“Mass” de Leonard Bernstein au Nouveau Siècle de Lille, feu d’artifice de joie et de ferveur
La revisitation du motif liturgique par le compositeur américain a clos en beauté la riche saison 2017-2018 de l’Orchestre national de Lille. On ne pouvait imaginer fin plus heureuse.
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C’est certainement l’oeuvre la plus étonnante de Leonard Bernstein. Mass n’est ni complètement une messe ni tout à fait une comédie musicale. Grand amateur d’hybridation, le compositeur américain a vu très grand pour répondre à la commande de la veuve du président américain John Fitzgerald Kennedy, Jacqueline Kennedy. Avec une instrumentation pléthorique (double orchestre, bande-son, orgues, batterie jazz…) et ses légions d’ensembles vocaux, c’est une somme que le nombre d’interprètes requis pour la jouer rend extrêmement rare sur les scènes occidentales.
Vendredi 29 et samedi 30 juin, le Nouveau Siècle de Lille a été le théâtre de ce tourbillonnant chef-d’oeuvre. A la direction, le chef Alexandre Bloch arborait une tenue excentrique comme à l’accoutumée : costume noir et chemise rouge, le tout 100 % satin. Un accoutrement qui avait au moins le mérite d’évoquer les couleurs de l’affiche de West Side Story, la comédie musicale de Leonard Bernstein, une histoire d’amour impossible inspirée de Roméo et Juliette.
Avec Mass, c’est à une autre revisitation que le compositeur s’est livrée : celle du motif liturgique. En dix-sept tableaux portant tous le nom d’un moment de la vie chrétienne (“Premier introït”, “Confession”, “Sermon d’Evangile”, “Gloria”…), Leonard Bernstein tisse des moments de prière tantôt drôles, tantôt poignants, mais toujours remplis d’une ferveur contagieuse. Les artistes lyriques, qui circulaient dans la salle à la manière de processions, ont créé un dialogue entre eux, mais aussi entre eux et le public. Ce qui a provoqué chez les spectateurs une sensation des plus heureuses : celle de faire partie du moment. Une démarche inclusive géniale qui est due moins au nombre des interprètes qu’à l’incroyable richesse de leur partition.
Moment de communion irrésistible
On n’oubliera pas de mentionner l’iconoclasme agile et génial qui caractérisait tant Leonard Bernstein. Ainsi son “Agnus Dei”, riche en jeux de mots entre le latin, l’hébreu et l’anglais. « Clamavi ad te, Domine, ad Dominum, ad Dom… Adonai… don’t know… », peut-on ainsi entendre dans le seizième tableau, intitulé “Fractions”. Mais le moment le plus dingue (le mot est pesé) reste le “Credo”, climax de cette Mass où la surpuissante répétition en boucle de « Pacem nobis dona » sur un rythme jazz aguicheur crée un moment de pure communion absolument irrésistible.
Il y a mille choses à dire sur cette pépite de Leonard Bernstein, tant les fils que l’on tire en révèlent sans cesse d’autres. Et ce qu’en ont fait entendre l’Ensemble Color, aux costumes très West Side Story et Grease, l’Ensemble vocal Adventi, le Chœur de l’Avesnois, celui du Conservatoire de Cambrai, InChorus, les Etudiants du Conservatoire de Lille et choristes amateurs ainsi que le Chœur maîtrisien du Conservatoire de Wasquehal méritait amplement le tonnerre d’applaudissements qui a explosé dans le Nouveau Siècle de Lille. Si la saison 2018-2019 est de cette teneur (et elle promet de l’être), les scènes européennes de musique lyrique n’ont qu’à bien se tenir.
Retrouvez le premier épisode du making of de la Mass de Leonard Bernstein à Lille :
Crédits photos : Ugo Ponte/ONL