Classique
Le chef Manfred Honeck et le pianiste Igor Levit, invités de la Philharmonie de Paris

Le chef Manfred Honeck et le pianiste Igor Levit, invités de la Philharmonie de Paris

23 May 2022 | PAR Jean-Marie Chamouard

 

Le 18 et 19 Mai 2022, à la Philharmonie, l’Orchestre de Paris interprète sous la direction de Manfred Honeck La Valse de Maurice Ravel, le Concerto en fa de George Gershwin, avec Igor Levit au piano et le Concerto pour orchestre de Béla Bartok. Cinq musiciens Ukrainiens ont rejoint l’orchestre à la demande Manfred Honeck.

Ravel, Gershwin, Bartok : ce concert est dédié à la musique du 20ème siècle, les années 20 pour les deux premiers, 1943-44 pour le troisième. L’orchestre de Paris est l’orchestre résident de la Philharmonie depuis 2015. Il est dirigé ce soir par le chef Autrichien Manfred Honeck (né le 19 09 1058 dans le Voralberg). Violoniste de formation, assistant de Claudio Abbado, il débute sa carrière de chef d’orchestre en 1991. Il est directeur musical de l’orchestre symphonique de Pittsburgh depuis 14 ans. Le pianiste Igor Levit est né à Gorki le 10 Mars 1987. Sa famille émigra à Hambourg en 1995, il a étudié au Mozarteum de Salzbourg puis à Hanovre. Il vit actuellement à Berlin.

Une étrange valse :

« Des nuées tourbillonnantes laissent, entrevoir par éclaircies, des couples de valseurs ». Ravel voulait rendre honorer la valse et Johann Strauss à travers une composition pour le ballet russe « l’Apothéose de la valse ». Lorsqu’il reprend sa composition en 1919 après les destructions de la première guerre mondiale, Ravel change radicalement son projet. L’image d’un monde décadent, menacé par la barbarie se superpose, dans son esprit, au romantisme et au faste viennois. La valse débute mystérieusement, la musique semble venue d’ailleurs, comme d’un endroit qui n’existe plus. Les premiers rythmes de valse sont seulement ébauchés. Puis les valses sont là joyeuses, rassurantes, mais bientôt interrompues par des coups de timbales et par une musique plus chaotique, plus tourmentée. La montée en puissance de l’orchestre, conduit à un tourbillon violent, spectaculaire, comme si les rugissements de la guerre avaient détruit « le monde d’avant », celui des valses viennoises. Une œuvre impressionnante par son expressivité, par la richesse de l’orchestration. Le chef Manfred Honeck y déploie tout son talent et une belle énergie.

Un séduisant concerto :

Le concerto en fa de George Gershwin a été composé en 1925, un an après la Rhabsody in Blue. Sa création, avec le compositeur au piano, fut un grand succès. Les critiques étaient désorientés hésitant entre une œuvre classique ou une œuvre de Jazz. Le concerto intègre les deux genres, ce qui le rend si séduisant, si captivant. Les timbales ouvrent le premier mouvement. La musique est lyrique, post –romantique, en particulier lors des duos du piano, avec le hautbois puis les cordes. Le jeu d’Igor Levit allie virtuosité et sensibilité, force et douceur. Le rythme envoûtant évoque le Charleston, le spectateur pourrait imaginer un piano bar New yorkais. L’adagio débute par un solo de trompettes relayé par les hautbois, c’est un chant triste et doux inspiré du blues. Une grande douceur qui se poursuit dans la cadence du piano et dans son dialogue avec l’orchestre avant de retourner à une ambiance de Jazz. L’allégro final est rapide, énergique, très rythmé. C’est la fête ! Les accords puissants et les roulements de tambour conduisent à une coda exubérante et majestueuse. Superbe concerto qui illustre l’union parfaite du swing et de la mélodie, cette alliance si caractéristique de la musique de Gershwin, la rendant si captivante.

Un concerto atypique :

En 1943 Bela Bartok est exilé aux USA, malade, assailli de difficultés financières. La commande du concerto par le Chef Serge Koussevitsky est une chance pour lui. Bartok le composa en quelques semaines. Sa création le 1 décembre 1944 au Symphony Hall de Boston sera un succès. Il s’agit d’un concerto pour orchestre en cinq mouvements, une œuvre atypique, car chaque instrument joue successivement le rôle de soliste. Les violoncelles et contre basses introduisent le thème du premier mouvement. Une musique douce et nostalgique, un thème très mélodieux. L’allégretto scherzando est une « badinerie » joyeuse. On pourrait évoquer une fête de village, une réminiscence du folklore de la Hongrie qui manquait tant à Bartok. Le mouvement central « Elégia » est un chant plaintif, lugubre parfois, mélancolique souvent. L’ambiance est recueillie mais parfois aussi chaotique et tourmentée. L’énergie, la joie, reviennent avec l’intermezzo interotto. C’est un mouvement contrasté, les accents vigoureux tels ceux d’une fanfare pouvant succéder au chant d’amour des violons et des flûtes. « Le final court à la coda, une coda vertigineuse ». Il débute par l’impressionnant tourbillon des cordes pincées. Une énergie débridée, une vélocité frappante, portées par les cordes renforcées par l’arrivée des trompettes. Puis tout s’arrête pour laisser la place à un bref solo des deux harpes avant l’accélération finale. Une fin triomphante.
Le concert de nous a offert trois œuvres remarquables par la richesse de leur orchestration. Trois œuvres du 20ème siècle presque contemporaines mais exprimant des contextes bien différents : l’Europe meurtri par la Grande guerre pour Ravel, l’enthousiasme de l’Amérique des années 20 pour Gershwin, la douleur de l’Exil pour Bartok.

Visuel : ©JMC

Alexandra Marcellier : « Renée Fleming m’a sauvé la vie ».
Indochine 40 ans au Stade de France : un show retro futuriste explosif et féérique !  
Avatar photo
Jean-Marie Chamouard

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration