Lescop + La Femme à Sannois (Live report)
Lescop et La Femme étaient en concert à Sannois dans le 95. Du rock français, en français et classieux, c’est assez rare pour être remarqué et apprécié en live. Ladies and gentlemen, please welcome the French cold rock’n’roll !
ACTE I : LESCOP
20h et des poussières, arrivée par le train régional d’Ile-de-France. Sannois ? Une ville de province un peu banale : sa gare, des dread locks, une salle de concert nommée ‘Michel Berger’. Une odeur de France profonde à 20 minutes de Panam. Ça sent les pots d’échappement de mobylettes non révisées.
Lescop entre en scène et chante ‘Paris s’endort’, tandis que le public, moyennement jeune ce soir, s’éveille peu à peu (ouais, un peu facile ! ). Les débuts sont timides ; regard habité et voix saccadée, Lescop fixe l’horizon (c’est à dire les sièges de la salle suspendus dans les airs et repliés pour l’occasion). Sa musique se déploie progressivement. La petite poupée de ‘La nuit américaine’ vient définitivement planter le décor : suave et froid. Alors que le guitariste, une sorte de version française de Albert Hammond Jr, traine ses bouclettes en long et en large de la scène, Mr Lescop prend un envol maîtrisé mais définitif.
Poésie binaire
Une ‘Hypnose’ lancinante succède alors au bleu sacré de ‘La nuit américaine’. Le chanteur du label Pop Noire enchaîne ‘Marlène’ et ‘Tokyo la nuit’, deux petites bombes de rock et de poésie binaires. Ian Curtis, Jim Morisson et Etienne Daho planent dans la salle. Les premières notes en guitare delay et les grosses basses chaudes très 80’s d’ “Un rêve” viennent vous démanger les converses avant que ne retentissent les coups de feu dans la nuit du tube ‘La forêt’. Ce n’est pas le gros délire mais Lescop n’inspire pas ce genre de sentiment. L’ambiance est un savant mélange de sueur et d’observation à distance, respectueuse. Sa musique est froide mais puissante. On ne fait pas que danser sur du Lescop, on se sent aussi appartenir à un clan de jeunes gens modernes qui n’auraient pas encore abdiqué devant le combat esthétique. Dernier titre : ‘Le vent’, particulièrement beau en live ; conclusion parfaite et pleine de poésie simple ponctuée de coups de tonnerre synthétiques et de nappes électroniques qui font vibrer les poitrines serrées des corps robotisés. Beau vent, vraiment.
ACTE II : LA FEMME
La Femme s’installe au mic. Dans son repère (l’EMB les accompagne depuis les débuts) le groupe originaire de Biarritz s’apprête à casser la baraque. À peine le temps de discuter guitares et Joy Division que les gars de La Femme sont déjà sur scène, à bloc et en mode dark glam. Le tout magnifié par la voix d’une sirène que l’on imaginerait bien maléfique. Si les synthé avaient existé au XIXème siècle, une sorte de musique aurait pu ressembler à ça, magie noire sur surf rock.
“Est-ce que vous êtes perchés ?”
Le public hypnotisé trémousse ses miquettes dans une transe que l’on voudrait sans fin. “Est-ce que vous êtes perchés ?” nous demandent-ils sur scène. Un “OOOOuais” collectif se fait entendre. Et il faut bien reconnaître que ce groupe a quelque chose de fascinant et de terriblement enivrant. Le combo “La Femme+Hypsoline” en est l’exemple même, une sorte de trip onirique de 10 minutes, les mâchoires serrées, une drogue légale, quoi. Les converses se dégourdissent définitivement, cette fois. Le public lâche prise et la sueur perle sur des tempes chaudes. La voix féminine “lyrise” le flow masculin proche d’un talk over assez propret. Ça s’excite sérieusement ‘Sur la planche’, le vrai tube sexy de l’été 2011.
Le chanteur de Mustang est aperçu dans un public électrisé. Décidément ce qui se fait de mieux en matière de rock français est présent ce soir à Sannois. D’autant que Lescop rejoint le public dans une profane communion générale. Personne ne semble vouloir que cela s’arrête. Mais tout doit prendre fin, irrémédiable condition humaine. Nous quittons la salle avec l’impression d’avoir vécu un moment simple et beau, celle d’avoir assisté à un peu plus qu’un concert. Dehors, la nuit est tombée sur Sannois et les oreilles ne sifflent pas comme à l’habitude. Peut être que tout cela n’était qu’un rêve…
Visuels (c) : pochettes des albums de Lescop et de La Femme