Musique
Live Report’ : un concert d’exception pour l’Orchestre de Paris à Pleyel

Live Report’ : un concert d’exception pour l’Orchestre de Paris à Pleyel

09 November 2012 | PAR Marie Charlotte Mallard

Mercredi soir l’orchestre de paris donnait Le tombeau de Couperin de Maurice Ravel, ainsi que deux œuvres pour violon solo et orchestre interprétés par Christian Tetzlaff: Le concerto n°3 en sol majeur, de Mozart et une nocturne de Dutilleux intitulée « Sur le même accord ». Surtout il donnait en deuxième partie le fameux Sacre du printemps de Stravinsky dont l’exécution fut véritablement un triomphe.

Le concert débute par Le tombeau de Couperin joué en formation réduite. L’interprétation est jolie, mignonne, de manière générale se dégage calme, quiétude et sérénité, néanmoins le son reste petit, timide. Beaucoup de discrétion ressort de l’exécution, une réserve qui tend malheureusement à masquer tout le raffinement de l’œuvre de Ravel. Si la délicatesse est de mise dans le traitement de cette œuvre elle ne doit toutefois pas devenir un frein à l’élévation. Ce mercredi soir l’orchestre semblait prendre tellement de précautions, que la noblesse et la brillance qui caractérisent l’œuvre s’en trouvèrent quelque peu amoindries.

Entre ensuite sur scène Christian Tetzlaff pour l’interprétation du troisième concerto pour violon de Mozart, un évènement quand on pense que l’orchestre n’avait pas inscrit ce type d’œuvre depuis dix ans. Dès les premières notes transparaît une véritable alchimie entre le musicien et l’orchestre, le violoniste pleinement habité se montre à la fois doux, sensible, tumultueux et agité dans l’allegro qui fait le premier mouvement. Beaucoup de délicatesse et de tendresse dans le traitement des nuances et une hypersensibilité incontestable ressort ensuite de l’adagio. Une hypersensibilité qui subjugue et emporte le public littéralement accroché à l’archet de l’artiste, permettant de faire d’autant plus ressortir toute la vulnérabilité exprimée par ce second mouvement. Enfin, dans le vigoureux rondeau-allegro final Christian Tetzlaff achève de nous assujettir au charme de son violon. Avec beaucoup de simplicité il fait ressortir toute la virtuosité malicieuse et impétueuse de ce dernier mouvement. Le public ne s’y trompe pas et offre une véritable ovation au musicien, admiration et reconnaissance se lisent sur les visages.

Il en sera de même après l’interprétation de l’œuvre de Dutilleux qui faisait ce soir-là son entrée dans le répertoire de l’Orchestre de Paris. Une œuvre ardue, au caractère obsessionnel, évoquant autant la beauté d’une nuit étoilée que les terreurs nocturnes. Le principe de l’œuvre repose comme son nom l’indique sur un seul accord de six notes, exposées par le violon en introduction, que le soliste et l’orchestre vont décliner à l’infini. Là encore on note une grande cohésion, l’œuvre, en tant qu’elle présente des échanges de timbres, de couleurs, de rythmes constants et subtiles, exige outre la concentration une inhérence particulière. Ici, Christian Tetzlaff nous montre à la fois tout son potentiel mais aussi toutes les multiples capacités et possibilités de son instrument, tant dans le traitement des nuances qu’il exploite jusqu’au bout, que dans l’usage des doubles cordes qu’il maîtrise à la perfection. Bien que l’œuvre soit difficile à appréhender le charme opère malgré tout sur le public connaisseur de Pleyel qui acclamera avec beaucoup d’énergie une nouvelle fois le musicien.

Le clou du spectacle de ce soir était surtout le très attendu Sacre du Printemps de Stravinsky, œuvre monumentale du compositeur, sorte d’aboutissement, de concrétisation de ce que Stravinsky avait pu faire auparavant, notamment avec L’oiseau de feu ou Petrouchka. L’Orchestre de Paris a littéralement subjugué, fasciné, enchanté la salle par son interprétation plus que parfaite de ce qui est considéré aujourd’hui comme l’une des œuvres les plus monumentales du XXème siècle. L’extrême précision, que ce soit dans le traitement des nuances, du tempo, dont fait preuve Paavo Järvi ainsi que le dynamisme et la réactivité des musiciens est à la fois sidérante et éblouissante. Järvi sait véritablement tirer le meilleur de ses musiciens, les poussant autant dans des sensibles et frémissants pianississimo que dans des fracassants fortississimo. Ainsi, l’exigence du chef allié à l’attention précautionneuse, vigilante et soigneuse des musiciens permis particulièrement avec cette œuvre de révéler le colosse orchestral que peut êtrel’Orchestre de Paris. En effet, l’orchestre tout entier fit preuve ce soir-là d’une force titanesque, monstrueuse et prodigieuse. Les cuivres furent retentissants et assourdissants, les bois percutants et cinglants, les cordes terrifiantes mais on fut  surtout stupéfiés par un pupitre de percussions musclé, hargneux, rugissant dont la force remarquable ne manquera pas d’être outrageusement salué par le public qui les acclamera particulièrement à la fin du concert.

L’orchestre qui fit réellement preuve d’une rage brûlante scotcha le public tout du long. Une apothéose, un triomphe incontestable suite à l’exécution de cette œuvre. En effet, Paavo Järvi avait à peine baissé sa baguette que des applaudissements frénétiques explosaient de toutes parts, le public en liesse crie, hurle son enthousiasme autant que son émerveillement. Il rappellera d’ailleurs le maestro plus de six fois et acclamera tous les pupitres sans exception avec une ardeur et une ferveur folle, reconnaissant de la performance et du sublime moment qu’il vient de passer. Les musiciens eux-mêmes affichaient un large sourire de fierté autant que de satisfaction. Un seul mot donc à l’issue de ce concert, Bravissimo….

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Marie Charlotte Mallard
Titulaire d’un Master II de Littérature Française à la Sorbonne (Paris IV), d’un Prix de Perfectionnement de Hautbois et d’une Médaille d’Or de Musique de Chambre au Conservatoire à Rayonnement Régional de Cergy-Pontoise, Marie-Charlotte Mallard s’exerce pendant deux ans au micro d’IDFM Radio avant de rejoindre la rédaction de Toute la Culture en Janvier 2012. Forte de ses compétences littéraires et de son oreille de musicienne elle écrit principalement en musique classique et littérature. Néanmoins, ses goûts musicaux l’amènent également à écrire sur le rock et la variété.

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