Classique
Malher, Viotti et le Philharmonique de Munich : la « Tragique » à la Philharmonie

Malher, Viotti et le Philharmonique de Munich : la « Tragique » à la Philharmonie

01 March 2023 | PAR Pascal Gauzes

Ce lundi 27 février, la salle Pierre Boulez de la Philharmonie s’est concentrée sur une version très attendue de la 6ème symphonie de Gustav Mahler par l’Orchestre Philharmonique de Munich. 1h30 de grande musique par un grand orchestre dirigé par le très attendu jeune prodige de la baguette : le chef d’orchestre suisse Lorenzo Viotti – chef d’orchestre désigné de l’Orchestre Philharmonique des Pays-Bas. Il assurait ce concert en remplacement Valery Gergiev, proche de Poutine et remercié par le Philharmonique de Munich le 1er mars 2022 pour ne pas condamné l’invasion ukrainienne. 

L’élégance est au rendez-vous de cette soirée, où les musiciens, comme une grande partie du public, respectent le costume. Quant à Viotti, c’est tout simplement comme un mannequin qu’il rejoint son pupitre, souliers parfaitement vernis, silhouette de jaguar et queue-de-pie noir très, un peu trop, ajusté. Fidèle à sa réputation de grand communiquant (nous vous encourageons pour de très nombreuses raisons à le suivre sur Instagram), Lorenzo Viotti nous prépare tous, avec élégance et brio, à l’heure et demie de musique qui va suivre. 

La sixième symphonie de Mahler est sa plus difficile, celle qui a peut-être eu le moins de succès, aux yeux de la critique, lorsqu’il etait à la tête du Philharmonique de Vienne. Elle a été écrite la même année que les Kindertotenlieder, avec le même sceau du destin tragique, et alors même que la vie de Mahler culminait : la plus grande charge en musique avec les honneurs, une productivité et une créativité folles, une jeune femme amoureuse, Alma et deux enfants en pleine santé. Le maître a eu beau réduire par superstition les trois coups de marteau du mouvement final pour les réduire à deux, il sera trois fois frappé par le destin dans les mois qui suivent : sa santé d’abord : une maladie cardiaque incurable, la démission forcée de son poste ensuite et enfin par la mort de sa fille de 4 ans Maria.

Lorenzo Viotti nous promet une « Tragique » sombre, avec une marche menaçante empreinte de codes militaires, en regard un deuxième mouvement ricanant, un troisième qui, pour lui, est le plus beau et déchirant des mouvements lents de Mahler et un final terrible et éprouvant de trente minutes, qualifié de quasi schizophrène

Puis place à la musique, rien que la musique – en effet, avec la 6ème Malher supprime toutes les voix -. Dès l’allegro, le son est clair, maîtrisé, parfois même « distingué » avec un duel violon/cor. Et les cloches nous promènent dans une campagne agréablement touffue. C’est romantique, plein de matière mais ce n’est pas tragique et il y a comme quelque chose de retenu. Et plus, Lorenzo Viotti s’active et danse et moins il semble faire corps avec l’orchestre.

Le deuxième mouvement est andante, parfois ricanant, notamment dans les pizzicati de cordes, mais jamais « pesant » ou effrayant comme on nous l’annonçait, le final est même d’une rare délicatesse, parfaitement romantique.

Le troisième mouvement est sans conteste celui où l’orchestre a le plus de plaisir à jouer et nous le partage. La mélancolie est là, toute douce et il manque tout de même cet arrachement du cœur et de l’âme que le chef nous avait promis.

L’enchaînement est rapide, toujours, vers le majestueux dernier mouvement. Les violoncelles marquent le pas de ce qui est en train de se précipiter, mais – sauf le fameux marteau – les percussions s’entendent peu et après la beauté aérienne de l’étape précédente, on perd en solennité. Quelque chose reste suspendu en bord de scène et l’émotion un peu assourdie malgré la beauté des harpes et la richesse vibrante des dialogues entre les pupitres. 

Le final se prolonge néanmoins, dans un silence équivoque, où les applaudissements fusent pour remercier face au monument qui vient d’être joué. On sort de la Philharmonie avec à la fois la certitude d’avoir assisté à une belle exécution et un pincement au cœur de n’avoir pas été plus bouleversé par une symphonie que son compositeur dirigeait – paraît-il- en tremblant d’émotion, et qui semblait plus ici marquée par une lutte en un chef et un orchestre dont il ne dirige pas au quotidien.

 

Photos : (c) Charles d’Hérouville

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Pascal Gauzes
Pascal Gauzes est ingénieur agronome et diplômé de SciencesPo Paris, après avoir commencé sa carrière en marketing, il s'est orienté vers le monde de l'art et de la culture en dirigeant une galerie pour artistes émergents et en tant que directeur communication d'un musée parisien. Il collabore avec Toute La Culture depuis presque 10 ans.

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