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Le Festival Présences 2023:  Une soirée mémorable.

Le Festival Présences 2023: Une soirée mémorable.

13 February 2023 | PAR Jean-Marie Chamouard

 

Le festival «Présences 2023» est accueilli le 10 février 2023 par la Philharmonie de Paris. L’orchestre philharmonique et le chœur de Radio France sont dirigés par Kent Nagano. Ils interprètent des œuvres de J.S. Bach, le concerto pour violon N°2 d’Unsuk Chin et le Requiem Aeternam, Monumenta II, une création de Yann Robin.

Un festival dédié à la création musicale

 

« Présences » est le festival de Radio France consacré depuis 33 ans à la création musicale contemporaine. Trente compositeurs vont se croiser lors d’une dizaine de concerts entre le 7 et le 12 février 2023. Cette année, le festival honore la compositrice coréenne et allemande Unsuk Chin. Née à Séoul le 14 07 1961, elle est, très jeune enfant, fascinée par la musique. Renonçant à une carrière de pianiste, elle décide à 12 ans de devenir compositrice. Formée à Hambourg par Györgi Ligeti, elle vit à Berlin depuis 1988. Son concerto pour violon N°2 naîtra d’une rencontre avec le violoniste grec Leonidas Kavakos, un des violonistes solistes les plus recherchés au niveau international.

Ce soir, le public de la Philharmonie pourra assister à deux créations de compositeurs français. Le compositeur et organiste Thomas Lacôte a écrit, à la demande de Radio France, une nouvelle orchestration du «Ricarcere à 6» de J.S. Bach.

Pour Yann Robin,« L’orchestre peut être perçu comme un monument en soi ». Son Requiem Aeternam, que nous découvrons ce soir, en création mondiale, fait partie du diptyque Monumenta. Cette création a été soutenue par Radio France, la Sacem et le ministère de la Culture.  Au chef américain d’origine japonaise Kent Nagano revient la tâche ardue de diriger, pour ses œuvres complexes, l’orchestre philharmonique et le chœur de Radio France.

 

Un concerto, reflet de l’âme humaine

 

Et J. S. Bach improvisa, à la cour, sur un thème musical écrit par le roi de Prusse. Ainsi naquit l’Offrande musicale, une œuvre instrumentale majeure dont fait partie le «Ricarcere à 6», c’est-à-dire à 6 voix, mais dont le compositeur ne précisa pas l’instrumentalisation. Dans l’orchestration de Thomas  Lacôte les cordes débutent seules puis sont relayées par les cors et les trompettes, imitant le souffle de l’orgue. Une musique harmonieuse, paisible, une orchestration respectueuse, réussie.

 

Quelques notes, simples, répétitives, émergent du néant, comme de la surface d’une eau calme, irisée. Le concerto pour violon N°2 d’Unsuk Chin est intitulé  «Scherben der Stille», éclats du silence. Ce concerto en un seul mouvement débute par un long solo de violon, que l’orchestre rejoint imperceptiblement. Des bruits d’eau apparaissent. Les éclats surgissent brutalement, les cordes grincent, les percussions deviennent violentes, la musique tourmentée. Puis la mélodie se fait douce, le chant du violon très pur. Virtuosité et sensibilité : le talent de Léonidas Kavakos s’exprime tout au long du concerto. Une spirale ascendante conduit au coup de tonnerre final. Unsuk Chin nous a offert une œuvre inventive, surprenante. Le concerto pourrait être le miroir des forces contraires de l’âme humaine. La tranquillité, la quête de l’harmonie sont aux prises avec les éclats tourmentés venus des profondeurs. 

 

«Das Gerechte kömmt um», « Le juste périt », est un motet de Johann Kuhnau, son prédécesseur à l’église St Thomas de Leipzig, arrangé par J.S. Bach. Ce chant funèbre est empreint de ferveur religieuse et de sérénité. Un moment de pur bonheur pour l’auditeur.

 

Une œuvre monumentale

 

Bienvenu dans un autre monde?! Pour le Requiem Aeternam, l’orchestre reçoit les renforts de deux pianos, d’un orgue, du chœur et de l’ensemble vocal de Radio Franche, 150 interprètes au total! Re…Re…Quie… Requiem, les syllabes sont scandées puis chantées par des voix masculines haletantes. Les mains frappées sur les violoncelles donnent le rythme, bientôt rejointes par les percussions et les pianos. L’œuvre est aussi un concerto pour deux pianos. La musique est très influencée par le jazz. Les pianistes Jean-Frédéric Neuburger et Wilhem Latchoumia déploient toute leur énergie, toute leur virtuosité.  Les voix de femmes chantent le Kyrie, d’abord dissonantes, un peu disjointes, elles se mêlent harmonieusement aux pianos. Le calme n’est pas durable, cloches et tambours sonnent le glas. Le Dies Irae est un déchaînement de violence. La musique devient apocalyptique, le monde paraît détruit, disloqué. Le souffle de l’orgue semble venir d’outre tombe. Tout comme le solo de la basse, lors du Rex Trémandae, un solo poignant accompagné par des roulements de tambour lointains. Claquements de mains, frottements sur le clavier des pianos, les chanteurs se frappent la poitrine tels des pénitents : c’est le Confutatis. Renforcé par les percussions, le rythme devient vraiment envoûtant. Le requiem se termine par « Lux Aeternam» Les femmes chantent a capella, les hommes psalmodient, la musique est enfin paisible. Puis le tocsin sonne. Toujours plus vite, toujours plus fort, c’est la montée en puissance jusqu’à l’apothéose finale.

Ce fut un concert mémorable. Le public aura découvert la subtilité de la musique d’Unsuk Chin et aura assisté à deux créations mondiales. Le Requiem de Yann Robin est tout à la fois une musique sacrée, un concerto pour pianos, un spectacle sonore inoubliable. Une œuvre majeure par son inventivité, sa complexité, son expressivité. Une œuvre inouïe effectivement.

Visuel : JMC

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Jean-Marie Chamouard

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