[Live report] Pérez au Silencio
Depuis trois années, Julien Pérez, simplement renommé Pérez pour l’occasion, s’est écarté du rock hybride de son ancien projet Adam Kesher, pour se lancer en solo dans l’élaboration d’une pop rétro récitée en français, joignant ainsi la famille synth-french-pop Lescop, Wagner, AV, et Grand Blanc maintenant. Hasard des tracés ou référence alambiquée (Adam Kesher est le nom de l’un des personnages de Mulholland Drive), il était hier soir au Silencio, le club privé du IIe arrondissement designé, justement, par David Lynch…
Et peut-être plus encore qu’à l’accoutumée, il faisait bien sombre dans le club qui fêtait il y a trois semaines et en grande pompe sa troisième année d’existence. C’est que les ambiances transmises par les textes et les productions de Pérez, nouvellement signé chez Barclay après un passage par la case Dirty, ne se colorent qu’en noir, qu’il s’agisse de la narration de petits contes tristes qui rappellent Christophe (le rôle lui va mal), ou de celle d’une pop coquinette, lorsqu’elle n’est pas carrément vicelarde, qui rappellera plutôt Daho, si ce n’est un Bashung avec de la poudre blanche dans les narines et des beats électro à ses côtés (dans ce rôle-là, il excelle).
Alors, Pérez s’entoure de deux acolytes, enfile une veste sombre (forcément), gesticule comme les héros new wave du siècle passé, et la noirceur globale se voit tout juste compensée par les couleurs syncopées émises par les stroboscopes et ses néons blancs, rouges, bleus. Ces néons, on les verra devenir roses au moment de l’interprétation de « Gamine » (symbolise-t-on ici le côté « pop barbe à papa » ?) l’extrait tubesque et lolitesque du dernier EP du garçon sorti il y a quelques jours, dont il faudra reconnaître qu’il passe tout de même de manière bien plus pertinente en live qu’en studio.
Les synthés collent les pieds du public au sol. Leur accumulation fera vaciller les têtes des plus concernés. L’esprit, lui, erre plutôt dans les rêveries érotiques, car les textes de Pérez en sont tellement pénétrées que l’on se trouve forcé de s’y égarer également. On songe alors aux filles déjà saisies. À celles que l’on saisira peut-être. À celle dont on ne parvient pas à le faire. Et au contraire de l’anti-héros de l’érotique « Prince Noir », qui faiblit malgré les ambitions charnelles de son entreprenante amante, l’orgasme guette lorsque s’emballent les synthés terminaux de ce titre qui avait imposé à sa sortie et dans l’esprit de tous la marque de fabrique de Pérez : la pop se fait ici dandy et bandit, déprimante et bandante, passéiste et moderne. Et en tout point fascinante. Comme cet album que l’on attend avec impatience pour le début de l’année 2015, et qui devrait confirmer la bonne entente de deux termes jadis violemment opposés : celle du langage de la variété naïve et jouisseuse, et celle de la synthpop aux égarements technoïdes.
Visuel : (c) Yann Stofer