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Une Symphonie Nº9 de Mahler bouleversante à la Philharmonie de Paris

Une Symphonie Nº9 de Mahler bouleversante à la Philharmonie de Paris

12 December 2022 | PAR Hannah Starman

Devant une salle comble et un public ému, Myung-Whun Chung nous livre une Neuvième de Mahler bouleversante de fougue et de précision, pétrie de tension entre la tourmente et la tendresse, et superbement interprété par l’Orchestre Philharmonique de Radio France en totale symbiose avec son directeur musical honoraire.

La dernière symphonie de Gustav Mahler

La Neuvième est la dernière des symphonies achevées par Gustav Mahler. Composée en 1909 et inséparable de la symphonie de lieder Chant de la terre, cette symphonie instrumentale en quatre mouvements a été créée à titre posthume par Bruno Walter, un ami proche du compositeur. Mahler n’a jamais entendu la Symphonie nº9 que Walter dirigera pour la première fois à Vienne en 1912, un an après sa disparition. Renouant avec la tradition des symphonies en quatre mouvements de la Sixième, Mahler dispose ceux-ci d’une manière surprenante dans la Neuvième, puisque ce sont les deux mouvements lents (Andante comodo et Adagio en D major) qui encadrent deux scherzos (Im tempo eines gemächtlichten Ländlers et Rondo burleske).

Un Andante comodo époustouflant

Dirigeant avec une économie gracieuse et sans partition, Myung-Whun Chung nous offre un Andante comodo lent et fin, alternant les épisodes de la tourmente de la mort et un hymne à vie avec une intensité et une émotion rares. Réputé difficile, tant il mélange tous les traits du style mahlérien (tempos et nuances contrastés, orchestration aux sonorités alternées, le contrepoint et la polyphonie) dans un ensemble empreint d’une charge émotionnelle exacerbée, ce premier mouvement est “le lieu de toutes les angoisses, de tous les élans brisés, de toutes les tentatives musicales aussi.”

Alban Berg décrit le premier mouvement de la Neuvième comme “ce que Mahler a fait de plus extraordinaire” et Myung-Whun Chung nous en livre une interprétation puissante et limpide, accentuant avec précision et exigence la tension entre la vie et la mort, entre les cordes et les cuivres, sans oublier les sublimes solos de Mathilde Calderini à la flûte et de Nathan Mierdl au violon.

Les scherzos sombres et grimaçants

Les sonorités boisées (bassons) qui ouvrent le deuxième mouvement annoncent une suite de tableaux champêtres empruntant la forme de Ländler, danses traditionnelles allemandes, mais cette rusticité joyeuse se trouvera vite perturbée par une dérision ironique et amère. La valse centrale étrange et grimaçante est lourde de menaces remarquablement traduites par les altos et les trombones. Le mouvement se termine avec un pianissimo du piccolo et du contrebasson.

Le mouvement le plus frénétique des mouvements de la Neuvième, le Rondo burleske démarre par les trompettes avant de citer le deuxième mouvement de sa Cinquième mais sous une forme violente, corrosive et noire. Les entrées des instruments se chevauchent et se superposent pour culminer dans une “apothéose de la polyphonie,” annonciatrice de la musique de Schoenberg et de Webern, qui sera interrompue par un solo de trompette saisissant avant d’aboutir à une accélération vertigineuse.

L’Adagio final solennel et épuré

Le dernier mouvement est lent et ample. Myung-Whun Chung range sa baguette derrière le pupitre du premier violon avant l’entamer l’Adagio final qu’il sculptera avec ses mains dans une ambiance de recueillement et de grâce. Mahler y rappelle le dernier mouvement de sa Troisième symphonie qui n’est pas sans évoquer les grands adagios d’Anton Bruckner et cite le quatrième Chant sur la mort des enfants (Kindertotenlieder) qui accompagne les mots “la journée est belle.” Le thème initial apparaît avec les sonorités appuyées des cordes comme une hésitation entre un adieu et un ultime hommage à la vie.

Le schéma répétitif alterne les grandes phrases mélodiques lumineuses (les cordes) et les passages hésitants, sombres et douloureux (les bois). L’adieu déchirant à la vie se déploie dans un passage bouleversant, grave et passionné avant de s’apaiser dans les sonorités tendres et retourner dans le silence solennel, immobile et grave qui accompagne une âme qui s’en va.

Visuel : ©HS

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Hannah Starman

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