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[Live Report]: Gala Monteverdi au Théâtre des Champs Elysées : concerto doloroso e rigolo

[Live Report]: Gala Monteverdi au Théâtre des Champs Elysées : concerto doloroso e rigolo

15 February 2014 | PAR La Rédaction

Mardi et jeudi derniers, Emmanuelle Haïm et son Concert d’Astrée s’entouraient d’une prestigieuse bande de chanteurs pour un Gala Monteverdi au Théâtre des Champs Elysées.

[rating=5]

Il y a des soirs où un mur infranchissable semble séparer la scène du parterre de la salle. D’un côté, des musiciens unis autour d’un même compositeur en un joyeux esprit de troupe, menés par une Emmanuelle Haïm possédée par la musique de Monteverdi. De l’autre, des critiques grincheux qui préfèrent se souvenir à haute voix d’une représentation datant de 1977 (« oh bah oui, c’était quand même mieux avant ») que se laisser gagner par l’enthousiasme. Voyons, à trop applaudir, on perdrait en sérieux et crédibilité.

La tête de turc de ces navrés navrants : le ténor Rolando Villazon. Le pauvre n’a rien compris à la musique baroque. Et cette popularité, c’est quand même un peu suspect. Il est vrai que Villazon reste marqué des rôles d’Alfredo, Werther  ou Hoffman, qu’il a par ailleurs magnifiquement chantés, bien loin de la douleur retenue de Monteverdi. A l’écouter en duo avec le ténor Topi Lehtipuu dans le madrigal Interrote speranze, la différence saute aux yeux. L’un maîtrise les ornements baroques savamment dosés pour mettre en valeur le texte : les affetti (affects) chers à Monteverdi passent tout entiers dans la voix. Villazon, lui, chante avec le corps. Ses mains portent le phrasé, se balancent au rythme d’un « si beau tourment », quand sa voix ne vibre qu’avec parcimonie. L’effort d’adaptation est évident et plutôt réussi, dans la tension entre emphase et pudeur.

Ses partenaires ne déchaînent peut-être pas tant de passions, mais méritent tout autant l’attention. Les sopranos Lenneke Ruiten et Katherine Watson composent un duo ravissant dans la canzonetta Chiome d’oro  ou le madrigal O comme sei gentile. La mezzo-soprano Magdalena Kozena a l’air plus en colère qu’éplorée dans son Lamento de la nymphe. Mais les brumes de sa voix montrent une profonde compréhension des déchirements qui suffoquent ses personnages, de l’impératrice Octavie à la Messagère venue porter à Orphée l’affreuse nouvelle de la mort d’Eurydice. Cet extrait du deuxième acte de l’Orfeo reste le plus beau et émouvant moment du concert. Dans la rangée des critiques, ont reconnaît presque que l’Orphée de Villazon formule de poignants adieux à la terre, au ciel et au soleil.

La musique de Monteverdi ne manque cependant pas de légèreté et d’humour, comme l’atteste le trio tordant de Pascal Bertin, Emiliano Gonzales Toro et Nahuel di Pierro. Le madrigal Gira il nemico insidioso Amore est l’occasion de s’empoigner par la cravate, s’apostropher, s’invectiver en une gestuelle de “cartoon”. Quant à l’air Eri già tutta mia, Villazon l’achève sur un désinvolte bruit de trompette : hop là, terminée la ritournelle de l’amoureux déçu !

Face à ce casting sans faute, le Concert d’Astrée se fait accompagnateur intelligent et discret, avec au premier chef Emmanuelle Haïm qui dirige depuis le clavecin et l’orgue. Sa gestuelle semble davantage destinée aux chanteurs qu’aux musiciens, indiquant phrasés et directions bien plus que la mesure. L’orchestre ne s’en porte peut-être pas plus mal.

La soirée s’achève sur deux bis, mi parodiques mi sérieux. On se défoule, la salle rit, ça fait du bien. Comme il se doit, le rang des critiques s’est vidé aux premiers applaudissements. Ouf !

Victorine De Oliveira

Visuel: © site théâtre des Champs-Elysées – © Camera Lucida

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