Musique
Interview:Susanne Alt, How to Kiss ou le charme du Jazz au féminin

Interview:Susanne Alt, How to Kiss ou le charme du Jazz au féminin

14 December 2012 | PAR Marie Charlotte Mallard

A l’occasion de la sortie de son nouvel album, How To Kiss, (sorti le 10 décembre) jazz punchy, groovy et funky, pétillant mais néanmoins marqué par le charme et la sensualité féminine, la jolie et talentueuse saxophoniste Susanne Alt nous a accordé un instant privilégié afin de nous permettre de mieux la connaître et de nous présenter son univers et surtout son album. Rencontre avec une artiste qui malgré sa jeunesse a déjà côtoyé les plus grands tel Fred Wesley, Jamal Thomas, Georges Clinton & the parliament/ funkadelic…

Vous avez grandi avec la musique, votre père était professeur de piano et votre mère professeur de guitare mais qu’est-ce qui vous a amené au saxophone et plus particulièrement au jazz par la suite ? Le Jazz faisait-il également partie de votre univers musical familial ou restait-il uniquement classique ?

Oui, mes parents étaient professeurs de musique, donc enfant j’ai joué du piano et de la guitare et puis aux alentours de 11ans, j’ai vu une femme jouer du saxophone dans un big band américain. Lorsque je l’ai vue, je me suis dit que moi aussi je pourrais le faire. Voir cette femme jouer dans un Big Band m’a inspiré, j’ai eu envie d’être à sa place,  j’ai donc commencé lorsque j’ai eu 12 ans.

L’univers familial était assez classique il est vrai, et mes deux, trois premières années d’enseignements également. J’ai commencé ensuite à vraiment m’intéresser au jazz car mes amis s’y intéressaient. Ils étaient un peu plus âgés et le Jazz était quelque chose de « cool », c’était également une sorte de lien social. De plus, le saxophone est un instrument typiquement, naturellement  Jazzy. Cela paraîtrait étrange de jouer du saxophone et de ne rien connaître de cette musique, de ne pas en jouer. J’ai tout d’abord lu les biographies d’artistes de jazz tels que Charlie Parker, John Coltrane aux alentours de 14, 15 ans. Et ensuite j’ai logiquement commencé à jouer leur répertoire…

Quelles sont vos références, les artistes qui vous ont permis d’avancer autant que ceux qui vous inspirent aujourd’hui ?

En premier lieu, je dirais Charlie Parker, parce que c’est un très grand saxophoniste. J’ai lu ses biographies, écouté sa musique et c’est lui qui m’a donné envie de faire du jazz, d’essayer de jouer sa musique. Ensuite les personnes qui m’ont influencé quand j’ai commencé sont Joshua Redman. J’étais complètement folle de sa musique quand j’avais 15 ans. C’était un jeune musicien talentueux qui jouait du jazz et de la pop, et je l’adorais. Evidemment Maceo Parker est une grosse référence, lorsque j’avais 16 ans, j’ai pu le voir en concert à Munich et j’ai été ébloui, par sa musique autant que par son énergie. Joshua Redman et Maceo Parker sont vraiment mes deux grosses références. J’ai également découvert par la suite son père Dewey Redman un très grand saxophoniste. J’ai énormément de références et d’influences donc c’est difficile de choisir, je suis très fan de George Clinton, il est funky and groovy et sa musique me touche.

De manière générale, vos inspirations lorsque vous composez sont-elles uniquement le Jazz ou vôtre imaginaire musical fait-il appel aussi à d’autres styles ? Classique, ou variété ?

Mon univers musical est très vaste et non, je ne reste pas cloisonnée au standards du Jazz. De plus, à y regarder de plus près, la musique de Maceo Parker par exemple est jazzy mais surtout très funk. J’ écoute beaucoup George Clinton, également Bootsy Collins, beaucoup de musique autour de ça, avec des inspirations très funk. J’y suis vraiment très sensible et cela m’inspire beaucoup. Au-delà de ça, j’écoute également beaucoup de house. Pour moi, la house est liée à la funk et au disco, et tout cela, tout ces styles musicaux tirent leurs références du Jazz…

Je collabore également avec des DJ et joue sur des fonds plus house. Pour moi c’est vraiment une continuité avec tout de même une petite différence: dans le jazz, vous pouvez jouer des chorus, des solos, des moments improvisés. Ce sont de réels instants de « feeling » pendant lesquels vous racontez une histoire, votre histoire, en musique. Alors que la house à contrario est plus un divertissement, une musique faite pour s’amuser……

Vous êtes jeunes, 34 ans et pourtant vous avez déjà collaboré avec quelques grands noms du jazz, (Georges Clinton, Jamal Thomas, Fred Wesley) comment ces collaborations se sont-elles établis, comment les avez-vous rencontrés ?

Il s’agit surtout de simples opportunités qui sont venues un peu par hasard et se sont enchaînées ensuite. C’est notamment grâce à myspace que tout a commencé il y a 8, 10 ans. J’avais simplement écris à Fred Wesley via myspace, je me suis présentée en tant que jeune saxophoniste et lui ai dit que c’était super agréable de pouvoir visiter son myspace, que je l’avais vu jouer avec Maceo et que c’était vraiment formidable. Il m’a répondu : «  Je suis très heureux que vous appréciez ma musique, j’ai visité votre myspace, peut-être que nous pourrions jouer ensemble un jour ». J’ai été très surprise qu’il ait visité ma page, pris ce temps et pris le temps de répondre, c’était la première fois que j’avais un lien, un échange avec un tel professionnel. Je me suis dit « QUOI ! il a écouté ma musique !!», c’était un moment assez euphorique! Grâce à internet tout est devenu vraiment plus facile, à la fois pour faire entendre sa musique, et pour rencontrer des musiciens. Il n’y a pas besoin de faire une démo cd, d’envoyer, de distribuer, il suffit juste de cliquer…Ensuite, il m’a proposé de jouer dans son groupe pour ses tournées en France et en Hollande parce que son saxophoniste repartait aux Etats-Unis. Ça a été une chance fantastique pour moi de pouvoir jouer avec les artistes que j’aimais, c’était presque comme jouer avec Maceo. De manière générale, ça s’est souvent passé comme cela, avec beaucoup de gens j’ai juste pris contact en disant «  hey ! j’adore votre musique, moi je joue du sax ect…» j’envoyais mes démos et on revenait vers moi! Pour Georges Clinton, son saxophoniste m’a simplement demandé si j’aimerais me joindre à eux pour jouer. Au départ, j’étais assez hésitante, je lui ai dit que je ne savais pas si j’étais vraiment à la hauteur. Il m’a dit « Non, non vient !!» et voila! Ils m’ont par la suite rappelé pour venir jouer avec eux plusieurs fois.

La musique, le jazz est un milieu qui apparaît assez masculin, le ressentez-vous comme ça? avez-vous eu à vous battre pour avoir vôtre place?

Oui et non. D’un côté, c’est un gros avantage  parce qu’être une femme saxophoniste dans le jazz est quelque chose de singulier, de remarquable. On en voit peu donc les hommes sont interpellés. D’un autre côté, il est vrai que vous devez prouver encore plus, vous êtes beaucoup plus attendues. Non seulement vous devez très très bien jouer, mais aussi avoir une bonne apparence, une exigence beaucoup moins présente chez les hommes… Il y a quelque chose de très superficiel là-dedans mais cela compte beaucoup pour être prise au sérieux. Il faut faire attention à soi, à son look, à être jolie. Mais finalement, lorsque je regarde en arrière je me rends compte que là ou j’ai eu le plus de soucis, c’est plus avec les femmes. Les femmes sont plus jalouses, et donc plus critique, que ce soit sur votre musique ou justement sur votre look. J’ai déjà entendu quelques réflexions comme :” oh elle ne joue pas si bien que ça c’est juste parce qu’elle est jolie…” et inversement. Quoiqu’il en soit, vous devez prouver deux fois plus. C’est quelque chose de très complexe il est vrai.

Parlez-nous de votre nouvel album « How to kiss », pourquoi ce titre ? c’est un titre assez suggestif, est-ce une manière d’évoquer la sensualité qui se dégage souvent du jazz ?que signifie-t-il pour vous ? que cherchiez vous à faire passer à travers celui-ci ?

Oui en partie. En fait c’est un mélange de deux choses,  How to kiss (comment s’embrasser) est parti à la fois d’une remarque sur la façon dont on se dit bonjour,dont on se salue aux premiers abords et d’une reflexion sur les rapports humains et particulièrement les émois amoureux. J’ai remarqué que selon l’endroit on ne se saluait pas de la même manière. En hollande, nous faisons trois bises, en France c’est deux, au Portugal quatre, en Allemagne, vous vous serrez la main. Donc parfois quand vous rencontrez des gens, selon ou vous êtes, vous vous posez cette question « How to kiss ? ». De même, quand vous rencontrez quelqu’un, dans le cadre d’une relation cette fois plus amoureuse, il y a toujours ce moment ou vous vous posez la question, quand, comment je l’embrasse, et ce doute ou vous vous demandez si vous embrassez aussi bien que vous le pensez ? est-ce que c’était bien, est-ce que la personne en face a aimé ?. C’est un petit jeu autour de tout ça, autour des rapports humains, de ces hésitations quotidiennes dans l’expression des sentiments, de ces petites questions, de ces doutes…

Comment s’est passé la création, comment l’avez-vous élaboré, composé, choisi les morceaux ?

Je cherchais véritablement quelque chose de nouveau, d’orignal. Je cherchais mon propre style. C’est mon 5ème album, j’ai déjà enregistré 3 albums studios et un live. Souvent, les gens autour de moi et les journalistes me disaient qu’ils aimaient ce que je faisais, mais qu’il était facile de reconnaître mes influences et mes références dans ma musique. Il est vrai que jusque là je faisais une sorte de mixe, de mélange, je partais de ce que j’aimais, et j’y ajoutais mon style, ma patte. Pour ce 5ème album j’ai donc véritablement essayé de me trouver, de me détacher de mes références. De raconter mon histoire.

Quels sont vos prochains projets ?

Je vais travailler sur un album de funk. J’ai le grand honneur de jouer avec Jamal Thomas depuis quelques temps. La funk est pour moi une suite logique dans le jazz, c’est quelque chose qui compte beaucoup dans ma vie. Je trouve qu’il y a un feeling différent, peut-être plus festif. De plus, la funk n’est pas toujours très populaire, en France oui. En France, vous aimez et connaissez la funk mais par exemple en Allemagne ce n’est pas très répandu, de même, aux Etats-Unis, la funk est connue des populations black mais peu des autres.

Visuels: www.susannealt.com

La programmation du festival du film Sundance dévoilée
Willy Rovelli : Une bonne dose d’humour pour faire face à la crise
Avatar photo
Marie Charlotte Mallard
Titulaire d’un Master II de Littérature Française à la Sorbonne (Paris IV), d’un Prix de Perfectionnement de Hautbois et d’une Médaille d’Or de Musique de Chambre au Conservatoire à Rayonnement Régional de Cergy-Pontoise, Marie-Charlotte Mallard s’exerce pendant deux ans au micro d’IDFM Radio avant de rejoindre la rédaction de Toute la Culture en Janvier 2012. Forte de ses compétences littéraires et de son oreille de musicienne elle écrit principalement en musique classique et littérature. Néanmoins, ses goûts musicaux l’amènent également à écrire sur le rock et la variété.

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration