Musique
Hysteria de Indigo Sparke

Hysteria de Indigo Sparke

30 November 2022 | PAR La Rédaction

Toute La Culture a rencontré la songwriteuse et interprète australienne Indigo Sparke au Supersonic, lieu emblématique de la scène rock underground à Paris, à l’occasion de la sortie d’Hysteria, son deuxième album. Interview à venir. En attendant, voici notre chronique.

Par David Khalfa

Echo, son premier album, nous avait éblouis et émus dès les premiers accords de guitare. Petit bijou folk hanté et sensible, cet opus est sorti en 2021 sur Sacred Bones, l’un des labels américains les plus pointus de la scène rock alternative. Co-produit par la très talentueuse Adrianne Lenker (Big Thief), Echo est un chant lyrique, une œuvre poignante portée par la grâce d’une voix envoûtante qui se déploie comme un murmure susurré dans le creux de l’oreille. On retiendra notamment les sublimes « Colourblind », « Carnival », « Colf » ou encore « Everything Everything » parmi les neuf compositions aériennes que comprend cet album beau et sombre.

On attendait donc avec impatience son successeur. Son nom : Hysteria qui vient du grec “hustéra”, soit la matrice, les entrailles ou l’utérus. C’est un mot qui charrie une histoire patriarcale avec son lot de préjugés sexistes. “Hysteria” a donné en français l’adjectif hystérique et fut longtemps exclusivement associé aux femmes souffrant de troubles psychiques dont l’origine se trouverait… dans leur utérus, siège d’un érotisme censément morbide. Indigo Sparke se réapproprie le terme en le détournant pour évoquer la puissance des éléments naturels telles que la lune, les vagues, les marées, métaphores de nos humeurs changeantes et de la force irrépressible nos émotions.

Produit par Aaron Dessner, le multi-instrumentiste et co-fondateur du groupe de rock américain The National qui a également travaillé avec Taylor Swift, ce deuxième opus est plus luxuriant et orchestré que le minimaliste et spectral Echo.

Hysteria est une œuvre vaste et complexe, fruit d’un double effondrement, sociétal et personnel. Commencé à Sydney et achevé à New York, ce nouvel album a été écrit dans le climat délétère de la pandémie de Covid-19 et de ses confinements successifs. Il porte également les stigmates d’une rupture amoureuse mais ouvre néanmoins la voie à une renaissance par la musique comme antidote aux peines de cœur. Ses 14 compositions en clair-obscur reflètent les atermoiements intimes et les tourbillons émotionnels de la jeune chanteuse australienne Indigo Sparke.

Hysteria balaye large. C’est un album à tiroirs où les ballades vaporeuses et alanguies côtoient des morceaux plus enlevés et lumineux.  C’est une œuvre tourmentée qui évoque les traumatismes de l’enfance, les violences domestiques, la perte, le chagrin, la rage, la nostalgie… Les violences domestiques, Indigo Sparke les évoque sans fard dans le morceau intitulé “Blue” qui ouvre cet album, sans doute le plus beau de ce deuxième opus.

“Tell the story of father Spitz / Your mother and the eye / Took out the wooden spoon / Hit us real hard / Go to your room and don’t you dare cry.”

Plus loin, Sparke partage son sentiment d’impuissance face au tragique de l’existence, incarnée par la mort du grand-père qui entraîne avec lui la perte de secrets de famille et laisse un père désorienté et apeuré :

“Held your grandfather’s hand as he died? / Wrinkled with his ancient lies? / Father’s scared, can’t stay up late? /I’m screaming down the line while he hears her cries”

Hysteria est travaillé par une tension et un flottement que l’on retrouve notamment dans le titre “Time Gets Eaten” qui explore les intermittences et les mouvements de balancier du cœur : « l’amour est un mensonge » nous dit d’abord Indigo Sparke puis plus loin, « l’amour est toujours vivant ». Ces flux et reflux, ces hésitations entre espoir et désespoir font penser aux mouvements de va-et-vient des marées.

Disque océanique, Hysteria est « un cri lancé vers l’éther » nous confie la chanteuse australienne. Il perd parfois en intensité mais la capacité de la talentueuse chanteuse folk australienne à nous émouvoir demeure intacte. Hysteria est une œuvre cathartique profondément personnelle, mais qui ouvre également en nous un chemin vers la guérison et l’apaisement. 

 

Visuel : © pochette de l’album

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