Pop / Rock
[Live report] These New Puritans au Café de la Danse : pop anoblie et rock obscurci

[Live report] These New Puritans au Café de la Danse : pop anoblie et rock obscurci

18 June 2013 | PAR Bastien Stisi

Field of Reeds de These New PuritansEn 2010, on avait perdu tout repère et toute notion de temps et d’espace à l’écoute de l’immense Hidden, turbulent disque aussi marginal et singulier que les performances lives données dans la foulée par les These New Puritans, que ce soit dans l’enceinte classifiée du Centre Pompidou ou dans les dédales étroits de la Machine Moulin Rouge. Hier soir, c’est leur dernier album en date, le complexe et accessible Fields of Reeds, que les membres du groupe britannique présentaient au Café de la Danse et au public parisien…

Lumière tamisée, effervescences et fuites sonores, entrée allongée et formelle d’une ribambelle de musiciens sur scène, et très vite, l’apparition des premières notes de piano du somptueux « Fragment Two », morceau porteur du dernier album du quatuor britannique, qui déjà, met tout le monde d’accord : la pop ne s’accompagnera pas ce soir de sourires maquilleurs et puérils (on pardonnera même les raccourcis FM du très faible « Hologram »…), mais se fera grande et solennelle, majestueuse et loyale, hautaine et novatrice, à l’image de la discographie savante et experte de l’une des plus fabuleuses hydres de la glorieuse scène indé britannique.

Autour des jumeaux Barnett (Jack au micro, George à la batterie), cinq, parfois six musiciens, faisant sonner conjointement les cuivres, les guitares, les claviers et les percussions, dans une cacophonie de rock hybride et philharmonique alternativement enjolivé par une teinte d’électro discrète, de jazz libéré, de post-punk complexe et brutal, de pop arty sans amphétamines pour en vulgariser le timbre.

Le public, attentif et hypnotisé, remue l’esprit davantage que le corps, fidèlement épris par la pop cérébrale et accessible d’un live sérieux et calibré, et finira même par se dévergonder légèrement devant l’appel à la révolte lancé par l’instrumentalisation déstructurée et jazzy du méchant et troublant « Attack Music », et plus encore par la nervosité obscure et les tambourinements martiaux du vénéneux « We Want War », chef-d’œuvre de post-punk insoumis, tendu et mystique vivifié par la voix d’un Jack Barnett jamais aussi brillant que lorsqu’il salit ses manières en même temps que sa tonalité vocale. De bataille, c’est définitivement bien dont il s’agit ici : les These New Puritans et leur bande de sombres lurons sont en guerre, en lutte contre l’uniformisation aseptisante d’un rock contemporain pauvre et inodore, pourvoyeurs artis et intellos d’une liberté de son et de composition qui n’est pas sans rappeler les démarches pionnières et salvatrices de Saint Brian Eno, de Massive Attack ou de Primal Scream.

Un rappel, une dernière salve libératrice dans les tympans, et un salut simple et discret pour le groupe, raccompagné dans les coulisses et de l’autre côté de la Manche par le Café de la Danse et par un tonnerre d’applaudissements légitimes. La bataille, elle, n’est pas tout à fait terminée : il reste encore une armée nombreuse de puritains normés à assommer, et une histoire de l’indie rock britannique dont il convient de poursuivre la glorieuse écriture sonore…

Visuel © : pochette de Field of Reeds de These New Puritans

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Bastien Stisi
Journaliste musique. Contact : [email protected] / www.twitter.com/BastienStisi

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