Classique
Daphnis, Chloé et les autres

Daphnis, Chloé et les autres

15 May 2023 | PAR Nicolas Villodre

Dans le cadre de l’exposition Manet/Degas, le Musée d’Orsay a souhaité “convoquer la danse”. Il a programmé à cet effet en son auditorium une version légère de Daphnis et Chloé, la “symphonie chorégraphique” de Maurice Ravel réduite à un concert pianistique de Claire-Marie Le Guay et à un pas de deux interprété par la danseuse étoile Hannah O’Neill et le danseur-chorégraphe Florent Mélac.

Pastorale antique

Daphnis et Chloé n’a ni le tragique de Roméo et Juliette ni le pathétique de Tristan et Iseut. Le récit bucolique de Longus qui inspira le compositeur Maurice Ravel et le chorégraphe Michel Fokine fut jugé longuet par Diaghilev qui, le soir de la première en 1912, anima le prélude en convoquant sur le plateau un troupeau de biquettes en chair et en os censées être celles du berger Daphnis. Autant dire que Ravel n’apprécia guère la plaisanterie. Natalia Smirnova rapporte que le compositeur “ne regarda pas la scène” et fit crisser bruyamment le papier kraft enveloppant le cadeau destiné à la mécène Misia Sert. Il refusa d’ailleurs de se joindre à la troupe pour saluer le public à l’issue de la représentation. 

D’après Stravinsky, Daphnis et Chloé est “non seulement une des meilleures œuvres de Ravel, mais aussi une des plus belles productions de la musique française”. Nous avons eu la chance de la voir interprétée sur scène par la pianiste virtuose Claire-Marie Le Guay qui l’avait gravée sur disque il y a une bonne vingtaine d’années. La partition a pris corps et éclat, exécutée sur un Steinway à queue, côté jardin, sans temps mort ni remords. Le concert à lui seul valait le déplacement et la salle du sous-sol était pleine à craquer.

Classique de chez classique

Nombreuses sont les adaptations chorégraphiques tirées du mythe antique, du ballet-pantomime Daphnis (1790) de Jean-Baptiste Blache à la version “contemporaine” de Jean-Claude Gallotta qui date de 1982 et substitue à la symphonie ravélienne une musique signée Henri Torgue, en passant par celles de Frederick Ashton, le Franco-ukrainien Serge Lifar, George Skibine, John Cranko, John Neumeier, Hans van Manen, Glen Tetley, John Taras, etc. Paradoxalement, la chorégraphie de Florent Mélac est plus académique que celle des Ballets russes créée au Châtelet le 8 juin 1912, dansée par Vaslav Nijinski et Tamara Karsavina – excusez du peu.

Elle est à base de plusieurs duos et d’une variation masculine entrecoupés de passages musicaux et d’une vidéo projetée à même la paroi boisée du fond de scène évoquant succinctement le décor de Léon Bakst (le rocher du dieu Pan filmé, c’est probable, à Fontainebleau), l’atmosphère d’un amour naissant, le cadre muséal (cf. les plans des salles d’Orsay vidées des visiteurs) et la danse prenant la clé des champs, renforçant le lyrisme à l’aide de ralentis. Les pas de deux sont techniquement remarquables, à base de portés, en veux-tu, en voilà, de pirouettes et d’une belle démonstration de pointes de la ballerine. La prestation pianistique et la performance dansée ont été ovationnées.

Visuel : Hannah O’Neill et Florent Mélac, photo : Musée d’Orsay/D.R.

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Nicolas Villodre

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