Musique
Don Pasquale de Donizetti au TCE sans relief ni contour

Don Pasquale de Donizetti au TCE sans relief ni contour

19 February 2012 | PAR Bérénice Clerc

Don Pasquale de Donnizzetti au théâtre des Champs Elysées n’emporte pas la foule des spectateurs.

Denis Podalydès signe une mise en scène sans fantaisie, sans grande ligne ni vision de l’œuvre prometteuse de rires et d’énergie musicale à peine induite par les chanteurs et l’orchestre national de France sous la baguette d’Enrique Mazzola.

Le théâtre des Champs Elysées est plein, il fait très chaud, les spectateurs dociles s’installent d’un regard au bout du doigt de l’ouvreuse.

Le spectacle peut commencer, l’orchestre est dans sa fosse, on distingue certains musiciens, des morceaux d’instruments dépassent, le rideau peut s’ouvrir sur Don Pasquale opéra bouffe de Donizzetti écrit en onze jours, digne des grandes farces respectueuses des codes de la Comedia del Arte où le rire est une promesse.

Le rideau s’ouvre, un camion bleu, cliché des films italiens des années 50 entre en scène, il avance sur une scénographie sans relief, ni réel sens de l’espace où seule l’avant scène sera terrain de jeu.

Un décor quasi identique à celui de la mise en scène de Laurent Pelly il y a quelques années, la vivacité en moins.

Le camion s’ouvre, devient la boutique de Don Pasquale, vendeur forain de luminaires, vieux garçon.

Histoire immortelle du vieux barbon désireux de mettre dans son lit une jeunette et de faire d’une pierre deux coups en déshéritant son neveu à son goût trop fainéant et lui ravir sa fiancée. Une jeune fille avec plus d’un tour dans son sac qui de jeune vierge effarouchée sortant du couvent comme elle le prétend va vite se transformer en mégère non apprivoisée ! Les codes de la Comedia del Arte, Pantalon, Don Pasquale, Pierrot, Ernesto, Scapin, Malatesta, Colombine, Norina…une mise en scène dans la mise en scène, de la manipulation, des rires en perspective… Mais les chanteurs acteurs de cette production peinent à s’affirmer, leurs voix dépassent difficilement l’espace du plateau et la balance avec l’orchestre est parfois très très limite.

Enrique Mazzola, sympathique et vif soulève difficilement l’orchestre de France, loin de son répertoire habituel,  sans contour ni galbe, ils exécutent sans passion la partition de Donizzeti quasi comme un accompagnement là où la musique pourrait briller, virevolter, se faire légère et enjôleuse.

Tout est terne, en demi-teinte, pastel, rien de catastrophique, un spectacle plane, banal à suivre sans douleur mais sans envie, sans éclat ni fantaisie.

Alessandro Corbelli rend Don Pasqual touchant, il est heureux de jouer et tisse les fils d’un personnage crédible mais peine parfois à suivre la rythmique emprunté à Rossini par Donizzeti et laisse les mots lui échapper sans articulation précise.

Norina, personnage écrit pour être drôle, double jeu, humour, mise en abîme sont absents de la mise en scène, la chanteuse se fait plaisir sans penser au public, les sur -aigus sont souvent acides, criards et les coloratures parfois stridentes, sans précision ni souplesse. Elle entraine quand même les spectateurs avec elle mais les rires ne fusent pas et sa violence comme ses déplacements et ceux des autres semblent très calés, non digérés par le corps juste marqués.

Le jeune ténor Francesco Demuro tient le personnage, touchant parfois, son timbre est séduisant, sa voix vaillante et il met son potentiel vocal au service du romantisme.

Vif, pétillant et puissant le baryton digne de Verdi, Gabriel Viviani, projète avec brio sa voix masculine et piquante pour sortir de l’indolence générale.

Tout traine en longueur, les maigres effets comiques tournent aux gags sans matière, rien ne démarre dans cette ambiance foraine, tout est presque grave.

Quelques très beaux moments dans la première partie avant l’entracte comme l’arrivée d’une trompette sur scène à jardin, image douce et romantique si les fausses notes étaient absentes. Le passage du neveu seul sur le camion la voix douce, sensuelle et l’image de la solitude offrent une vision profonde.

Les figurants, le chœurs de Radio France, très très faible vocalement, sont là comme des présences machinales, rien n’est habité ni vocalement ni physiquement, après l’entracte tout est encore pire, de gags en gags, les scènes s’égrainent avec lourdeur et le décor est absent. Le chef à mains nues puis avec une baguette, jouet lumineux pour enfants garde son énergie mais ne la communique guère aux musiciens.

La morale rapide et simpliste sur un orchestre enlevé vient clore ce spectacle sans saveur.

A l’Opéra la promesse est multiple, la scène, l’espace, les décors, le jeu, la voix, l’orchestre, un art quasi total à qui il est difficile de faire honneur et la frontière de l’Opérette dans un opéra bouffe comme Don Pasquale n’est jamais loin mais une opérette montée avec brio a beaucoup plus de classe qu’un opéra terne et sans emphase.

Denys Podalydès est sur tous les fronts, cinéma, théâtre, acteur, metteur en scène auteur, les 7000 euros de la Comédie Française sont si peu pour lui comme il le dit qu’il doit sans doute accumuler les cachets pour survivre et mettre moins de temps dans le travail à la table et à la scène pour un opéra qui aurait pu emporter un succès fou et faire rire aux éclats par sa légèreté. Proposons lui une immersion dans le quotidien des artistes loin des plateaux de cinéma français ou américain ou de la scène grandement subventionnée, il y rencontrera de fervents partisans du travail qui ne cessent jamais leurs recherches et s’acharnent à la tâche au profit de l’art pour réjouir un public multiple et de plus en plus nombreux en échange d’une intermittence précaire quand elle est possible ou de maigres cachets.

Gardons espoir pour les prochaines mise en scène de Denis Podalydès et pour la scène du TCE qui sert le plus souvent de somptueuses productions.

62 e Berlinale : Ours d’or pour Cesare Deve Morire des Frères Taviani
Live-Report : Nicholas Angelich et l’Orchestre de Paris enchantent Pleyel (16/02/2012)
Bérénice Clerc
Comédienne, cantatrice et auteure des « Recettes Beauté » (YB ÉDITIONS), spécialisée en art contemporain, chanson française et musique classique.

3 thoughts on “Don Pasquale de Donizetti au TCE sans relief ni contour”

Commentaire(s)

  • Pereire

    en tout cas moi et toute la salle ont applaudi à tout rompre ce dimanche après-midi

    February 19, 2012 at 23 h 34 min
  • Dubois

    Spectacle vu le 17 fév. Effectivement, on peut parler d’une non-mise en scène ! Voir le chanteur debout , droit comme un i, seul à l’avant scène pendnat de longues minutes (3ème partie) n’a aucun intérêt ! Mais je ne serai pas aussi sévère quant aux voix et à l’orchestre qui ont fait leur travail.

    February 20, 2012 at 18 h 39 min
  • myrette

    J’y étais également ce dimanche et j’avoue que j’ai été presque rassurée en lisant cette critique. je n’aurais surement pas été aussi severe mais aussi j’avoue ne pas avoir compris la mise en scene… les lumieres fluo et fortes m’ont derangé et je ne les ai pas trouvé a propos. cela dit le moment de la trompette fut pour moi un enchantement…
    j’ai tout de meme passé un tres bon moment…

    February 20, 2012 at 21 h 41 min

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration