[Live report] Kenny Barron, Wynton Marsalis et Richard Galliano à Jazz in Marciac
En ce vendredi soir très orageux, des titans du jazz se produisaient sur la scène du Chapiteau de Marciac : Kenny Barron et son trio, accompagnés du vibraphoniste virtuose Stefon Harris ; et Wynton Marsalis et ses musiciens en compagnie de Richard Galliano autour de leur projet « From Billie Holiday to Edith Piaf ».
Du haut de ses 71 ans, le pianiste Kenny Barron est un habitué du festival, et sa venue ne passe pas inaperçue. Le pianiste a joué avec les plus grands, de Dizzy Gillepsie à Stan Getz en passant par Yusef Lateef. Son jeu, tout en finesse et élégance, se marie à merveille avec les élans improvisateurs du vibraphoniste Stefon Harris qui part dans des tourbillons de notes, parfois difficiles à suivre tellement la virtuosité l’emporte. Tous les instruments ont leur place dans cette formation. La technique est au rendez-vous, le batteur Johnathan Blake impressionne par son jeu vif et profond, laissant parfois de marbre. Les quatre musiciens jouent un jazz complexe et intuitif. Durant plus d’une heure de concert, seulement cinq pièces sont jouées, ce qui montre la capacité d’improvisation des artistes. Ces pièces dessinent des univers différents, nous plongent dans une atmosphère propre à chaque fois : une ambiance envoûtante sur Shuffle Boil de Thelonious Monk, mystique sur Phantoms, plus estivale dans Softly as in a Morning Sunrise, de circonstance sur la composition piano solo Rain Rain, puis plus gaie et légère sur Calypso.
Extrait du concert :
La deuxième partie de soirée est consacrée à Billie Holiday et Edith Piaf. L’accordéoniste Richard Galliano et le quartet du trompettiste Wynton Marsalis reviennent sous le chapiteau pour interpréter des morceaux choisis de leur projet « From Billie Holiday to Edith Piaf » dont un disque avait été enregistré lors de leur venue à Marciac pour ce même projet en 2008.
Chaque reprise de la môme Piaf et des chansons de l’univers de Billie Holiday sont très soignées et arrangées au millimètre près, avec une finesse qui nous fait redécouvrir ce passé musical revisité pour notre plus grand plaisir. La prestation de Strange Fruit est peut-être la plus émouvante, la complainte et la douleur sont traduites avec intensité par le cri strident de la trompette, le tambourin fortissimo, et les notes graves tremblantes du piano. L’introduction est prenante. Dans L’homme à la moto, le champ thématique de l’univers de la moto est bien représenté, on s’imagine les passages à niveaux, les klaxons, et les passages furtifs sur les routes rapides. La virtuosité est au service de l’image. Pas besoin de film, il se construit sous nos yeux . Chaque instrument a son rôle, est un personnage à part entière. La voix tremblante de Piaf est perceptible sur chaque morceau repris, de Padam, Padam, à La foule en passant par La vie en rose. Leur interprétation n’est point un pastiche, ils apportent une vraie nouveauté tout en s’attachant à garder les détails marquants de ces chansons.
Le quartet de Marsalis est toujours en grande forme. La section rythmique est en parfaite symbiose, avec notamment un pianiste qui peut jouer à la Errol Garner quand bon lui semble. Chacun y trouve sa place, jouant ensemble dans un respect mutuel, et pouvant interpréter des solos riches et innovants. On sent une complicité entre ces musiciens au bénéfice de l’ensemble musical. Richard Galliano arrive à apporter sa touche « New Musette » et s’intègre très bien au quartet.
Un petit aperçu de ce projet à travers la répétition du morceau La Foule en 2008 :
1ère partie – Kenny Barron (p)
Kiyoshi Kitagawa (cb)
Johnathan Blake (dms)
Stefon Harris (vb, mar)
2ème partie
Richard Galliano (acc)
Wynton Marsalis (tp)
Walter Blanding (s)
Dan Nimmer (p)
Carlos Henriquez (b)
Ali Jackson (dms)
Visuels : © Fran Kaufmann – RG Braunschweig – Clay McBride
Vidéos : © jazzinmarciactv – Wynton Marsalis
Visuel : DR