Maxim Emelyanychev possédé par la fougue de Prokofiev lors des Franco-Russes
C’est à Toulouse que se tient l’édition 2021 de ce croisement culturel entre France et Russie. La toile de fond étant la musique savante partagée depuis longtemps par les deux nations. Le compositeur Sergueï Prokofiev (1891-1953) est à l’honneur lors de ce festival dirigé par Tugan Sokhiev.
Maxim Emelyanychev dirige ce vendredi 19 mars le violoniste Aylen Pritchin, et l’Orchestre national du Capitole de Toulouse pour une représentation à retrouver en ligne et sur France Musique en différé le 12 avril prochain à 20H. Les compositions de Prokofiev sont suivies d’une création de Benjamin Attahir et de l’ouverture de Roméo et Juliette de Tchaïkovski.
Un compositeur particulier
Sergueï Prokofiev est un compositeur précoce et très confiant. Convaincu de son talent il n’hésite pas à prouver sa supériorité avec des créations musicales contemporaines, parfois avant-gardistes. Il fallait bien un chef d’orchestre de talent pour mener la Symphonie n°1 et le Concerto pour violon n°2 du musicien russe. Maxim Emelyanychev saisit et retransmet le style quasi-titanesque de Prokofiev. Le compositeur pousse l’excentricité romantique dans de nouveaux retranchements, qu’importe si les notes sont “fausses”. On voit parfois le soviétique comme on voyait Berlioz un siècle plus tôt. Maxim Emelyanychev, 33 ans, impressionne par la fougue maitrisée dont il fait preuve. La manière dont il guide les musiciens est grandiose, sous un premier abord qui apparaît comme déstructurée. Mais c’est évidemment avec une précision chirurgicale qu’il s’exécute. La puissance des compositions jaillit au fur à mesure que la Symphonie se déroule.
La transcendance par les décibels
C’est en particulier lors du Concerto pour violon n°2 que l’intensité et la puissance de la musique de Prokofiev sont sublimées. Aylen Pritchin, violoniste principal, impressionne lors de solos et de questions/réponses avec les autres musiciens. Toujours porté par la fantastique interprétation de Maxim Emelyanychev, l’Orchestre du Capitole forme un formidable soutient au violon. Les œuvres bruitistes du compositeur soviétique n’ont jamais revêtu une si belle forme. C’est bien cette brillante œuvre de près de 30 min qu’il ne faut surtout pas manquer,
C’est ensuite une création contemporaine qui est jouée. Benjamin Attahir a composé 117:2C et présente son œuvre comme un poème. La courte pièce (moins de 8 min) s’intensifie progressivement jusqu’à une redescente dans les dernières mesures. La transition est idéale pour ensuite interpréter l’ouverture de Roméo et Juliette de Piotr Illich Tchaïkovski. L’œuvre romantique exacerbe les sentiments et ressentiments du mythique texte de Shakespeare. Elle se fond parfaitement avec les précédentes compositions toutes aussi grandiloquentes et fougueuses.
Avec l’aide de l’Orchestre national du Capitole, Maxim Emelyanychev dompte avec brio l’œuvre de Sergueï Prokofiev. Pour cela il lâche prise et se donne entier à la musique. De la même manière, l’expression artistique permettait à Prokofiev de s’affranchir des dures entraves staliniennes qu’il n’a pu toujours fuir. Il est bien de rappeler comment l’art brise les murs dans une période où il est raisonnable et parfois obligatoire de rester seul entre quatre.
Ce concert sera diffusé sur France Musique le lundi 12 avril à 20h. Comme tout le programme de la 3ème édition de Franco-Russes, il est à retrouver sur les réseaux sociaux du festival.
Visuels : ©Patrice Nin