Musique
Natalie Dessay, Emanuelle Haïm un Cleopatra sans extase

Natalie Dessay, Emanuelle Haïm un Cleopatra sans extase

11 March 2011 | PAR Bérénice Clerc

 

 

En 2010, l’Orchestre de l’Opéra de Paris ne souhaitait pas de la claveciniste Emanuelle Haïm à la direction d’Idoménnée, elle revient en 2011 avec son propre ensemble d’instruments anciens, Le concert d’Atsrée et la chanteuse star Natalie Dessay pour interpréter Giulio Cesare de Handel dans une mise en scène de Laurent Pelly. Dans cet opéra, Natalie Dessay ose aborder le rôle de Cléopâtre et mettre son énergie et sa technique au service de ce personnage mythique. Le Concert d’Astrée, Emanuelle Haïm et Natalie Dessay décident donc de graver pour Virgin les airs de Cléopâtre dans Giulio Cesare de Handel.

Il est dommage de ne pas enregistrer l’Opéra dans son entièreté, de laisser reposer le succès d’un album sur le nom médiatique d’une chanteuse talentueuse et de donner à croire qu’un air seul peut être aussi fort qu’inscrit dans le rythme de l’ensemble, d’une œuvre…

Cléopâtre, femme fatale de l’histoire, éternel féminin partagée entre un érotisme puissant, des manipulations politiques et le désespoir amoureux. Un siècle après Shakespeare, Handel déploit son génie mélodique pour sublimer les sentiments et émotions contrasté s de la reine Cléopâtre.

Au fil des arias Cléopâtre exprime la certitude de ses charmes face à César « Tutto puo donna vezzosa », puis l’angoisse de ne pas parvenir à ses fins « Venere bella ». Manipulatrice, elle se déguise en allégorie de la vertu pour subjuguer l’Empereur dans un air sensuel et extatique « V’adoro pupille ». Prise à son propre piège la séductrice séduite soulage son cœur quand elle apprend que César n’est pas mort « Da tempeste ». Prise par l’angoisse, elle livre un des plus beaux lamenti handéliens « Se pieta ».

Son affliction s’exprime lorsqu’elle est prisonnière de son frère Ptolémée « Piangero ». Le duo final « Caro ! Bella ! » exprime le triomphe de l’érotisme sur les épreuves guerrières.

Natalie Dessay se définie comme une comédienne qui chante. Son talent, sa passion et l’énergie qu’elle donne à son corps et sa voix ne sont plus à prouver, c’est un personnage à elle seule et une artiste représentant avec brio la France dans le monde entier.

La vocalité de cette star française ne convient cependant pas au phrasé Handelien qu’elle aime à chanter avec Emanuelle Haïm. Un mezzo léger comme Cécilia Bartoli ou une divine et légère soprano comme Sandrine Piau conviennent parfaitement à la tessiture de Cléopatra. Ces partitions ne mettent pas en avant l’instrument puissant de Natalie Dessay, avare de suraigus et hélas faible en harmoniques. Son jeu et sa vivacité pétillent dans les airs légers de la première partie, elle peut émouvoir avec son intelligence musicale et son investissement sans limite dans les lamentos et évite globalement le pire.

Emanuelle Haïm à la direction manque de fantaisie, le choix des tempis et la théâtralisation de l’ensemble sont fades. Ce disque manque de chair, de couleur, de grâce, d’urgence de travail savant, de recherches plus fondamentales et nécessaires, loin des instincts parfois séducteurs.

Tout semble atténué, lissé dans une intensité égale, quasi atone, loin des subtilités raffinées et riches d’Handel.

La pâte sonore du concert d’Astrée est cependant plus assise, ils jouent de mieux en mieux, mais leur palette reste peu étendue et leur mouvement invariablement droit.

Toutes ces réserves n’ôtent rien à la diva Dessay, son jeu est à voir, son Collorature est à entendre, mais dans d’autres programmes où elle brille de ses mille talents.

 

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Bérénice Clerc
Comédienne, cantatrice et auteure des « Recettes Beauté » (YB ÉDITIONS), spécialisée en art contemporain, chanson française et musique classique.

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