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[Live report] Interpol à l’Alhambra
On avait soupçonné la fin de l’entreprise musicale Interpol après le départ de son bassiste Carlos Dengler, peu après la parution de son quatrième album éponyme il y a quatre ans. Mais non : les New Yorkais présentaient hier soir leur nouvel album à paraître en septembre, dans l’enceinte blindée de l’Alhambra parisienne.
Des gamins pas bien âgés, de jeunes trentenaires, de jeunes quarantenaires, se pressent au milieu de la rue Yves Toudic, la place de concert parfois fièrement brandie (ou l’air désespéré de ne pouvoir en brandir, faute de place) afin de célébrer le passage (pas si fréquent) de l’un des plus mythiques groupes post-punk et post curtisien de la fin du dernier millénaire.
À l’intérieur de l’Alhambra, deux mains entrecroisées, parfois rougies par le jeu de lumière, parfois grisées (la pochette de l’album El Pintor, prévu pour le 8 septembre) viennent compléter avec justesse la scène d’un concert qui, justement, affiche parfaitement complet. Dans la fosse, dans les tribunes, un public de connaisseurs affirmés salue l’arrivée du groupe ainsi que les premiers instants de chacun de ses tubes mille fois chantonnés (« Evil », « C’mere », « Hands Away ») avec un enthousiasme forcené. Sur scène, ils sont quatre à entourer l’emblématique et toutefois discret Paul Banks. Cinq silhouettes donc, accompagnées de guitares, de la basse, de la batterie, de claviers, d’un micro. Et cependant, malgré le nombre, un seul être semble manquer.
Une autre figure à la basse a pris sa place, mais en l’absence de Carlos Dengler, on le disait, débarqué du groupe depuis quatre années, tout paraît bel et bien sur scène dépeuplé. Sans celui qui avait donné à Interpol sa forme, son squelette, sa prestance, il paraît désormais manquer l’envie, la fougue, le mouvement. Car ils sont cinq sur scène, mais ne paraissent pas vraiment jouer les uns pour les autres (ni même pour le public…), davantage semblables à ces statues en cire d’un célèbre musée que l’on pourrait admirer à quelques stations de métro qu’à un véritable groupe de rock bougeur de scène.
La voix barytone de Paul Banks, habituellement si profonde, si sclérosée, est ici souvent coincée derrière le fracas des guitares, rendue inaudible par des accords parfois bien mal ajustés. On regrettera presque de n’avoir pas pu maintenir plus longtemps sur scène les Childhood, qui introduisaient quelques instants plus tôt le concert avec la fougue véritable et l’énergie des jeunes années que leur confère leur nomination, leur pop trempée dans le post-punk, et l’état de leur pilosité toute jouvencelle.
Crépuscule d’idoles dans les yeux de certains (les plus exigeants), mais heureusement, pas pour tout le monde : tout n’est évidemment pas à jeter, et dans la fosse, certains gigotent, frappent des mains, acclament même lorsque résonnent les plus fameux accords des titres issus des quatre premiers albums des New Yorkais. Ils se montrent attentifs, également lorsque surgissent quelques extraits inédits d’El Pintor (« All The Rage Back Home », « My Desire », « Anywere ») que les plus curieux seront déjà allés chercher sur les vidéos des précédentes dates du groupe postées sur YouTube. Interpol n’a jamais été un groupe de scène, et ils le savent bien. Ceux-là ne leur en tiendront pas rigueur.
Après le concert, certains manifesteront entre eux leur petit bonheur d’avoir vu Paul Banks and co sur scène, parfois pour la première fois de leur toute jeune existence. Mais ce ne put être qu’une petite jouissance, et non pas un orgasme. Certains confondent toujours un peu les deux. Il y aura bien eu quelques instants d’euphorie, avec notamment l’interprétation, enfin pleine de punch, du magistralement rock « Slow Hands », puis celle, pleine d’émotion, du sublime et éternel « Lights ». Mais la lumière, justement, se rallumera bien vite, au bout d’à peine 1h15 de concert (ce qui est un peu léger pour cinq albums studio…) De quoi relancer le débat qui avait émergé après le départ de Carlos Dengler en 2010, et les fabulations autour de l’intérêt de continuer à faire vivre une légende du post-punk international lorsqu’elle est manifestement en train de tituber dangereusement…
Visuel : © Robert Gil
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7 thoughts on “[Live report] Interpol à l’Alhambra”
Commentaire(s)
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tessier
c’est vrai que le concert était un peu court dommage j’aurais aimé entendre un peu plus de chanson du dernier album.
Le moment le mieux du concert a été pour moi le morceau “lights”.
surferrosa
Je trouve la critique assez négative sur le concert.
La setlist était déjà très bonne avec que des titres du 1er et 2ème album (de loin les meilleurs) + lights + 3 nouveaux morceaux. On a entendu le son ‘Interpol’.
Sur la prestation scénique, les membres du groupe n’ont jamais été des ‘bêtes de scène’ et sont très peu en interaction avec le public . C’est leur style qui ne changera jamais. Pour autant, hier soir, j’ai trouvé du mieux sur ce point avec des remerciements et des sourires entre les chansons. Je me souviens notamment de leur passage insipide au Zénith en 2011 où ils n’avaient joués que leurs morceaux sans plus. Ce n’était vraiment pas le cas hier soir. Y’avait également une bonne ambiance dans la salle où le public n’a pas fait qu’écouter les titres.
Pour ces raisons, j’ai trouvé que c’était un bon concert.
Alors oui après, tout n’était pas parfait :
– Carlos Dengler est parti et est irremplaçable,
– la voix de Paul Bank était parfois inaudible, c’est vrai
phc94
On n’a pas vu manifestement le même concert. Celui que j’ai vu était plein de bonnes vibrations, supérieur à leurs passages précédents au Trabendo et au Zénith. Certes leur bassiste actuel est bien peu stylé par rapport à Carlos D : c’est préjudiciable pour leur image, peut-être pour leur créativité, mais honnêtement pas pour leur musique sur scène.
Finalement dans le genre à la mode “c’était mieux avant”, les critiques rock arrivent en tête.
Lo
Je cherchais des photos de la soirée d’hier et suis tombé inopportunément sur celles-ci. Et votre rototo journalistique. Au sujet duquel je me permettrai une ou deux remarques, si vous le permettez, et sinon tant pis.
Alors c’est peut-être que je n’ai pas fréquenté les sommités arcanes du “business” d’aussi près que vous, la providence m’en garde, mais j’aurais davantage envisagé Interpol comme une aventure musicale qu’une entreprise.
J’ai trouvé l’Alhambra étonnamment aérée ; je m’attendais à une foule bien plus dense.
Il serait temps de vous mettre dans le crâne –doit largement y avoir la place- qu’Interpol n’a aucun gène commun avec Joy Division (que j’idolâtre presqu’autant, mine de rien). On pourrait éventuellement distinguer un vague soupçon de tension « brut de fonderie » dans Roland, et encore. Je vous mets au défi de déceler une quelconque harmonie dans un quelconque morceau de JD, même le moins quelconque.
Leur tout premier EP est sorti en décembre 2000 ; il s’en est fallu d’un rien que vous ne puissiez les ériger en “mythique groupe de la fin du dernier millénaire”.
Je n’ai pas trouvé Paul Banks particulièrement discret. C’était d’ailleurs le seul à s’exprimer, en français le plus souvent, alors que Daniel Kessler est parfaitement francophone et d’ordinaire un peu plus bavard.
Carlos D. n’a pas été débarqué du groupe.
Interpol n’a jamais été « un véritable groupe de rock bougeur de scène », et pas davantage semblables à des statues du musée Grévin.
Pour ma part, j’ai regretté que les Childhood soient restés si longtemps sur scène, tant ils étaient chiants au-delà du supportable, et j’ai béni la toute réjouissante Euterpe de nous avoir envoyé Afghan Whigs pour l’entracte.
Je ne sais pas où vous avez entendu le moindre accord d’un titre d’OLTA, fameux ou même obscur.
Au passage, une spéciale casdédi –comme on dit de nos jours- à la dinde patatoforme qui a gonflé le personnel d’entrée, bloquant de son auguste tout accès à la salle, en protestant aussi lourdement que grossièrement qu’on ne lui accordât un passe-droit au prétexte qu’elle est journaliste de profession.
Et aussi, au photographe badgé qui, orné de son misérable bout de plastique pendouillant, s’est cru permis de gratter toute la file du commun qui attendait sagement son tour à la pompe à bière.
Probablement, vous les connaissez tous les deux et pourrez transmettre.
Tagazog
Concert certes un peu court mais j’étais là hier soir et votre critique me semble complètement à l’ouest.
Au contraire !!! Superbe présence des pilliers de ce groupe, Paul, Daniel et Sam.
Certes Daniel a mis 2 pains sur sa gratte hier…mais bon il a chercher le public tout le temps.
Sam apporte un jeu de batterie sublime. Paul a une voix qu’il dont il maîtise de mieux en mieux la profondeur.
Et puis ils étaient tout sourire content d’être là et cela se sentait. Il y a eu une très belle alchimie.
Et puis quand je lis que certains préfère la première partie….alors là vraiment faut arrêter cette soupe brouillone de teenage pop faussement rock !!
AML
Je ne peux m’empêcher de réagir à cette review bien trop subjective pour être honnête….et qui m’a achevée lorsque j’ai lu que l’on pouvait préférer un groupe fadasse et immature au son aquatique qui m’a littéralement noyée sous un ennui profond ! Au secours !
L’âme (et le corps !) d’Interpol était bel(le) et bien là, une vraie énergie communicative et enivrante, l’un des plus beaux concerts donnés ( et je les ai vu plus d’une fois)…
PS : on dit “un seul être manquait”, pas “manquer” ! A moins qu’il ne s’agissait de “manqué?” ;)
Batifol Florent
Je souscris totalement au commentaire précédent… Regretter que la prestation de The Childhood ait été trop courte, c’est une blague de très mauvais goût. Malgré quelques passages intéressants, leur prestation a été aussi fade qu’interminable.
Quant à imputer le soi-disant déclin d’Interpol au départ de Carlos Dengler, c’est ignorer la façon dont Interpol a toujours fonctionné. Certes c’était un grand bassiste, un arrangeur hors-pair, et aussi une présence scénique dingue mais il n’a jamais porté seul le son d’Interpol comme vous le prétendez. Relisez des interviews et vous verrez que leur musique a toujours été une oeuvre fondamentalement collective; le terme de démocratie ayant même été employé plusieurs fois
Enfin j’ai trouvé Paul Banks toujours aussi fascinant, dégageant cette aura si particulière. Dommage que le son ait été un peu trop brouillon par moment car sa voix était bien au rende-vous.