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Playlist de la semaine (98)

Playlist de la semaine (98)

03 January 2015 | PAR Bastien Stisi

Le clip paranoïaque du Chapelier Fou, la phallocratie érotique de Nasser, les Reprises désuètes de Salut C’est Cool…la playlist de la semaine, rendez-vous hebdo confectionné par Toute La Culture, rien que pour vos oreilles et pour vos tympans exigeants :

1. Chapelier Fou, « La Guerre des Nombres »

Deltas, le troisième album du Messin Louis Warynski (qui au pays merveilleux de l’electronica house, se nomme Chapelier Fou) aurait été bâti comme s’il s’agissait d’un véritable jeu de société. Ainsi, afin de matérialiser cette constitution alambiquée, le clip du plus bel instant de l’épreuve, le doux-amer « La Guerre des Nombres », met justement en scène un personnage confronté à un jeu qui ne tardera pas à tourner de manière résolument étrange…Paranoïa, irréalité et logiques renversées : on devrait retrouver le joli condensé à La Gaîté Lyrique le 14 avril de cette année 2015.

2. Nasser, « I’m A Man »

Dans la société ordinairement phallocratique qui est la nôtre, l’œil a fini par ne plus s’apercevoir que son quotidien se trouvait peuplé d’objets aux formes voisines de l’appareil reproducteur masculin, omniprésences couillues qu’aura fini par capter la caméra d’Alex & Niko, lancée pour les besoins du clip « I’m A Man » de Nasser dans un porno grandeur nature et quelque peu inhabituel. Ici, ça branle et ça suce dans tous les sens (quelques plans évoquent aussi l’entrejambe féminine, pas de jaloux) ces objets soudainement considérés comme de véritables sexes masculins (du levier de vitesse à la poignée de porte, de la bouteille de champagne aux pieds de chaise). Jouer avec les codes du porno, mettre le doigt (jeu de mot graveleux, pardon) sur le sexisme ordinaire, dénoncer le matérialisme d’une société consumériste (le clip est introduit par le sous-titre « Amour matériel pour tous ») : le clip du dernier Nasser, issu de leur album #7, est un clip politique sous ses tendances érotiquement ludiques.

3. Oceaán, « Veritas »

Entre uk garage et R&B des temps modernes, l’homme-instrument Oceaán, dont on avait pu constater la belle efficacité scénique il y a quelques semaines lors du Festival des Inrocks, dévoile un clip au sein duquel deux personnages (un garçon, une fille) se convulsent et se rétractent en calquant leurs mouvements chorégraphiés sur les boucles d’un morceau (« Veritas ») qui voit aussi se contracter la voix de son auteur et les nappes de son post-dubstep qui évoque aussi bien Disclosure que Gold Panda. Le morceau figure sur l’EP The Grip, et se trouve également remixé par Young & Sick, qui donne à l’originel des sonorités house et tropicales nouvelles.

4. La Canaille, « Encore Un Peu »

Au sein de La Nausée, un peu d’espoir : c’est ce qu’évoque en tout cas le morceau « Encore Un Peu », issu du troisième album de La Canaille (qui porte le même nom que la pièce de Jean-Paul Sartre), et qui évoque l’avenir, forcément raccourci, d’un couple de retraités jamais certains de pouvoir éprouver la sensation du lendemain…Entre portraits sociaux et ébrasements militants (le combat contre le FN est toujours ici en ligne de mire), La Nausée, qui profite des instrus consruites par l’ex Birdy Nam Nam et actuel Sarh DJ Pone, est l’ultime épisode du triptyque débuté par le groupe de Montreuil en 2009. Peut-être en est-il le plus incisif.

5. Le Noiseur, « Sexual Tourism »

Entre Biolay, Gainsbourg et Delerm, Le Noiseur est le dernier spécimen pop français sorti par la division label de [PIAS] (qui héberge déjà les plumes pertinentes de Miossec, de Jean-Louis Murat, de Florent Marchet, de Dominique Dalcan…) Ballades au piano, ambiances érotico rétro, libido, désir et voluptés : on écoutera aussi le remix forcément et fortement techno qu’en signe le Mancunien David Shaw and the Beat (l’ex collaborateur d’Arnaud Rebotini et d’Ivan Smagghe), qui donne désormais la sensation d’entendre Pérez, AV ou Yan Wagner.

6. Dear Pola, « Maps »

Malgré sa connivence sonore avec certains morceaux des Suédoises First Aid Kit, et malgré le nom d’un premier EP (Kamos) qui renvoie à cette période de l’année au cours de laquelle le Soleil, dans certains coins reclus de la Terre, prend la décision de ne jamais se lever, Dear Pola ne vient pas puiser son folk sensible et vertigineux sur les territoires du Nord enneigés de l’Europe, mais plutôt sur ceux de la cité lyonnaise. On l’imagine ainsi Dear Pola avoir composé les morceaux de Kamos, et aussi le minimaliste « Maps », les yeux posés sur le Rhône, accompagnée par un spleen pas désagréable, et les pensées rivées sur cette carte dont il semblerait que l’on n’ait toutefois nul besoin pour se retrouver : car le folk proposé par cette Française auto-produite est de ceux, plutôt, avec lesquels il est meilleur de profondément s’égarer…

7. Salut C’est Cool, « Libre du Désir (Gala cover) »

Les grands malades de Salut C’est Cool se font plaisir et repassent sur un tas de sons dont on avait oublié jusqu’à l’existence même (ici, il y a le « Free From Desire » de la très culte Gala) au sein d’un « album » (nommons la démarche ainsi) simplement nominé Reprises (l’oeuvre est disponible sur le SoundCloud du groupe). Et grande surprise : ce n’est pas si horrible que ça ! Car si la démarche rappelle celle effectuée par Didier Super il y a quelques années, avec son dégueulasse et inaudible La Merde des Autres, celle-ci s’en distingue en proposant des relectures davantage orientées vers un petit kiff personnel que par une volonté de saccager le tout à la moissonneuse batteuse (en même temps, il est vrai qu’il s’avère compliqué de faire pire que le « Tonton du Bled » de 113…)

Visuel : (c) pochette de Sexual Tourism de Le Noiseur

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Bastien Stisi
Journaliste musique. Contact : [email protected] / www.twitter.com/BastienStisi

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