Classique
FELICIEN BRUT et l’orchestre de Tours.

FELICIEN BRUT et l’orchestre de Tours.

09 January 2023 | PAR La Rédaction

Nous étions ce samedi 7 janvier au grand théâtre de Tours pour assister à un magnifique concert à la programmation franco-argentine autour de l’accordéon, avec l’un des plus beaux représentants français de l’instrument (ou doit-on dire mondial, tant l’accordéon est inscrit dans notre patrimoine) Félicien Brut, qui juste après la sortie de son album autour des plus belles musiques Musette « J’ai deux amours » était ce soir accompagné par l’orchestre de Tours dirigé par Samuel Jean.

Par Vladimir.

 

L’orchestre de Tours en danger.

En ouverture du concert, ce sont malheureusement deux délégués de l’orchestre qui ont de nouveau sonnés l’alerte : leur orchestre est en grand danger.
Cet orchestre singulier, en CDD, qui lutte pour pouvoir continuer à jouer et à satisfaire les tourangeaux de leur programmation musicale, ne s’en sort plus.
La baisse drastique des budgets en a fait un orchestre en voie de disparition, qui n’a eu que dix jours de travail sur les six derniers mois.
Le magnifique théâtre de Tours est vide, presque toute la saison, faute de manque de représentations, et c’est bien triste tant on a vu ce soir une salle au rendez vous et comblée, avec une programmation des plus originales, ambitieuse, et de grande qualité.

ARGENTINE – FRANCE le retour !

La soirée avait une allure, comme l’a souligné avec humour Félicien Brut, de « revival » France-Argentine, avec un programme autour des deux pays, en deux parties très différentes.
D’abord Astor Piazzolla, qui n’était pas un accordéoniste mais un bandonéoniste, a laissé dans l’histoire de la musique argentine une trace unique. Il fût également lié à la France pour avoir été l’un des plus brillants étudiants de la compositrice Nadia Boulanger, qui lui fit découvrir la musique classique, et l’art de l’orchestration, du contrepoint, de la fugue.
De fugue il est bien question dans la première pièce pour orchestre interprétée ce soir, appelée « Tangazo ».
Une longue et solennelle exposition du thème commence avec les violoncelles et les contrebasses à l’unisson, rejoints ensuite en entrées successives par les altis, puis les violons. La deuxième partie de la pièce fait la part belle aux solos, avec le hautbois de Nicky Hautefeuille et le cor de Jean Michel Tavernier qui ont joué ces solos extrêmement difficiles avec brio. L’orchestre montre dès cette première pièce qu’il est en phase avec les codes « tango » et ses subtils effets rythmiques de « glissandi », « col legno » et autres syncopes.
La baguette du chef Samuel Jean est souple et jamais en force, et on apprécie la délicatesse de cette ouverture.
Le concerto « Aconcagua » qui suivit fût à l’origine écrit pour l’instrument fétiche du compositeur, le bandonéon, mais c’est une toute nouvelle transcription pour accordéon que Félicien Brut nous livra ce soir, uniquement avec les cordes et les percussions de l’orchestre.
L’accordéoniste impose son phrasé délicat et des nuances extrêmement variées qu’il va chercher avec son instrument si chantant. L’orchestre semble s’amuser comme jamais, suivant la moindre de ses inflexions, et c’est une vraie osmose avec le soliste à laquelle nous assistons.
Le deuxième mouvement nous a particulièrement plu, presque en musique de chambre avec ces magnifiques duos avec le violon solo (Audrey Rousseau Corrélas) et le violoncelle solo (Maryse Castello), délicatement accompagnés par la harpe (Louise Olivier).
Le troisième mouvement, furieusement rythmique, vit le retour des percussions menées avec ferveur jusqu’au furieux crescendo en ostinato final par l’un des piliers historiques de l’orchestre, le timbalier Yannick Guillot.

Deux créations en deuxième partie

Félicien Brut introduit la deuxième partie du concert seul avec « j’ai deux amours » tube de la musique populaire française s’il en est, et voulu présenter l’œuvre qu’il allait interpréter ensuite : le concerto pour accordéon et orchestre du compositeur français Fabien Waksman. Il rappela, que les compositeurs de musique classique ne sont pas tous des gens morts (!) et que la création doit continuer à être au cœur de la vie d’un orchestre. Comme nous sommes d’accord.
Le concerto présenté ici était très original, autour des influences du patrimoine égyptien présent à Paris, avec un accordéon concertant.
Le premier mouvement présenta une construction par motifs, dont les couleurs, n’étaient pas sans rappeler Bernard Hermann ou même le temple maudit d’Indiana Jones, avant d’aller sur un deuxième mouvement plus impressionniste et de conclure par un troisième mouvement virtuose et endiablé mené par un Samuel Jean très attentif. Nous assistâmes ce soir plus à une pièce pour orchestre avec accordéon principal qu’un véritable concerto où le soliste, malgré l’amplification, lutte un peu avec une matière sonore extrêmement dense et un tantinet démonstrative. Nous ne boudons cependant pas notre plaisir de découvrir un nouveau compositeur et d’entendre une programmation originale, encore une fois très bien défendue par l’orchestre de Tours.
Félicien Brut le rappelle, de son Auvergne natale, il est d’abord un interprète de Musette, et compte défendre ce patrimoine avec excellence.
Il eut l’idée formidable de confier à un autre compositeur, Thibault Perrine, le soin de faire un arrangement et une compilation originale pour accordéon et orchestre de plusieurs tubes Musette, chers à son cœur.
Cette pièce « Caprice d’accordéoniste » fût une réussite, et les orchestrations de Thibault Perrine sont brillantes, on pense même aux valses nobles et sentimentales de Ravel, avec ses harmonisations audacieuses.

Félicien Brut, qui démontra encore ce soir qu’il est l’un des musiciens français les plus talentueux du moment, conclut cette belle soirée par un bis fortement demandé en revenant à Piazzolla, avec l’incontournable « Oblivion ».

Visuel :Laetitia Larralde

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La Rédaction

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