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Théo Lawrence & The Hearts, un jeune groupe qui vous donnera envie de porter des boots [Interview]

Théo Lawrence & The Hearts, un jeune groupe qui vous donnera envie de porter des boots [Interview]

14 April 2018 | PAR La Rédaction

A l’occasion de leur dernier album Homemade Lemonade, le groupe Théo Lawrence & The Hearts a fortement attiré l’attention puisque leur concert du 11 Avril aux Etoiles affichait complet des semaines avant l’événement.

Par Clara Bismuth

A l’écoute, Theo Lawrence & The hearts, c’est quelque chose d’assez curieux. On est perdu dans des influences Soul, Country et Rock’n’roll, puis rattrapé par une voix assez lisse qui passe des graves crooneurs aux aigus angéliques avec aisance. Tout ça sonne assez « beau et sage » et l’on attend impatiemment le moment où le tout se renverse, où le groupe sort de sa ligne d’aisance. Car on sent bien que ce jeune artiste et ses musiciens ont de « bonnes » références, une curiosité pour beaucoup de choses, mais qui peut parfois jouer en leur défaveur. Sur scène, aucun souci, le groupe est dans son élément et la foule le leur rend bien. Théo nous offre une danse endiablée avec sa guitare, et nous transporte dans cet univers. On passe un bon moment sans aucun doute mais une légère frustration se fait tout de même sentir. Car oui on se trouve en permanence tiraillé entre l’envie d’une danse énergique ou au contraire celle d’un pas langoureux avec la foule.
Cependant, Theo Lawrence au delà de son jeune âge n’est pas dépourvu de talent et il serait dommage de passer à coté, car d’ici quelques temps il pourrait bien nous mettre une grande claque musicale.

Vous êtes un jeune artiste, comment décririez vous vos débuts dans la musique et votre rencontre avec les autres membres du groupe ?
T.L : La rencontre avec Thibault et les autres musiciens s’est faite vraiment de la même manière. Ca fait onze ans que j’ai des groupes, depuis que je suis en 6ème… Quand j’ai eu 15 ans j’ai commencé à chercher des musiciens en dehors de mon collège, de mon lycée, parce que j’étais à fond dans la musique et j’ai fais la rencontre d’Olivier le bassiste qui était un peu dans la scène à Paris. De fil en aiguille que ce soit Thibault, Le Marin qui est parti ou Nevil, ça a toujours été des rencontres entre musiciens sur Paris, on a jamais fait d’audition, tout le monde est venu assez naturellement…

Votre premier contact avec la musique ?
T.L : Il y a un truc souvent auquel je pense, c’est le concert de fin d’année au collège qui s’appelait le groupe rock. On venait tous les mercredis soirs dans l’amphi de l’école et on apprenait des morceaux. J’étais allé voir le concert des terminales, des vieux, et ça m’avait donné envie de monter un groupe juste à cause de ce concert là. Même si je ne savais jouer d’aucuns instruments, je m’y suis intéressé par ce billet là. L’année d’après j’ai fait ce concert et chanté Aretha Franklin «Respect” et Joan Jett « I love rock’n’roll ». Comme j’étais pas très bon à l’école je me suis concentré la-dessus. Alors on a monté un groupe, l’idée c’était vraiment de faire des compos, le bassiste jouait avec une guitare détunée de trois tons, avec des cordes très molles, le batteur avec des baguettes chinoises…ont adoré ça.

Au niveau du travail de composition comment ça se passe entre vous ?
T.L : En général c’est moi qui écris les morceaux, puis y’en a certain qu’on ne va pas approfondir car ca ne parle pas au groupe, et d’autres sur lesquels c’est plus évident. On fait tous les arrangements ensemble mais sinon c’est moi qui ramène la partie instrumentale, les paroles, la mélodie de voix. J’apporte mes morceaux à un stade non défini et c’est avec le groupe que ça prend forme. Récemment avec Thibault on écrit ensemble donc ça change le mode de fonctionnement, il y a un vrai échange, un jeu de ping pong qui va influencer le rendu.

Comment percevez vous votre notoriété aujourd’hui ?
T.L : J’en suis content sans en avoir vraiment conscience…ça s’est fait tellement progressivement, sur plusieurs années…Le but c’était juste de faire un album et petit à petit et c’est ce qu’on a aujourd’hui. Mais avant le concert aux Etoiles, on avait jamais fait un vrai concert à Paris de notre vie. C’était uniquement des co-plateaux, des premières parties…Mais c’est vrai qu’on a pas eu ce phénomène impressionnant sur nous, c’est léger et naturel, on sait où on va.

Vous parlez souvent de Country et de Soul, de votre musique comme difficile à définir…Qu’est ce qui vous a attiré vers ces styles, tant d’influences ?
T.L : On parle beaucoup de Soul et de Country parce qu’on aime le mélange de ces deux styles. Il y a eu des périodes où les deux étaient plus distincts comme avec le western swing par exemple et ce n’est que plus tard que ça s’est mélangé. C’est ce qu’on aime et qu’on essaie de faire. Pas forcement de défendre un style mais plutôt de tout mélanger dans un grand cadre.

Vous n’avez pas peur de vous y perdre ?
T.L : Si carrément, mais c’est tellement dur. Mon avis sur l’album, si je devais donner une critique c’est qu’il n’y a pas une unité assez forte. On a tellement de trucs que l’on aime…Quand j’écoute Bill Monroe j’ai l’impression que c’est la plus belle création que j’ai écouté. Puis le lendemain je mets autre chose et je me dis « en fait non ! C’est ça le meilleur truc ». Mais c’est tellement dans notre coeur, qu’on arrive pas à sélectionner, le but serait de tout synthétiser. J’admire les artistes qui ont un style et que quoiqu’ils fassent ça sonne comme « eux » . Je suis récemment allé voir Big Thief, un groupe que j’adore et ce que j’admire. Dès qu’ils commencent un morceau ça sonne Big Thief et tu as l’impression qu’ils jouent toujours une déclinaison de la même chanson ce qui est agréable. Ce sont des variations sur les mêmes thèmes. On a un ressenti générale sur l’album. Nous on est trop dispersé, il y a des trucs que je virerais aujourd’hui sur l’album parce que je pense qu’ils sont nuisibles. Mais le second sera plus cohérent.

Certains albums importants à vos yeux ?
T.R : Je dirais tous les premiers LP fait en tant qu’album dans les années 60/70, n’importe quel disque de Neil Young…selon le titre que vous écoutez, il vous est facile de savoir de quel album il provient.
T.L : Les albums qui nous influencent vraiment sont écrits et enregistrés dans ce but là.
J’ai l’impression qu’on préfère les disques qui accueillent des chansons « remplissages » mais avec une identité comme sur une même photo, plutôt qu’uniquement des « tueries », mais dans pleins de styles différents et où l’écoute devient presque indigeste. Mais on met du temps à réaliser ça.
Apres si tu n’as que des tueries et que tout se ressemble tant mieux pour toi. Creedence Clearwater Revival le fait super bien, Willie Nelson aussi avec l’album « Phases and Stages » où une face correspond à la vision de l’homme puis l’autre à celle de la fille dans une histoire d’amour…tous les albums de Neil Young pour sur.
Et celui que je cite toujours : « Elvis in Memphis », fait avec cette idée de mélanger la soul, la country, le gospel et c’est juste…incroyable.

Si vous deviez vous projeter dans 10 ans, votre musique ressemblerait à quoi ?
T.L : L’objectif serait de pouvoir nous reconnaitre dès l’écoute de nos titres, qu’il y ait une unité dans tout ce qu’on fait, dans nos compos.
Pour moi quelqu’un d’accompli c’est quelqu’un qui a réussi à developper son son, son style et à synthétiser toutes ses influences. Tu peux aimer le Wu Tang et La Carter Family, mais le but c’est que tout ça soit digéré. Je trouve qu’on se débrouille pas trop mal, on a des choses bien digérées, d’autres moins.
Mais surtout j’aimerai que l’écoute ne demande aucun effort. Qu’on ne se batte pas contre la musique, qu’on ait pas ce besoin de la disséquer mais juste d’être face à un bloc général, comme Dusty Spingfield avec son “Son of a Preacher Man”…ça ne vous laisse pas le choix. Le but c’est d’arriver à 5 pour-cent de ça.

Quand on aime la Soul et la Country et qu’on vit à Paris, on y trouve son compte ?
T.L : Pas du tout. C’est horrible. Y’a pas d’événements, à part quelques fois dans l’année des concerts de potes mais incomparable c’est sur à l’événementiel d’Austin Texas !
Je mène pas la vie que je veux ici c’est évident.
Il y a très peu de gens dans notre région que cette musique intéresse et dès qu’on croise une personne que ça touche tu vas la croiser forcement. Alors je me suis jamais sentis vraiment trop dépaysé. C’est comme les gens qui font du BMX, ils vont avoir tendance à s’entourer de gars du monde du BMX, et bien nous c’est pareil.
En France il y a beaucoup d’a priori sur certaine style et presque comme une discrimination Anti-Country. C’est souvent associé au HD Diner à St Michel, tu te fais cataloguer, c’est presque un style qui suscite la haine, alors que pour la soul ça ne sera jamais le cas.
Si tu demande à un jeune en Californie ce qu’il déteste, il te répondra probablement : la Country.

Que pensez vous du support vinyle aujourd’hui à la mode ?
T.R: J’achète beaucoup de vinyles alors j’en suis content même si je n’apprécie pas le côté business…Je pense d’ailleurs que beaucoup de ce qui sort aujourd’hui est fait à partir de fichier MP3 ou de disque au mieux. L’objet reste cool mais ça me fait un peu rire quand j’entend des gens prôner la qualité alors que ce n’est pas toujours le cas.

Avez vous des rituels avant un concert ?
T.L : Pas vraiment. Parfois les tournées j’ai l’impression que c’est plus de la dégustation de fromages et de vin, c’est plutôt ça le rituel. On écoute de la musique dans les loges en buvant du vin.

Plutôt concert ou studio ?
T.L : J’ai peur de faire fuir les gens à chaque fois que je dis ça, mais plutôt studio même si j’adore les concerts. Le plaisir de faire un concert est très intense et unique, tu retrouves ça nul par ailleurs mais c’est assez court. Une fois terminé je pense à autre chose alors qu’avec le studio j’y suis complètement impliqué pendant des journées entières corps et âme. Le plaisir est plus long, pour cette album on est resté deux semaines en studio, à dormir sur place et j’étais complètement dedans.
C’est à ça que je pense tous les matins, au rêve de l’album et pas à celui du concert.

Vous sentez vous totalement en adéquation avec votre temps ou êtes vous nostalgique d’une époque ?
T.L : J’aime pas du tout l’idée de la nostalgie, je trouve que c’est un truc de vieux, de personne fermée. Mais si je m’en tiens à nos goûts, oui on aurait été plus riches à une autre époque c’est sur. Ca aurait touché plus de monde ou en fait peut être que pas du tout ! Il y avait tellement de gens excellents, qu’on aurait été une pichenette sur un Billboard hot 500 à la 540ème place du classement général avec une chanson à peine bien enregistrée et un vague refrain…Donc finalement je suis peut être content de voir qu’on a actuellement peu de concurrence dans le style qu’on fait aujourd’hui. Ca nous donne l’impression d’être bons alors qu’il y a beaucoup de chemin à parcourir. Mais on a la chance d’avoir le recul et l’accès à ces musiques qui nous on influencé. C’est abyssal. Ca permet de mélanger pleins de choses et aussi de se perdre, de pas savoir qu’elle style tu veux faire, quel genre de groupe tu veux être.

Vous aimeriez partir ?
T.L : Pour l’instant non mais je sais pertinemment que je ne suis pas au bon endroit pour ce que je fais et en même temps je pense qu’il y a d’autre gens comme nous qui sont mécontent d’être à Paris. Alors en attendant on réunit justement ces mécontents, on joue pour eux, pour ceux qui ont pas envie d’aller au Wanderlust. On fait de la musique de gens pas biens.(rire)

Si on vous donnez la possibilité de rencontrer un artiste ou autre personnalité qui n’est plus de ce monde, votre choix se porterait sur qui ?

T.L : On a le droit à une minute de réflexion ? Haha
Alors j’en ai un, qui n’est pas particulièrement mon héros de tout les temps mais ce serait Lee Hazlewood. Doit y avoir de pures histoires, des chansons à jouer, et pleins de conseils à prendre…
T.R : Moi je dirai, passer une soirée avec Doug Sahm, il avait l’air plus que cool et je pense qu’on doit bien rigoler.

Nashville ca vous à apporté quoi ?

T.L : Heu…Pas grand chose dans l’idée. Très content d’y être allé, mais j’ai vu peu de concerts qui m’aient plu, si ce n’est le guitariste William Tyler qui est très doué et demandé là bas. Mais sinon on dirait un peu une ville fantôme et ce n’est qu’une fois au sein des salles que tu te rends compte de l’ampleur du truc. Je pense que pour vraiment en profiter il faut être introduit par des gens locaux qui te font participer à leur quotidien. Ce qui est marrant c’est de croiser des musiciens partout. Tu vas au supermarché, tu frôles le bassiste de Jack White, tu vas chez un disquaire et t’en aperçois un autre…

Vos inspirations en dehors de la musique ?
T.L : Les films. Beaucoup de mes chansons sont inspirées après avoir vu un film. Sinon les livres de photographie aussi. J’ai beaucoup de livres de photo chez moi, j’en ouvre un, je reste sur la photo et j’essaie d’en faire la bande son…sinon les gens, le quotidien.
Les paroles qui nous plaisent en général sont souvent portées sur le quotidien, le mystère qu’il y a dans les trucs triviaux de tous les jours. Quelque chose qu’on savait déjà, mais qu’on va mieux exploiter.
D’ou l’importance de rester éveillé la journée. Il y a un songwriter que j’adore et qui fait ça très bien c’est Hank Cochran. Il m’obsède en ce moment.

Si vous deviez sélectionner un studio mythique à vos yeux ?
T.L & T.R : Question très importante, je suis obligé d’en nommer plusieurs. RCA studio B forcement, le studio de Cosimo Matassa, celui d’Owen Bradley, Capitol…Après aujourd’hui il y a pleins de trucs que j’adorerai qu’on teste comme Easy Eye Sound Studio à Nashville, Diamond Mine à New-York, National Freedom dans l’Oregon qui est le studio de Richard Swift. Mais celui qui nous fait rêver actuellement c’est bien sur Noisy le Sec, parce que c’est la qu’on répète et qu’on enregistre.

Le look représentatif du groupe ce serait ?
T.L : Jean obligatoire et on a tous très souvent un t-shirt blanc classique…puis au mieux une paire de bottes. Très jean en fait, que ce soit les vestes ou les pantalons.

Théo Lawrence : Voix/Guitare
Thibault “Rooster” Lecocq : Batterie
Olivier Viscat : Bass
Nevil Bernard : Clavier
Thibault Ripault : Guitare

visuel : couverture de l’album

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La Rédaction

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