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Long live the King’s ! A la salle Gaveau, la nouvelle jeunesse des King’s Singers

Long live the King’s ! A la salle Gaveau, la nouvelle jeunesse des King’s Singers

21 March 2019 | PAR Denis Peyrat

Le mercredi 13 mars, les King’s Singers étaient de retour à la Salle Gaveau avec une formation rajeunie de deux nouveaux membres. Le programme était en partie consacré à un voyage de Moscou à Londres à travers cinq siècles de répertoire a cappella. L’ensemble anglais, qui a fêté en 2018 ses cinquante ans d’existence (un “Gold Anniversary” célébré par un coffret de CD et un album commémoratif), a encore une fois enchanté le public parisien. 

Dépositaires d’un certaine tradition du chant choral masculin britannique, (à l’origine issu du King’s College de Cambridge), les King’s Singers sont un des plus brillants ensembles a capella mondiaux. Depuis 1968, ces six chanteurs (2 contre-ténors, 1 ténor, 2 barytons et 1 basse) déploient un répertoire extrêmement varié de styles et d’époques. Celui-ci s’étend du plus pur style renaissance jusqu’à la création contemporaine (l’ensemble est régulièrement commanditaire de nouvelles pièces), en passant par des adaptations de répertoires populaires traditionnels ou de chansons contemporaines (des Beatles à Angélique Kidjo).

Le programme présenté pour leur passage annuel à Paris dans la programmation exigeante de Philippe Maillard ne faisait pas exception. Il s’articulait en deux parties : la première consacrée à un voyage musical à travers l’Europe, la seconde plus largement centrée sur la musique populaire des 20éme et 21ème siécles avec un certain nombre de “Encores” (la version anglaise des bis) qui ravissent un public constitué pour une grande part de fidèles  

Moscou-Londres : un périple de cinq siècles !

Le concert débutait par la création française d’une commande passée à Alexander Levine, compositeur né en 1955 qui porte lui-même les deux nationalités russe et anglaise. L’oeuvre “I am alone on the road” tirée d’un poème de Lermontov restitue bien la mélancolie de l’âme russe et met magnifiquement en valeur les qualités d’homogénéité vocale du groupe. Après une étape à St Petersbourg, la traversée de la Finlande et de l’Estonie donnaient l’occasion aux chanteurs de mettre en valeur leur parfaite maîtrise des langues.  En témoignent le magnifique cycle Rakastava de Sibélius et l’étonnante Ratas (à écouter ici), la roue de la vie du contemporain Veljo Tormis qui mêle ostinato des voix et claquement de mains, et dont la thématique n’est pas sans rappeler Carmina Burana.

La Pologne du 16ème siècle précédait ensuite la Hongrie de 1940 avec Zoltan Kodaly, dont le célébre Esti dal (chant du soir) permet aux King’s Singers de faire démonstration de délicatesse en déployant des nuances pianissimo incroyables et jamais détimbrées.

La république tchèque du contemporain Tucapsky vaut par l’humour très noir et caustique du poème Slough, qui souhaite l’anéantissement de cette ville industrielle de la grande banlieue londonienne sans âme. Puis les King’s Singers célèbrent le Berlin d’avant-guerre à travers Eins, Zwei, Drei und Vier, un des grands succès des Comedian Harmonists, illustres prédécesseurs qui firent connaitre le style du “Close harmony” en chantant l’insouciance de cette période heureuse.

Dans l’étape suivante de Hambourg à Paris, les compositions les plus classiques de Brahms (Abendständchen) puis Poulenc (Quatre petites prières de Saint François d’Assise pour quatre voix d’hommes) sont celles qui laissent le plus sur sa faim. Tout d’abord parce que ces œuvres sont avant tout conçues pour être chantées par des chœurs. Leur interprétation à un par voix, privant les chanteurs de relais de respiration, les obligent à de plus fréquents arrêts qui nuisent à la ligne vocale. En deuxième lieu, car ces œuvres mettent en évidence une intonation moins stable, notamment de la part des contre-ténors. Cette légère faiblesse est sans doute à mettre sur le compte d’une sonorité de groupe encore en rodage, suite à l’arrivée depuis janvier 2019 de deux nouveaux membres dans la formation. David Hurley, qui avait été premier contre-ténor de 1990 à 2016, n’a semble-t-il pas encore trouvé de remplaçant à la mesure de son immense souplesse vocale, qui a longtemps façonné la sonorité de l’ensemble.  

Stop ou encores ? 

Après l’entracte les King’s Singers restaient sur un répertoire anglo-saxon : classique tout d’abord, de la renaissance de William Byrd à la période contemporaine avec Richard Rodney Bennett. Puis, avec un répertoire de chansons pop ou rock harmonisées le groupe faisait la démonstration de sa versatilité et de la qualité de ses arrangements, de Paul Rodgers à Paul Simon, en passant par les incontournables Beatles avec leur toujours très attendue version de Yesterday, réclamée dans le monde entier. Plus surprenant pour un public francophone, les “encores” démarraient avec un très jazzy Beyond the sea, qui n’est autre que l’adaptation anglaise de La mer de Charles Trénet (à découvrir ici). Puis pour répondre aux acclamations du public, le sextuor abordait un superbe Gerschwin (I can’t sit down) et le spiritual Down to the river to pray. Enfin ils concluaient avec un très émouvant And so it goes de Billy Joël.

Avec une équipe rajeunie et grandement renouvelée (le plus ancien membre, la géniale basse Jonathan Howard n’a rejoint le groupe qu’en 2010), nul doute que les King’s Singers sont repartis pour un nouveau demi-siècle de célébration de toute la diversité de la musique vocale a capella, alors proclamons : “Long live the King’s !”

Crédits photo : Les King’s Singers 2019 © Rebecca Reid / Concert Gaveau © Denis Peyrat 

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Denis Peyrat
Ingénieur exerçant dans le domaine de l'énergie, Denis est passionné d'opéra et fréquente les salles de concert depuis le collège. Dès l'âge de 11 ans il pratique également le chant dans diverses formations chorales, en autodidacte mais avec une expérience qui lui permet à présent de faire partie d'un grand chœur symphonique parisien. Il écrit sur l'opéra et la musique classique principalement. Instagram @denis_p_paris Twitter @PeyratDenis

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