Classique
Entretien avec Paolo Zanzu

Entretien avec Paolo Zanzu

25 March 2019 | PAR Victoria Okada

Paolo Zanzu est un claveciniste et chef « outsider » qui réserve énormément de surprises. De ses riches expériences dans différents ensembles dirigés par des chefs tels que William Christie, John-Eliot Gardiner, Marc Minkowski ou encore Jérémie Rhorer, pour qui il était souvent chef assistant et chef de chant, il connaît parfaitement les rouages de la production d’opéra. À l’automne dernier, il a fondé son propre ensemble Le Stagioni et prend son envol vers une nouvelle aventure.

© Jean-Louis Fernandez

Pourriez-vous brosser brièvement votre parcours musical ?

Paolo Zanzu : Je viens d’une famille de mélomanes, qui m’a emmené voir des concerts dès mon plus jeune âge. Ainsi, j’ai eu très vite envie de faire de la musique. Pendant mes études de piano et de violon, j’ai découvert le clavecin, vers l’âge de 15 ans. Une fois mes diplômes obtenus en Italie, je suis venu à Paris pour poursuivre mes études. C’est là que j’ai décidé de me dédier à la musique sur instruments d’époque et notamment aux claviers historiques : clavecin, pianoforte, clavicorde.

Pourquoi avez-vous choisi la France ?

Paolo Zanzu : Je venais régulièrement à Paris depuis mon adolescence pour y prendre des cours et faire des concerts. Quand je m’y suis installé je me sentais déjà presque à la maison. J’ai ensuite terminé mes études à la Royal Academy de Londres, avec des professeurs extraordinaires.

Était-ce dans l’optique de devenir musicien professionnel ?

Paolo Zanzu : Oui. Il n’y avait que deux choses que j’avais envie de faire dans ma vie : faire de la musique ou écrire. J’ai opté pour la musique, [petit sourire] sans vraiment tout à fait abandonner l’écriture [rires].

Quels ont été vos débuts en tant que musicien ?

Paolo Zanzu : Cela a démarré très vite, grâce à de belles rencontres, notamment avec William Christie et Jérémie Rhorer. Ainsi, j’ai tout de suite commencé à jouer dans des productions d’opéras, comme chef de chant, chef assistant et continuiste. J’ai également travaillé avec John Eliot Gardiner, Marc Minkowski, Jonathan Cohen. J’ai aussi pu développer une activité de soliste et en musique de chambre, ce qui me donne un très grand plaisir.

Vous avez donc toujours été chef dès le début de votre carrière.

Paolo Zanzu : C’est cela. d’ailleurs, dans ma formation, j’ai également étudié la direction d’orchestre. Lorsqu’on prend le chemin de l’opéra baroque, c’est très naturel de diriger et cela a toujours fait partie de mes envies. J’ai appris énormément durant mes années d’assistanat, notamment avec William Christie et avec John Eliot Gardiner. J’ai donc suivi des formations précieuses, non seulement en tant que chef assistant et chef de chant, mais aussi en observant tous les rouages de l’opéra. Ce n’est d’ailleurs pas un mystère si beaucoup de chefs qui dirigent des opéras baroques sont clavecinistes. Les cours de direction d’orchestre enseignent énormément de choses, mais l’essentiel s’apprend sur le tas.

© Mari Shimmura

Vous avez fondé votre propre ensemble, Le Stagioni.

Paolo Zanzu : En effet. Quand on dirige un orchestre, que ce soit des opéras ou pour des œuvres instrumentales, il est naturel d’avoir envie de créer un son, une esthétique qui représente au mieux son propre idéal. Le moment était venu pour moi. Quand vous êtes chef assistant, vous devez pénétrer dans l’esthétique du chef principal, travailler dans ce sens, afin de mener l’ensemble dans sa direction. C’est une formation indispensable pour établir ses propres idées et son esthétique. Après, il faut franchir le pas… [rires].

Ce nom, Le Stagioni, évoque bien sûr des œuvres de l’histoire de la musique connues, pour la plupart, du grand public : les Quatre Saisons de Vivaldi, Les Saisons de Haydn, celles de Tchaïkovski ou encore celles de Piazzolla. Mais tout d’abord, pour moi, ce nom évoque la vie, son cycle de régénération perpétuelle, une renaissance éternelle.

Le stagioni est en résidence au Théâtre de Saumur-en-Auxois.

Paolo Zanzu : Avoir un port d’attache nous permet de concevoir des projets à long terme. À Semur-en-Auxois, outre les concerts, nous développons également des actions pédagogiques avec les élèves de l’école de musique et bientôt du collège, et sommes également attentifs à permettre aux personnes qui n’ont pas un accès facile à la musique classique de pouvoir assister à nos concerts.

Pour le concert de l’inauguration de l’ensemble, en octobre dernier à la Salle Cortot à Paris, vous avez choisi Haendel. Or, vous dites que le centre de son répertoire est la musique italienne du 18e siècle.

Paolo Zanzu : Les deux ne sont pas en contradiction. Quand je parle de musique italienne, je fais surtout référence à l’écriture italienne, ainsi qu’à la structure italienne de l’orchestre de cette époque, avec une polarisation nette entre les basses et les parties aiguës. C’est à partir de cette base que se développe par la suite l’orchestre classique viennois. Les musiciens italiens jouent un rôle fondamental à cette époque dans l’Europe entière. De Madrid à Saint-Pétersbourg, de Palerme à Stockholm, on les retrouve partout ! Même en France, qui est à cette époque un pays assez conservateur sur le plan musical, on compte un certain nombre de musiciens italiens, et pas des moindres.

Lully était Italien aussi !

Paolo Zanzu : Mais oui ! Difficile à croire, pour l’inventeur du théâtre lyrique français ! Son génie lui a permis de fondre harmonieusement deux univers très éloignés et de donner vie à une esthétique nouvelle. Quant à Haendel, c’est un exemple merveilleux de syncrétisme musical. Peut-être plus que tous ses contemporains, il a su synthétiser les principaux styles et traditions musicales des pays européens. Ainsi, avoir pour base la musique italienne du 18e siècle me permet d’abord de former un son et de dialoguer ensuite avec d’autres styles et d’autres tradition, notamment la musique française.

Car au 18e siècle, beaucoup de choses changent en France.

Paolo Zanzu : Exactement ! Surtout à partir du milieu du siècle. Même Rameau, qui était un grand défenseur de la tradition musicale française, s’ouvre au style rococo. Si vous écoutez La Naissance d’Osiris, ce n’est plus Castor et Pollux. Gluck, un Viennois, reprend la tragédie lyrique, en écrivant en français, mais aussi en italien. À Paris, les Italiens comme Sacchini, Jommelli et bien d’autres encore font leur musique en absorbant des éléments français. Et plus tard, avec Cherubini et Spontini, il y une nouvelle fois une fusion, comme chez Lully.

Votre prochain concert est un solo de clavecin.

Paolo Zanzu : Le récital du 27 mars est consacré à Bach, Haendel, Scarlatti, trois monstres sacrés de la littérature pour clavecin, tous trois nés en 1685. Et c’est d’ailleurs cette date qui donne son titre à ce prochain concert.

Prochaines dates

Récital de Paolo Zanzu : 27 mars 2019 à 20 h 30 au Temple du foyer de l’âme (7 bis, rue du Pasteur Wagner, Paris 11e)
Concert de printemps de Le Stagioni : 6 avril à 20 h, au Théâtre du Rempart Saumur-en-Auxois

Paris Must-Dos the Week of March 25
“Together_till the end” : la transe répétitive d’Arno Schuitemaker
Victoria Okada

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration