Musique
La Fête de l’Huma joue le tout pour le tout

La Fête de l’Huma joue le tout pour le tout

16 September 2019 | PAR Pierre-Lou Quillard

Nous sommes allés en reportage sur la 84ème édition de la Fête de l’Humanité, la dernière grosse date de la saison estivale des festivals et la fin de tournée pour beaucoup de groupes. Avec les difficultés financières que traverse le journal historique fondé par Jean Jaurès en 1904 et une année fortement chargée en mouvements sociaux et en revendications (gilets-jaunes, grèves de la SNCF, des hôpitaux, le référendum ADP), cette Fête de l’Humanité 2019 revêt une dimension particulière placée sous le signe de la renaissance du journal comme des luttes sociales. Reportage.

 

Il est environ 18h00 quand nous arrivons ce vendredi 13 au soir au parc de la Courneuve-Valbon. Les grèves RATP ne facilitent pas l’accès à la Fête depuis Paris mais on ne peut blâmer des manifestations légitimes. Une foule compacte démesurée s’est amassée devant les divers portiques de l’entrée du public. Ça bouchonne tellement qu’on se croirait au péage de l’A 6, un 15 août, mais sans les voitures.  Sécurité renforcée. Des colonies de campeurs débarquent avec leurs Quechuas et leurs gonfleurs… Les concerts ont déjà commencé sur les diverses scènes que compte le festival. Sur la grande Scène, ça se trémousse au son de « Jaja » d’Ana Nakamura mais nous n’y sommes pas. En revanche, autour de nous, ça y va fort sur le jaja ! Les Cocos sont à l’apéro ! Toutes les régions sont représentées dans les barnums des diverses sections du PCF. Le grand rassemblement de la gauche, des terroirs, des luttes et des identités. C’est ça la Fête de l’Huma. Trois jours pour danser, se rencontrer, revendiquer, militer et refaire le monde. Nous, on va prendre un Mojito à la tante de Cuba au son du Buena Vista Social Club pour se mettre dans l’ambiance : « chanchan » !

Public de la grande scène pendant le concert d’Eddy de Pretto

 

 

Est-ce la dernière Fête de l’Humanité ?

Probablement pas ! Pour rappel, la Fête de l’Humanité a été créée en 1930 avec pour objectif de promouvoir le journal l’humanité auprès du PCF notamment et de dégager des bénéfices pour financer celui-ci. Or le célèbre média, qui subit de plein fouet la crise de la presse papier avec la forte baisse du lectorat (il n’est hélas pas le seul), a été placé début février 2019 en « redressement judiciaire » par le tribunal de commerce de Bobigny, sorte de période d’essai où le journal doit prouver qu’il peut relever la barre, sans quoi il risque de devoir déposer le bilan. Il est vrai que le journal traverse une mauvaise passe mais les messages ne semblent pas si alarmistes sur la Fête. Pas question de se laisser miner. Le navire historique de la presse de gauche ne sombrera pas ! L’Huma semble remonter doucement la pente mais non sans sacrifices. Le journal a notamment dû se séparer d’une partie conséquente de ses effectifs (près d’un quart) pour tenter de rester à flots.

En juillet 2019, la « souscription publique » pour renflouer le journal atteint les 2,4 millions d’euros. Près de 3 millions d’euros à l’heure actuelle selon l’édito de son directeur Patrick le Hyaric qui appelle également « à la solidarité des entreprises partenaires du groupe pour l’aider à se désendetter, aux actions auprès de l’Etat pour qu’il assure ses responsabilités constitutionnelles garantissant le pluralisme de la presse écrite ». Mais si l’on vise la renaissance de l’Humanité, il semble probable que celui-ci en ressortira affaiblit. Que l’on soit lecteur ou non de cette presse, sa survie est nécessaire pour permettre le pluralisme des idées et la liberté de la presse en France. Quant à la Fête… elle coûte cher. Serait-ce la dernière fois au parc de la Courneuve ?

 

De la musique avant toute chose !

Nous sommes surtout venus couvrir la programmation musicale de cette édition très spéciale, de façon non exhaustive puisque nous n’avons pas le don d’ubiquité. Nous sommes toujours vendredi soir. Le soleil se couche sur les fusées Ariane qui trônent fièrement sur le tarmac du musée de l’Air et de l’Espace du Bourget, visible depuis la Fête. Sur la Grande Scène, le rap poétique d’Eddy de Pretto fait frémir le public qui connaît ses textes ciselés par cœur. Le jeune phénomène de scène et d’écriture belge chante sa « virilité abusive » pour la dernière fois de sa tournée qui aura duré près de deux années. Le public espère que ce n’est pas la « fête de trop » et qu’il reviendra vite. Il laisse sa place au DJ berlinois Paul Kalkbrenner, figure mondiale de la techno qui démarre son set enflammé dans une clameur électrique ! Mais pas de temps pour l’écouter en entier.

Paul Kalkbrenner

On prend le chemin de la « P’tite Scène », située entre « Le Rhum à Michel » et les barnums des sections du PC du Nord, de la Somme (80) l’Oise (60) et de l’Aisne (02) pour le retour triomphal d’un groupe qui joue pour ainsi dire à domicile… Les Fatals Picards ! Le public devient fou au son de leur rock punk complètement déjanté et engagé. Pas de doute, ils ont la bonne couleur politique. Leur chanson « Mon père était tellement de gauche » résonne comme un hymne nostalgique à la grandeur de la Gauche française.  Ça fait un bout de temps qu’on ne les avait pas revus, surtout depuis que la Picardie s’est faite engloutir par la nouvelle région des Hauts-de-France. Les voix n’ont pas changé. L’humour reste pliant. « Balkany, en prison » scande le public entre deux chansons du groupe qui s’en donne à cœur joie. De quoi reprendre deux fois des moules au stand de la Loire Atlantique, comme aurait dit Desproges.

Les Fatals Picards à la P’tite Scène

 

 

Le public commence à regagner la sortie. La fatigue se fait sentir après avoir sauté au rythme des picards. Les galères de RER ne sont pas finies. On revient demain !

 

© Image en avant : bannière web officielle de la Fête de l’Humma 2019

Photographies de Pierre-Lou Quillard. 

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Pierre-Lou Quillard

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