Haris Alexiou- Yehuda Poliker : Du Sirtaki et des larmes
A l’occasion du concert donné le 28 octobre à l’Olympia par Dimitra Galani et Haris Alexiou, il nous paraît ici intéressant de mentionner la collaboration artistique entre cette dernière et le chanteur israélien d ‘origine grecque Yehuda Poliker matérialisée par la sortie à l’automne 2011 d’un single intitulé « chaque chose me ramène à toi », superbe balade gorgée de Bouzouki , promenade en Salonique , d’où est originaire la famille de Poliker .
Le contraste entre leurs deux voix qui s’ unissent et s’interpellent est saisissant et vous emporte de ce coté là de la méditerranée quelque part à mi chemin entre leur deux pays.
Mais qui est Poliker ? Il voit le jour à Haifa en 1950 et commence sa carrière musicale en 1980 au sein du combo rock Benzin , créateur du méga-hit ultravitaminé « Yom chichi », comme un « Saturday night fever » , mais en version cacher !
Le groupe se sépare après seulement deux albums et Yehuda se replonge alors dans le folklore grec dans lequel il a baigné depuis sa plus tendre enfance .
Sur son premier album solo, il reprend des standards helléniques chantés en hébreux avec l’aide de son complice parolier Yaacov Gilad.
Mais son histoire familiale le rattrape : il ressent le besoin de parler de la tragédie vécue par la communauté juive de Salonique déportée massivement vers les camps nazis.
Il publie un concept album intitulé « cendres et poussières » qui traite de ce sujet .
La chanson « une fenêtre donnant sur la méditerranée », qui en est extraite, est un immense succès populaire alors que le sujet ne s’y prête guère :
il s agit d’une lettre d’un rescapé des camps immigré en Israël adressée à sa femme : il lui écrit son espoir de la retrouver accompagnée de leur enfant . « Ici , si tu le souhaites , tu auras un foyer où nous
pourrions nous reposer : toi , moi et notre enfant devant une fenêtre donnant sur la Méditerranée » .
Mais revenons à l‘album paru en 2011 qui contient le duo évoqué au début de l’article : il inclut une autre chanson, en hébreux celle ci, dont les paroles sont du grand écrivain israélien David Grossman : « que le printemps est furtif » .
Poliker reprend là une tradition israélienne qui consiste à mettre en musique des écrivains locaux , à l’instar de Shlomo Artzi pour Shaul Tchernikowski ou Nathan Alterman ; Rita pour Bialik ; ou même l’orientalisant Haim Moché avec Rachel.
Sur la scène du Zappa Club de Tel-Aviv le 26 juin 2012 , Poliker nous explique la difficulté qui a été la sienne pour mettre en musique ce texte qui parle du printemps si court en orient, coincé entre un long hiver pluvieux et un été qui brûle déjà à peine arrivé , « il y a un court moment où la nature exulte de joie , elle déborde de vie, ivre et parfumée »
« J ‘ ai appelé David car je cherchais l’allégorie
« je me doutais bien qu’il ne parlait pas vraiment du déroulement des saisons en orient .
Il me confirma que le printemps évoqué dans le texte représente le bonheur si fugace à savourer entre deux tragédies : à peine arrivé on le voit déjà repartir. »
David Grossman a perdu son fils en août 2006 pendant la deuxième guerre du Liban .
Cette chanson parlait de l’immense bonheur de l’avoir connu et aimé et de l’ hiver glacial qui suivit son départ .
Arnaud Berreby