La Salle Gaveau envoûtée par le tango de Piazzolla et la dramaturgie de Beethoven
Mardi 13 février, l’Orchestre national d’Ile-de-France a captivé son auditoire avec un programme entre l’Argentine du XXe siècle et l’Allemagne du XIXe siècle.
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L’impatience croissait à mesure que la date approchait. Stravinsky-Piazzolla-Beethoven : le menu du mardi 13 février à la Salle Gaveau, à Paris, avait de quoi faire saliver les amateurs d’éclectisme musical. C’est pourtant avec un soupçon de déception que l’on a accueilli dans le programme final l’ouverture des Noces de Figaro en lieu et place du Dumbarton Oaks Concerto (1938) d’Igor Stravinsky, initialement annoncé sur le site du lieu. Qu’importe : la joie éclatante de l’introduction à l’adaptation opératique de la suite du Barbier de Séville a constitué une entrée en matière des plus réjouissantes. Tout en crescendos brillamment réalisés, la pièce s’est trouvée exécutée à merveille par l’Orchestre national d’Ile-de-France.
C’est du Concerto Aconcagua (1979) de l’Argentin Astor Piazzolla qu’on attendait beaucoup. Point culminant de l’Argentine et des Andes, l’Aconcagua est aussi un des monuments du bandonéon, l’instrument fétiche du compositeur. Dommage que l’orchestration, du fait d’attaques trop puissantes, ait quelque peu étouffé la beauté du petit frère du concertina allemand au début du premier mouvement. Heureusement, les musiciens, dirigés par l’Autrichien Christian Arming, qui portait un élégant costume queue-de-pie, ont vite rééquilibré leur jeu et accompagné le bandonéoniste norvégien Per Arne Glorvingen aux sommets du tango.
Aidé de sublimes cascades de cordes, notamment dans le deuxième mouvement, cet interprète passionné et vibrant a admirablement honoré la dramaturgie de la partition piazzollesque, qui dit tant du Buenos Aires de la deuxième moitié du XXe siècle. Son tumulte, sa fureur, sa fougue, sa vie… Abandonnant progressivement les mimiques qu’on pouvait observer sur son visage lors du premier mouvement, le Scandinave a fusionné avec son instrument pour le plus grand bonheur du public de la Salle Gaveau. Deux bis, une improvisation autour du premier mouvement de la Suite pour violoncelle de Bach et un tango peu connu du début du XXe siècle, ont remporté tous les suffrages.
Des airs de “Pastorale”
Après un entracte idéal pour se remettre de ses émotions, place à la Symphonie n°7 (1811-1812) de Ludwig van Beethoven. Une oeuvre archiclassique que le compositeur considérait comme « l’une des plus heureuses des productions de ses faibles forces ». Après les belles attaques du premier mouvement, subtiles et marquées à la fois, la direction de Christian Arming a fait des miracles. Grâce à un tempo plus soutenu qu’à l’accoutumée, on a totalement redécouvert le deuxième mouvement, un des airs les plus connus de la musique classique. Il y a quelque chose d’édifiant et d’irrésistible dans ce sombre Allegretto, où chaque groupe d’instruments apporte sa pierre à l’édifice dramaturgique.
Le troisième mouvement, au contraire, déploie une tonalité guillerette et sautillante, au point que le chef Christian Arming semblait hilare au cours de son exécution. En plus de contenir des accents et des lignes mélodiques proches de la Symphonie n°6, plus connue sous le nom de Pastorale, ce Presto comme le final ne sont pas sans rappeler… l’ouverture des Noces de Figaro. C’est un talent de jouer, c’en est un autre de construire un programme. Associés, les deux peuvent donner lieu à des moments de magie musicale, comme cela a été le cas mardi 13 février.
Pour ceux qui n’ont pas eu la chance d’assister à ce moment, les 3 Pierrots, le cinéma-théâtre de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine), accueille l’Orchestre national d’Ile-de-France jeudi 15 février pour le même programme Piazzolla-Beethoven. Renseignements sur le site des 3 Pierrots.
Crédit photo : Alexis Duval