Classique
La pianiste Élisabeth Leonskaya est l’invitée  de la Philharmonie de Paris

La pianiste Élisabeth Leonskaya est l’invitée de la Philharmonie de Paris

27 January 2023 | PAR Jean-Marie Chamouard

Le 24 Janvier 2023, à la Philharmonie de Paris, Élisabeth Leonskaya interprète les trois sonates pour piano de Johannes Brahms.

Les œuvres de jeunesse de Brahms

«Il transforme le piano en un orchestre aux voix tour à tour exaltantes et gémissantes», écrivait Robert Schumann après sa rencontre, le 30 septembre 1853, avec le jeune Johannes Brahms ( 1833-1897). Pianiste virtuose, Brahms choisit le piano pour se lancer dans la composition. Il écrit ses trois seules sonates pour piano solo en 1852- 1853, elles seront rapidement publiées grâce au soutien de Robert Schumann. A seulement vingt ans Brahms a déjà trouvé son style. Il fait preuve d’une bonne connaissance de la sonate romantique, il saura s’inspirer de l’esprit du Lied et développer, sous l’influence de J.S. Bach un sens affiné de la polyphonie. Sa musique est déjà riche en émotions, éprise de liberté, pleine de fantaisie.
Née en 1945 à Tbilissi, Géorgie, Élisabeth Leonskaja étudie le piano au conservatoire de Moscou. Elle devient l’élève, puis l’amie, de Sviatoslav Richter. Elle quitte l’Union Soviétique en 1978, s’installe à Vienne, mène une carrière internationale. En 2016 elle sera nommée, «Prêtresse des arts» la distinction suprême pour les artistes en Géorgie.
Elle arrive sur scène simple, naturelle. Par son toucher, par son sens des nuances elle fait chanter la musique de Brahms. Son jeu est à la fois sobre, sans emphase et très expressif, riche de toute une palette d’émotions.

Quand le piano se fait orchestre

De puissants accords inaugurent l’allegro de la sonate N° 1, suivis de mélodieux arpèges. Une douceur romantique s’installe. Provisoirement!Dans ce premier mouvement très contrasté, les moments lyriques apaisés et les accords impétueux, fougueux s’entrechoquent. La puissance est celle d’un orchestre, la virtuosité de la pianiste frappante. L’andante s’inspire du chant traditionnel allemand: «Furtivement, la lune se lève». La main droite débute seule puis accompagnée de légers accords de la main gauche. Le jeu d’Élisabeth Leonskaja est subtil, les nuances parfaites. Les variations sur ce thème font alterner légèreté et gravité, parfois douloureuse. Passée la fougue du scherzo, le trio nous offre une très belle mélodie, typique de Brahms. C’est un élan amoureux qui se termine pianissimo: quelques notes seulement telles des fleurs éparses. Accords complexes, amples déplacements, les difficultés techniques du final sont évidentes. Un emballement spectaculaire, un morceau de bravoure pour la pianiste.

Une avalanche de notes, des accords graves et sombres, puis émerge un chant: le début de l’allegro non troppo de la sonate N°2 est spectaculaire. On imagine un paysage grandiose autour du piano. L’andante est un «Minnelied», un chant d’amour. La musique est très simple , très pure. Le temps paraît suspendu, en écoutant le dialogue apaisé entre les deux mains de la pianiste. Le scherzo est vif entraînant. Le final est d’abord calme, interrogatif, intime . Puis la force se déploie comme des vagues montantes et descendantes . La musique n’est plus qu’un murmure avant les trilles et accords finaux.

Avec la sonate N°3 Élisabeth Léonskaja nous invite à découvrir un monument du romantisme allemand. Une sonate d’écriture moderne exprimant des sentiments extrêmes, une musique d’une grande ampleur émotionnelle. Dans l’allegro maestoso un thème , très simple s’extrait des majestueux accords initiaux. Puis les notes se précipitent avant que ne se développe une magnifique romance. Une romance interrompue par des accords aux accents tragiques, des moments de précipitations comme des accès de colère subite. Le mouvement se termine en une vague puissante comme si nous assistions à une symphonie. L’andante porte en épigraphe les vers de Sternau: «Le soir tombe, la lune brille, deux cœurs que l’amour réunit se tiennent délicieusement enlacés». Un moment de poésie, de grande sérénité . La délicatesse du jeu de la pianiste est émouvante. La mélodie est douce, fluide, pouvant évoquer le clapotis de l’eau au bord d’un lac. La musique est éclatante lors du scherzo, interrompu par un trio solennel presque religieux. Le bref intermezzo est superbe. Une longue descente de la main droite, se superpose à des accords parfois dissonants . Le chant de la main droite est accompagné de notes graves comme des roulements de tambour. Lyrique et majestueux le final se termine dans un déchaînement de force et une frénésie de notes

Unité du programme, justesse de l’interprétation, beauté des sonates de Brahms, cette soirée pourra séduire le public.

Visuel : ©JMC

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Jean-Marie Chamouard

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