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[Interview] Nawel : “Toutes les prises de parole artistique avaient une dimension politique”

[Interview] Nawel : “Toutes les prises de parole artistique avaient une dimension politique”

23 January 2013 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Nous avons eu la chance de rencontrer Nawel. La chanteuse à la voix suave navigue entre les deux rives de la Méditerranée dans un chant puisant dans la Tunisie où elle a grandi et dans la France où elle est née. A 25 ans, elle est à l’orée d’une magnifique carrière, entre engagement politique, gout pour le théâtre contemporain et écriture poétique. Juste…Une super nana

Ya Tounes est un titre sur la Révolution Arabe, pouvez -vous me raconter l’histoire et l’écriture de cette chanson ?

J’ai été comme nombre de tunisiens de ma génération happée par ce qui se passait en Tunisie en janvier 2011, d’autant que j’ai eu une éducation plutôt politisée et que j’ étais très consciente de la nécessité d’ en finir avec le régime de Ben Ali.
En tant que chanteuse lorsque je suis traversée par une émotion très forte je la traduis en chanson, et il aurait été inimaginable de ne pas m’exprimer sur ce que je ressentais à ce moment là. Cette chanson était une nécessité pour moi mais j’ai aussi voulu offrir une chanson à mon pays, comme une trace spontanée de la période intense que nous étions en train de vivre. Je l’ai écrite en français et en arabe et, bien que son adresse soit assez frontale ( le premier couplet commence par ” écoute moi te raconter ce qui se passe dans mon pays”, et le deuxième couplet par ” O tyran oppressant tu t es moqué d un peuple impuissant mais grand”), mon écriture garde un angle assez imagé, comme une sorte de fable.
Les arrangements comme le texte ont été écris dans l’urgence et il y a dans cette chanson quelque chose de fragile et d’ ambivalent (entre la peur et l’euphorie ) à l’image de la période que nous traversions, que je ne souhaite pas réenregistrer.

Vous avez joué en Tunisie après la Révolution, quelles ont été vos impressions ?

En tant qu’artiste franco-tunisienne, je n ai jamais été autant sollicitée par la Tunisie qu’à cette période là, je crois que la Tunisie avait besoin de toutes ses voix, que les tunisiens avaient besoin de chansons, de films, de photos, qui portaient et exprimaient toutes les émotions ressenties. Toutes les prises de parole artistique avaient une dimension politique.
En Tunisie nous traversons une période où tout a une dimension politique et où la société civile est très active . La parole est déliée, la vie associative et culturelle sont décuplées, j ai pris part à cette émulation après la révolution et c’était assez jouissif. Aujourd’hui l’euphorie est retombée mais tout est encore à construire. Je suis de près ce qui se passe mais je suis retournée à mon propos artistique, avec un peu plus de distance quant à la vie politique.

Etes -vous une artiste engagée ?

Disons que la Chanteuse que je suis voit les choses d ‘un oeil plus philosophique et poétique que la citoyenne consciente voire militante que je suis. Parfois les deux se rejoignent, comme au moment de la révolution tunisienne, ou dans ma collaboration avec Tony Gatlif sur Indignados, où je me liais à un film avec un propos politique que je partageais.
Mais en général, mes chansons sont plutôt oniriques. La parole politique est une parole rationnelle et contextuelle, ce à quoi je touche dans la musique et dans l art est je crois plus irrationnel, plus viscéral et peut être plus atemporel. Sur scène et dans mes chansons je crois que l’émotion, avec sa part de folie et d’ irrationnel, a trop de place pour servir un propos politique à proprement parler, en revanche mes émotions interrogent la parole politique ou la bouscule.

Il vous arrive de reprendre des chansons, de façon éclectique, comment les choisissez vous ?

Au delà du plaisir musical, J ai un vrai plaisir d’ interprète, de comédienne, à chanter mes chansons et à les offrir à un public. Reprendre une chanson que j’aime c’ est travailler l’interprétation, me la réapproprier, la décaler. Je les choisis en général d’ abord parce que je les aime et parce que j ‘ai envie de les dire.. à ma façon.. En général mon interprétation est très loin de la version originale, comme par exemple ma reprise de Kavinsky (Nightcall) qui a plu à Kavinsky mais qui a surpris certains fervents de Kavinsky .. C’ est le jeu!

Quels sont vos projets ?

Je viens de tourner un clip, réalisé par Mehdi Ben Attia, dont j aime beaucoup le cinéma que je trouve intelligent et élégant, et qui devrait sortir prochainement .
Je suis en train de finaliser un 6 titres, un prémisse de l’ album, sur lequel je travaille aussi en ce moment.
Je serai en concert-résidence avec mes musiciens à partir de ce lundi 28 à Paris, à la Manufacture chanson quatre lundis de suite, avec un artiste invité par lundi. Les concerts sont accompagnés d’ une expo photo de Victor Delfim qui me suit en backstage et sur scène depuis 1 an et demi.
Sinon dans l’année 2013..les dates seront sur mon site… et je retrouve le théâtre en Automne au 20ème théâtre dans une pièce de Milka Assaf

Quels sont vos lieux parisiens ?
Le Jamel Comédy Club, les lundis, parce que j aime les mix de RKK.. et les cinémas, le mk2 Jaurès  aussi !

Visuel : (c) Cyrille Choupas

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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