Pop / Rock
[Chronique] « My Dreams Dictate My Reality » de Soko : ample mais toujours intime

[Chronique] « My Dreams Dictate My Reality » de Soko : ample mais toujours intime

03 March 2015 | PAR Bastien Stisi

Désormais entourée de musiciens, la franco-californienne Soko livre un second album plus ample et plus  fourni que le minimal  I Thought I Was An Alien, un disque qui parvient, ô miracle fabuleux, à ne pas égarer le charme lo-fi et viscéralement traumatique d’une artiste toujours authentique.

[rating=4]

« I refuse to grow / I refuse to get old / I refuse to conform / I refuse to transform / I have Peter Pan syndrome / I have leave in a dream ».

Les paroles du touchant « Peter Pan Syndrom », tout comme le titre de ce second album paru trois ans après son prédécesseur et les images potaches du clip d’« Ocean of Tears », l’affirment très clairement : pas question pour Stéphanie Sokolinski d’abandonner l’obsession de la rêverie et la revendication de l’adulescence marginale. Mais ne pas grandir, cela n’implique pas pour autant de ne pas maturer. La pop folk d’hier, majoritairement gouvernée par l’association guitare / voix, est ainsi devenue aujourd’hui post-punk new-wave. Comme si les Babyshambles avaient croisé la route (forcément tordue) de Joy Division et des Cure.

Un regard sur Pete (« Temporary Mood Swings »), un regard sur Ian (« My Dreams Dictate My Reality »), un regard sur Robert (« Visions ») : cette évolution du son n’est pas un hasard, l’album ayant été produit par Ross Robinson, qui a justement travaillé dans le passé avec le groupe de Robert Smith. Une production froide quoique mélodique, idéale pour accueillir le timbre cassé d’une artiste qui, autre évolution notable, laisse ici de côté le chant chaton et parfois enfantin de son premier album aux dépens d’un phrasé déstructuré et désinvolte. Si ce n’est parfaitement las.

Le soleil de l’exil californien, qui a accueilli Soko ces dernières années, n’aura ainsi pas réussi à empiéter sur l’ombre. Peut-être aura-t-il au moins bonifié cet accent tellement rayé hier (que l’on écoute le tube « I’ll Kill Her » pour s’en persuader…) Peut-être cet exil aura-t-il réussi, surtout, à aboutir sur les deux morceaux les plus dispensables de l’album (« Monster Love » et « Lovetrap »), qui auront bénéficié de la vaine complicité du local Ariel Pink, avec qui Soko avait déjà collaboré dans les derniers mois.

Quelques instants dispensables, et d’autres, au contraire, carrément indispensables. C’est le cas du post-punk « Peter Pan Syndrom » (on pense ici au dernier Iceage), du petit tube insoumis « Who Wears The Pants !! », et surtout, du bouleversé « Keaton’s Song », sur lequel l’on retrouve justement le minimalisme guitare / voix (rejointes par de discrètes cordes de circonstance) qui avait fait connaître en 2007 la Française en dehors de son Aquitaine natale.

« You wonder why i hate myself ? I tried to kill the worst of me to be the best for you ». Qu’elle demeure dans ce refus absolu du conformisme, Soko : car au sein de cette  autocaricature notable mais véritable, c’est là qu’elle est encore la plus sensiblement attachante.

En concert le mercredi 18 mars à la Maroquinerie

Soko, My Dreams Dictate My Reality, 2015, Babycat Records / Because Music, 47 min.

Visuel : © pochette de My Dreams Dictate My Reality de Soko

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Bastien Stisi
Journaliste musique. Contact : [email protected] / www.twitter.com/BastienStisi

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