Musique
[Live report] Hanni El Khatib, Django Django et Christine and the Queens au We Love Green

[Live report] Hanni El Khatib, Django Django et Christine and the Queens au We Love Green

31 May 2015 | PAR Bastien Stisi

Du vert partout (dans le discours comme dans les sols), un ciel bleu (on avait craint le gris), et une programmation arc-en-ciel (de l’afro-beat au blues-rock, de l’électro pop à la dark-wave romantique) : le festival We Love Green et ses préoccupations écolo-citoyennes, bien plus pointilleuse dans son organisation que l’an passé, ouvrait hier sa quatrième édition.

Allah-Las, Seun Kuti : pour que dure le Soleil

Et comme l’an passé, parce que cela avait bien fonctionné on a étiré la programmation du festival sur deux scènes distinctes. D’un côté la scène « indie », plus spacieuse et visible, de l’autre la scène « électronique », plus intime et quasiment cachée de l’autre côté du Parc Bagatelle. Et alors que le duo Orgasmic / Teki Latex, qui ont fondé ensemble Sound Pellegrino, a lancé un peu plus tôt cette édition 2015, et que le site de Bagatelle s’apparente jusqu’alors à un immense espace chill où les bronzeurs sont presque aussi nombreux que les gentils clubbeurs (tout de même : la scène électro est blindée lors du live de Ghost Culture), la première grosse sensation de la journée intervient avec l’arrivée sur la scène indie du quatuor Allah-Las, sans doute pas étranger aux humeurs estivales qui trainent dans le coin puisque leur second album se nomme Worship the Sun…

Pourtant, sûrement inconscients de leur rôle fondamental dans cette affaire ensoleillée (le cocktail proposé, entre surf-pop sixty, blues rock rocailleux et mélodies psychédéliques est à cette heure-ci idéal), le groupe remerciera le public pour ce temps formidablement estival. Et si personne n’aura osé leur dire que ces braves jeunes gens aux lunettes rondes et aux fleurs dans les cheveux qui se pavanent devant eux n’y sont absolument pour rien (il n’y a pas encore d’application pour ça…), le Nigérian Seun Kuti, lui, se chargera de poursuivre cette convocation de l’astre le plus brûlant de la galaxie.

Mais si les ambiances véhiculées par l’afro-beat jazzy et ethnique du plus jeune fils de Fela Kuti (qu’il accompagnait sur scène avant de le remplacer, via le groupe Egypt 80, depuis ses 9 ans) font rayonner sur le We Love Green des luminosités équivoques (celles de l’Afrique sont vivifiantes), les préoccupations de Seun ne sont pas forcément celles de la météo. Saxophone, percussions tribales, guitares rétro, un chanteur qui se désarticule plus qu’il se déhanche (à côté de lui, Stromae ne sait pas bouger), danseuses peinturées comme des totems indiens (ou plutôt comme les musiciennes de Moodoïd, de passage sur la même scène et à la même heure l’an passé ?), et discours frontalement écolo : lors d’un long plaidoyer écolo humaniste, le Nigérian dénoncera les ravages des actions américaines sur l’environnement de son pays et les nécessités de prendre soin de cette Terre en perpétuelle autodestruction. On est dans le thème.

Seun reprendra alors Fela en chantant longuement le célèbre et philanthrope « Opposite People ». Et que cela soit lié ou pas, c’est une grande partie du festival qui se regroupera alors quelques instants plus tard devant cette même scène afin d’accueillir l’Américain Hanni El Khatib (espérons qu’il n’est pas pris les remontrances de Seun pour lui…), venu présenter à un public acquis à sa cause ses trois premiers albums parus chez Innovative Leisure Records, mélange malin et gredin de Rythm and Blues sexy, de Rock’n’Roll animal, de garage huileux, de blues-rock baroudeur, de rock vagabond, au sein d’un live bourré de singles (« Dead Wrong », « Moonlight ») qui donnera une bonne place à l’interprétation du très surprenant « Two Brothers », qui plaçait le temps d’un morceau (le dernier de son dernier album) Hanni El Khatib sur le terrain d’une électro pop foalsienne et addictive.

Le show Django Django, la reine Christine

Une bonne manière, ainsi, d’augurer le live des Django Django, trio devenu quatuor pour les besoins de leur second album Born Under Saturn, qui de manière très paradoxale, ne concentrera pas son set autour de ce deuxième album (on entendra tout de même les singles « First Light » et « Reflections »), mais bien autour du premier, dont on entendra ainsi, bonheur bruyant, circuler les composantes les plus jouissives (« Default », « Skies Over Cairo », « Waveforms », « WOR »). Témoignage équivoque de ce favoritisme discographique, les Django’s débuteront et termineront leur live de la même manière qu’ils terminaient et débutaient leur premier album éponyme (c’est-à-dire avec « Hail Bop » d’un côté et « Silver Rays » de l’autre). C’est sans doute que ces Écossais aux voix triplées sont conscients, comme tout le monde, que c’est bien leur premier album le meilleur…

Devenus au fil des ans et des lives répétés de véritables shoemen, les Django’s interpréteront « Firsth Light » au moment des last lights du jour, et malgré un son par exempt de tout reproche, proposons une véritable orgie pop qui s’imposera ainsi comme l’incontestable très grand moment de cette première journée.

Et puis viendra Christine and the Queens, juste avant les terminaisons électro-technoïdes de Siriusmodeselktor (l’alliance de Sirusmo et de Modeselektor, décidément adeptes des néologismes du genre, puisque l’on sait que le projet que les deux fondateurs de Monkeytown Records partagent avec Apparat se nomme Moderat…) Devant un public de plus en plus nombreux, l’incontournable artiste française de l’année écoulée ne trahira pas une réputation qui la propulse depuis la sortie de son Chaleur Humaine tout en haut des attentes lives de ses contemporains.

Et contrairement à ce qu’elle affirme dans son immense tube « Christine », dont les paroles, bien sûr, seront reprises par un nombre relativement conséquent de bouches en furie, Christine ne fait pas vraiment « semblant d’avoir tout compris » : elle a au contraire tout pigé ce que l’on attend d’elle, et joue avec perfection le rôle de la chanteuse / danseuse sympa et énergique, exécutant ses tubes attendus (« Saint Claude », « Chaleur Humaine », la reprise de Kanye West « Paradis Perdu ») devant une foule conquise. Le chant n’est pas toujours juste, mais on l’excusera, compte tenu des mouvements chorégraphiques qu’elle ne cesse d’exécuter, infatigable et très belle, aux côtés de ces danseurs tout aussi mouvants qui donnent au live les allures d’un tableau cinétique fascinant. La très belle énergie renouvelable de la pop vue à travers un prisme francophile.

Le programme de la journée d’aujourd’hui est à retrouver sur le site officiel du festival.

Visuels : (c) BS

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Bastien Stisi
Journaliste musique. Contact : [email protected] / www.twitter.com/BastienStisi

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