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[Chronique] « C » de Turzi : volatile et alphabète

[Chronique] « C » de Turzi : volatile et alphabète

26 March 2015 | PAR Bastien Stisi

Six ans après son second album B (le premier se nommait A), Romain Turzi revient, et cela est logique, avec C, un troisième album qui abandonne le plus souvent les guitares post-rock entendues hier afin de s’envoler vers des horizons égarés entre le krautrock progressif de Zombie Zombie (qu’il accompagne parfois en live), les vraies bandes-son de Carpenter et les fausses de Tellier, et les collaborations fortuites du duo Jean-Claude Vannier / Serge Gainsbourg.

[rating=3]

La version officielle affirme que Romain Turzi (le géniteur et leader du projet Turzi) a pris le parti de composer ce troisième album dans une cave souterraine, dont l’entrée serait demeurée secrète au plus grand nombre durant l’intégralité de composition du disque tout juste paru chez Record Makers (le label de Tellier, Tristesse Contemporaine et autres Kavinsky). Et peu importe qu’ainsi, à cause de la nature de ce studio d’enregistrement insolite, les plafonds soient aussi proche des esprits : sur C, tous les morceaux portent le nom d’un oiseau, du « Coucou » au « Cygne », du « Corbeau » à la « Colombe », du « Condor » à la « Chouette », comme si l’on voulait indiquer par là que même dans le plus profond des souterrains, il est toujours possible de prendre son envol.

Et si tous ces oiseaux-là ne sont pas capables de voler (coucou le « Coq »), tous, par contre, paressent planer assez bas, jamais surpris en trop grand élan de grandiloquence (sauf peut-être sur « Cormoran »), comme si ces volatiles-là se positionnaient volontairement juste en-dessous des nuages, conscients qu’une faille météorologique soudaine pourrait bientôt faire éclater dans les horizons un sacré raffut. Quand ils sentent l’orage qui guette, les oiseaux, toujours se mettent à voler bas…

C est ainsi l’album le plus sombre et le plus inquiétant de la discographie de Turzi. Et cette lumière tamisée qui s’en dégage provient essentiellement de ces interventions lyriques et mystiques, de ces nappes vocales étirées par les cordes glaciales de la soprano Caroline Villain, elle qui donne alors l’impression à l’auditeur de vagabonder, souvent (sur « Coucou »,  sur « Cygne », sur « Colombe »), dans un film d’angoisse drôlement tendancieux (ou juste dans la Maison hantée de Disney ?)

Ce film-là glace le sang. Et invoque mille images, de cieux et de spectres, et s’avère au final tellement cinématographique que l’on se demande si c’est le son que l’on entend ou les images que l’on envisage qui s’avèrent les plus saisissantes.

Turzi, C, Record Makers, 2015, 40 min.

Visuel : © pochette de C de Turzi

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Bastien Stisi
Journaliste musique. Contact : [email protected] / www.twitter.com/BastienStisi

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