cet EP, il parle de sa famille dans presque tous les morceaux : « congolais comme papy » dans « Capo », « ce que je fais c’est pour ma famille » dans « Pas comme hier ». Et puis, il y a le rapport à l’argent, et son envie de gravir les échelons. Il le répète, « c’est l’oseille qui pousse à sortir » (« Grande Armée »). Seulement, il faut se frayer son chemin sans faire trop de vagues : la discrétion est le crédo de Roshi, il continue à avancer dans son coin, comme il le dit dans « Lumière » : « je suis pas comme eux, je m’écarte ». Enfin, il y a toute la force qu’il puise de son vécu : « j’entends des horreurs, je ne peux pas rester passif, car le mot horreur a trop bercé mon passé », entendu dans « Grande Armée », définitivement le morceau phare de l’EP. Cette envie de vaincre, c’est la « flamme de la volonté » inspirée des mangas japonais, comme il l’explique dans son interview « le scanner » pour Rapelite. Il veut s’élever à la manière des héros d’animés shônen, s’acharner, persévérer… Jusqu’à percer.
Cet EP, « ce n’est pas une fin, mais le début de la révélation » … C’est l’embarquement pour un « Nouveau Voyage », le titre qui met le point final à ce projet.
Il le réaffirme lorsqu’on l’interroge : il est loin d’être au sommet de son art. La route est encore longue, mais il apprécie chaque marche gravie. Il répète souvent à sa mère qu’il est trop tôt pour être fière ; il veut encore évoluer pour l’éblouir. Nous n’avons plus qu’à patienter pour voir Roshi devenir le vrai capitaine du rap français !
© Pochette EP Road to Larosh