Pop / Rock
[Interview] Mina Tindle : « une envie de faire tomber quelques voiles »

[Interview] Mina Tindle : « une envie de faire tomber quelques voiles »

06 October 2014 | PAR Bastien Stisi

Sur son deuxième album Parades, paru moins de deux ans après le très diffusé Taranta, la Française Mina Tindle conserve l’alliage du folk intimiste et de la pop euphorique, et y ajoute l’utilisation, massive, de textes écrits et interprétés dans sa langue maternelle. Dans la foulée de son tournage pour Monte le Son, Pauline de Lassus (dans le civil) nous parle lyrisme, rupture, démarrage, et relecture…

Si ton premier album avait mis beaucoup de temps avant de voir le jour, ton second, Parades, arrive moins de deux ans seulement après la publication de Taranta…Comment expliquer cette différence de tempo ?

Mina Tindle : On dit souvent que l’on met dans un premier disque tout ce que l’on a emmagasiné depuis toujours, que ce soit au niveau des mélodies, des chansons, ou de la musique. Avant Taranta, il y avait plein de chansons que je trimballais depuis longtemps. Et je ne savais pas non plus vraiment où je voulais aller. C’était une période où je me testais beaucoup. Et puis j’ai eu un vrai laboratoire artistique avec J.P. Nataf, le coréalisateur du premier album, avec qui j’ai pris le temps de ne pas me tromper. Pour le deuxième album, je voulais fonctionner de manière très différente, et travailler plus sur le côté spontané de ma musique. Il fallait que ce soit une sorte de sursaut.

Sachant que la tournée du premier album a été assez longue, la composition du deuxième a-t-elle profité de la dynamique du live ?

M. T. : Oui. J’avais envie de remettre l’énergie du live dans mes productions studios. J’ai fini de tourner au printemps, j’ai tout écrit en été, et on a enregistré à l’automne. Ça a été très rapide ! J’ai beaucoup voyagé cet été, et à chaque fois que je revenais à Paris, j’allais à la piscine le matin, et je travaillais toute la journée jusqu’à très tard le soir, toute seule. Après, j’envoyais tout à mon compère Olivier Margerit qui a réalisé ce disque-là. Niveau paroles, il y avait une envie de cracher certaines choses qui n’étaient pas sorties sur le premier disque. Il y avait une envie de faire tomber quelques voiles, d’être moins complexée, et au final moins cérébrale.

D’où la sensation d’une production plus pop sur ce disque que sur le précédent ?

M. T. : Oui, même si je ne suis pas passée d’un coup du folk à la pop. Le premier album contenait déjà quelques instants pop, surtout en live. Mais là, c’est vrai que j’avais envie que ça s’entende plus sur ce disque. Que quand une chanson soit rock, ou folle, ou marquée par des sonorités brésiliennes, elle s’assume complètement. Ça vient peut-être aussi de la manière dont on a enregistré l’album. On a effet commencé par enregistrer les batteries, ce que l’on a fait en cinq jours avec le batteur des Dirty Projectors (alors que l’on ne se connaissait pas du tout) : quand tu poses d’abord les rythmiques ça pose tout de suite tout le reste de la chanson.

La décision de changer de producteur, c’était une manière de s’émanciper ? On te sentait très rattachée à la figure de J. P. Nataf…

M. T. : Peut-être un peu oui. Je sais ce que je lui dois. Et des deux côtés, il demeure une forme de grande joie à l’idée que l’on a pu travailler ensemble. Je lui ai fait écouter le CD une fois mixé, et il a adoré le travail d’Olivier Marguerit, que je connaissais déjà bien puisque c’est lui qui a quasiment fait tous les arrangements du live avec moi sur scène.

Lors de ton live au Trianon d’il y a bientôt deux ans dans le cadre de la tournée de ton premier album, il y avait eu l’intervention de cette danseuse, dont la gestuelle résonnait parfaitement avec le nom de ton album Taranta. Y aura-t-il des spécificités scéniques de ce genre pour ton nouveau live ?

M. T. : On est encore en train de le travailler. Il y a des contraintes de tournées qui font que ce n’est pas toujours évident de reproduire ce genre de performances. Peut-être pour les grosses dates. En tout cas, ce ne sera pas cette grande amie qui était sur scène avec moi au Trianon ! Je crois que la scène est un art total. Mais de mon côté, comme je ne suis pas là pour en mettre plein la vue à tout le monde, je ne crois pas être faite pour réserver des surprises scéniques au public à chaque fois…

Il y a eu l’an passé, cet album Mina Tindle Seen By, comprenant des remixes de tes morceaux par d’autres artistes. Là, sur Parades, tu cites Taranta, en intégrant notamment un morceau du même nom…Y a-t-il une obsession pour ta propre histoire musicale et pour ton passé discographique ?

M. T. : Il y a une volonté de tisser des liens en tout cas. J’aime bien l’idée de jeu de piste. La dernière chanson que j’ai écrite sur le dernier album c’était « Taranta », un morceau que je n’ai finalement pas pu mettre sur le disque. Alors j’ai voulu la mettre sur le suivant. Et puis, il y avait dans cette chanson un ressenti sur la féminité qui est très important pour moi, et ça me faisait de la peine qu’elle n’apparaisse sur aucun disque.

Sur le premier album, on retrouvait deux chansons en français. Les trois-quarts le sont ici. Pourquoi avoir favorisé l’interprétation dans ta langue maternelle ?

M. T. : Encore une fois, c’est venu de manière assez spontanée. Je me suis mise à écouter beaucoup de chansons françaises, et j’ai eu envie d’inscrire toutes ces influences musicales dans mon travail. Une tentative de m’inscrire dans une famille proche de ce que fait quelqu’un comme Bon Iver, mais en langue française. Je ne crois pas faire de la musique révolutionnaire, mais au moins j’ai un challenge personnalisé.

Ça change quoi, concrètement, de composer ses textes en français ?

M. T. : Il y a un espace de jeux élargi. J’essaye de tordre et de maltraiter un peu la langue. Je trouvais ça intéressant de ne pas faire de la chanson française au sens strict du terme, mais que ça soit quand même chanté en français.

En interview, Le Prince Miiaou, dont on peut parfois te rapprocher d’un point de vue musical, nous disait qu’elle avait de plus en plus de mal à chanter en français, parce que chanter dans sa langue maternelle, c’est s’exposer davantage…

M. T. : J’ai justement eu une sorte de vertige et un moment de très grande pudeur lorsque l’on a commencé à mixer l’album. Je ne savais plus si j’avais envie de raconter toutes ces choses que je dis dans mes textes, et qui sont parfois extrêmement personnelles. Ça a fini par passer, et finalement, je l’oublie un peu désormais en chantant mes morceaux. Et tant mieux après tout si les gens peuvent davantage s’attacher aux chansons comme ça. Ce qui est drôle, c’est que j’ai travaillé sur mon premier album avec J. P. Nataf des Innocents, l’une des plus grandes plumes de la chanson française, et que je chantais alors quasiment exclusivement en anglais. Et là, j’ai travaillé avec une équipe comportant beaucoup d’anglo-saxons, et je chante en français…

Du coup, tes paroles, on les écoute davantage qu’avant : « Courir je sais, vieillir je sais, partir tu sais ». «  Toi capitaine c’était tout pour pas sombrer. Tant pis pour les reines, il en faut sacrifier. T’en fais pas je coule »…Parades, c’est un album de rupture ?

M. T. : Alors ce qui est drôle, c’est que sur le premier album, il n’y avait quasiment que des chansons sur ça, mais comme tu dis, maintenant que je chante en français, les gens s’en aperçoivent ! Effectivement, il y a ici des chansons qui parlent du fait de laisser un être qui a compté, mais il y a aussi des textes qui évoquent le deuil, dans le sens mortuaire. Le côté rupture, ou passage. D’autres sont des chansons de l’après. Et d’autres sont aussi très lumineuses.

D’où le titre de l’album, Parades ?

M. T. : Effectivement. J’ai longtemps cherché le titre, et il m’est apparu d’un coup : toutes les « parades », le côté explosions de joie, défilé / fierté, le côté de la parade de coup…

Mina Tindle sera en concert à La Cigale, en compagnie de Rocky, de Chassol et de Cascadeur, dans le cadre du MaMA Event 2014 le mercredi 15 octobre.

Mina Tindle, Parades, 2014, Believe Recordings

Visuel : © pochette de Parades de Mina Tindle

[Critique] « Le temps de quelques jours » : immersion captivante parmi les sœurs d’un couvent cistercien
[Critique] « Gone girl » : cylindre fou qui tourne à plein talent
Avatar photo
Bastien Stisi
Journaliste musique. Contact : [email protected] / www.twitter.com/BastienStisi

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration