Pop / Rock
[Live report] Stromae au Palais Omnisports de Bercy

[Live report] Stromae au Palais Omnisports de Bercy

18 November 2014 | PAR Bastien Stisi

Pour la première des cinq dates qu’il donne sur une quinzaine de jours au Palais Omnisports de Bercy, Stromae débute, comme sur son second album Racine Carrée, par l’interprétation de son tube « Ta Fête ». Ce n’est pas un hasard. Ce sera plutôt son leitmotiv.

Les lumières viennent de s’éteindre, imposant un instant l’obscurité sur les gradins sans cime de Bercy et sur sa fosse remplie à ras bord. On a laissé derrière nous le show du producteur portugo/angolais Batida, venu faire résonner dans une enceinte déjà très pleine les effluves de son afro-beat teinté de house, de tonalités africaines (on parle de kuduro, de benga, de semba…), et d’une ambiance globale qui renverra directement aux titres les plus chauds du maestro qu’il est en charge d’introduire. Sur son deuxième album (le dénommé Dois), sorti chez le très world Soundway Records, on trouve notamment une reprise tout en soleil des « Plus Beaux » de François & The Atlas Mountains, que, hasard amusant, on pourra justement voir ce soir du côté du Bataclan.

Des basses, des néons, des sourires

Il y a déjà dans les parages un air d’« Alegria ». Et cette tendance va se confirmer. Durant 1 heure et demie et sans interruption aucune. Car tout de suite, et après avoir vu défiler sur l’écran géant du lieu un film introducteur faisant progressivement basculer le personnage Stromae du monde du virtuel à celui du réel, le public se voit donc imposer « Ta Fête », sa rave gentille, sa transe de stade, ses jeux de lumière compulsifs et totalitaires qui se poursuivent sur « Bâtard » et qui feraient presque passer ceux du live Vitalic VTLZR pour des néons émanant d’une modeste lampe de chevet…

La foule, déjà, hurle à la moindre manifestation sonore. C’est que dans le public, certains, portés par l’inconcevable succès entourant le second album de Stromae (qui, rappelons-le, a vendu l’an passé plus d’albums que les Daft Punk…) ont leur place réservée depuis plus d’une année…Et les basses sont poussées au max. Bientôt, il y a « Je Cours », « Sommeil », « Peace Or Violence » (certains font le signe du « V »), « Te Quiero », tous issus du premier album Cheers, paru en 2010. Et aucune parole n’est ignorée par les lèvres d’un public qui ne cesse de s’agiter, de la même manière que les corps ne cessent de sautiller, de se dandiner, et les sourires de s’émanciper de ce carcan social qui tient si souvent le public parisien dans l’austérité la plus formelle et la plus navrante. Il y a ici le sentiment d’un bonheur tout simple. Celui d’attendre l’arrivée du tube qu’on a aimé sur l’album, et que l’on veut entendre en live. Voilà, c’est simple.

À chaque tube son univers

Et des tubes, il se trouve que quand y’en a plus, ben y’en a encore. Et ce qui fait la force du live du garçon, c’est que tous interviennent sur scène accompagnés de leur propre jeu de lumière, de leur propre scénographie, de leur propre interlude, de leur propre univers. Car ce type longiligne et osseux qui s’articule sur scène comme un pantin pointilleux et perfectionniste, tire non seulement ses propres ficelles, mais est également sans doute l’un des artistes les plus monomaniaques de la scène électro pop internationale. Chaque battement de cil paraît en effet avoir été pensé en amont. On n’exagère pas en l’affirmant. Car même lorsque l’écran géant du Palais Omnisports s’attarde sur le visage du ressortissant belge, on perçoit le jeu de l’acteur. Le personnage de Stromae est incarné sans jamais être lâché. Il est acteur autant que chanteur, performer autant que gentil blagueur (les blagues sur la dualité Français / Belges sont un peu lourdes. Mais ce n’est pas grave, puisque que les gens s’en amusent, et qu’elles serviront même à introduire le titre « Moules Frites »).

Stromae est également (très bon) danseur, et ce malgré cette fracture du 5e métatarse contracté il y a plusieurs semaines et qu’il évoque à plusieurs reprises, une blessure dont il tiendra même à prouver la véracité en faisant projeter sur les écrans une radio de son pied…L’interaction est là. Car le public, aussi, fait partie de cette scénographie. Et Stromae l’interpelle souvent. Le prend à témoin. Ou à partie, mais toujours avec malice et une gentillesse qui paraît viscérale. Et s’il tombe parfois dans quelques facilités (« je l’aime à mort » devient « j’vous aime à mort » sur « Te Quiero »), il n’y a rien là de trop exagéré. Personne n’est laissé de côté : les jeunes, les vieux, les branchés, les mecs qui s’en foutent d’être branchés. Peu importe. Tous notent la belle transformation queer sur « Tous les Mêmes » (« et y’en a marre ! »), tous rendent hommage à la capverdienne Cesaria Evora sur « Ave Cesaria » (et même si beaucoup ignorent qui elle est…), tous notent le caractère plus lugubre, dans le son ou dans la scéno, de « Quand C’est » et de ses références au vilain ennemi cancérigène…

Followers de Twitter et iPhone capteurs

Question ennemis, il y en aura alors une armée projetée sur les écrans derrière lui. Ils seront un instant les oiseaux followers de Twitter (sur « Carmen »), puis les guerriers massai (sur « Humain à l’Eau »), dont on ne sait pas tellement dire lesquels des deux sont les plus dangereux…Tous finiront par adopter les pas de danse du maestro. Mais lorsque celui-ci devra se prêter à l’interprétation de son immense « Formidable », et de singer encore l’ébriété, comme l’on peut s’en douter, il sera encore une fois seul. Le public, lui, tiendra à immortaliser l’instant, à le partager sur les réseaux sociaux. Les iPhones s’élèveront alors dans les airs, par dizaines, teintant l’espace de petites étoiles blanchies, oubliant que c’est ce procédé mimétique, viral et capteur d’un instant pas vraiment vécu que Stromae raillait justement dans ce clip mille fois revu. Peu semblent avoir capté le message initial. S’en est désolant.

Le tube « Alors On Danse » et son beat de canard transformera l’espace en dancefloor immense (ça l’était déjà sous le gentiment raveur « Silence »). « Papaoutai » se prolongera, proposant une apothéose dans laquelle le papa du morceau se transformera, processus encore une fois attendu mais à la réalisation tellement juste, en ce pantin immobile aux mouvements saccadés qui peine à pendre vie dans le clip. Dans le public, certains n’ont quasiment plus de voix.

Bonheur où t’es ? À  Bercy, car le show s’avérera absolument parfait. Et c’est tellement rare pour un artiste engendrant une attente aussi importante. Il ne reste évidemment plus de places pour les prochaines dates de Stromae. Et sans doute éreinté par cette tournée usante qu’il a commencée depuis si longtemps (en voyant son live, on le comprend), l’artiste francophone a décidé de faire une petite pause dans sa carrière. Il faudra le retrouver vite. Et réservez vos places dix ans à l’avance si l’occasion vous est offerte.

En concert dans ce même Palais Omnisports de Bercy du 27 au 30 novembre.

Visuels : (c) W.O.

Gagnez 3 exemplaires de « Virginia et Vita » de Christine Orban
Le nouvel institut Neomist ouvre ses portes dans le quartier montant de la “Jeune rue”
Avatar photo
Bastien Stisi
Journaliste musique. Contact : [email protected] / www.twitter.com/BastienStisi

2 thoughts on “[Live report] Stromae au Palais Omnisports de Bercy”

Commentaire(s)

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration