Classique

Une Septième foisonnante et maîtrisée

21 October 2019 | PAR Gilles Charlassier

L’Orchestre national de Lille poursuit son cycle Mahler avec une Septième Symphonie dans laquelle Alexandre Bloch relève avec enthousiasme les gageures d’une partition complexe.

[rating=5]

Initiée au début de l’année, l’intégrale des Symphonies de Mahler de l’Orchestre national de Lille, sous la baguette de son directeur musical, Alexandre Bloch, se poursuit, avec, après la Sixième en ouverture de saison, la Septième, en mi mineur, sous-titrée « Chant de la nuit », l’une des moins souvent jouées du compositeur autrichien. Comme un contre-pied à la réputation de moindre accessibilité que l’on associe à l’opus, le chef français a choisi de programmer pas moins de quatre soirées – la « tournée » la plus longue du cycle – dont deux en Belgique voisine. La première, dans l’Auditorium du Nouveau Siècle où la phalange est en résidence, témoigne d’un engagement et d’une maîtrise exemplaires, où la fougue juvénile se conjugue à un bel instinct de la construction formelle et dramatique.

Introduit par un Adagio, noté Langsam (Lent), l’Allegro risoluto, ma non troppo augural fait résonner ses harmonies étranges et sinueuses, avec un soin aux alchimies instrumentales, en particulier des vents. La tension expressive condensée par ces camaïeux de couleurs s’affirme, avec autant d’intelligence que d’efficacité, comme un ressac en contraste avec la marche implacable du mouvement, portée entre autres par la carrure des cordes. La première des Nachtmusik (Musique de nuit), Allegro moderato, développe des demi-teintes fantomatiques qui se souvient des échos de marche militaire entendus dans la Première Symphonie: l’immersion d’Alexandre Bloch dans la cohérence du corpus de Mahler se reconnaît aussi à l’esquisse d’une continuité dans l’aventure dans laquelle il embarque des musiciens de l’ONL. Le tempo de valse du Scherzo, Schattenhaft (Fantomatique) et son Trio, peuplé de spectres inquiétants, emporte l’ensemble de l’évocation dans un tourbillon alerte, avant les délicates touches de la seconde Nachtmusik, Andante amoroso, où les arpèges de la mandoline, sur un tapis de pizzicati, transporte dans une rêverie que l’on peut imaginer vénitienne et qui n’oublie jamais la versatilité des affects. L’éclairage attentif des différents pupitres restitue remarquablement l’ondoyante écriture mahlérienne.

Véritable gageure qui condense peut-être toutes les ambivalences de la partition, le Rondo-Finale, Allegro ordinario, résume sans doute toute l’approche du chef français. La fluidité énergique de sa direction réussit à ne pas sacrifier sur l’autel de l’irrésistible vitalité du geste musical la caractérisation des transformations du motif générateur, enchaînées sans effacer entièrement la sensation de rupture entre chacune des variations, comme un léger « coup de glotte » qui donne tout son relief au kaléidoscope du mouvement. La virtuosité de la coda n’hésite pas à rendre perceptibles certains risques, ça et là dans la masse des tutti, sans remettre en cause l’émotion singulière d’un étourdissant patchwork à la construction irrécusable. A l’évidence, les difficultés de cette Septième ont stimulé Alexandre Bloch et ses musiciens !

Gilles Charlassier

Symphonie n°7, Mahler, Orchestre national de Lille, Nouveau Siècle, Lille, direction musicale : Alexandre Bloch, Auditorium Nouveau Siècle, Lille 18 octobre 2019

©

« Jouir, En quête de l’orgasme féminin » de Sarah Barmak
The Bassarids à Berlin : ivresse orchestrale, éblouissement et barbarie
Gilles Charlassier

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration