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Biarritz Piano Festival, une clôture avec l’alchimiste Arcadi Volodos

Biarritz Piano Festival, une clôture avec l’alchimiste Arcadi Volodos

09 August 2019 | PAR Gilles Charlassier

Pour sa dixième édition, le Biarritz Piano Festival se referme avec l’un des plus grands mages actuels du clavier, Arcadi Volodos. Une clôture magistrale, sous le signe d’une authentique profondeur musicale.

Le concert de clôture d’un festival prend souvent l’allure d’un feu d’artifice. En invitant Arcadi Volodos pour refermer la dixième édition du Biarritz Piano Festival, Thomas Valverde a choisi un spectaculaire tout en économie et en intériorité. La réputation du soliste russe dans l’attention extrême à la sonorité de l’instrument, refusant la facilité du brillant, n’est plus à faire, et le programme qu’il tourne actuellement, mettant en regard Schubert avec Rachmaninov et Scriabine, illustre cette sensibilité délicate qui fait redécouvrir des œuvres parfois usées par l’habitude avec une exceptionnelle et pudique intelligence.

Avocat convaincu des premiers opus de jeunesse de Schubert, Arcadi Volodos ouvre son récital avec la Première Sonate en mi majeur D 157. L’empreinte de Mozart et Haydn s’entend dans l’Allegro ma non troppo initial, restituée ici tel un halo délicat qui n’obère pas les explorations juvéniles, ni n’en souligne les accents qui pourraient sembler un peu gauches. Un voile beethovénien affleure dans l’Andante et le Minuetto, où s’esquissent des tournures que Schubert développera dans sa maturité. En enchaînant avec les Moments musicaux opus 94 D 780, en ménageant entre chaque morceau une respiration subtile et ouatée, Volodos tamise une organique continuité du discours, comme de l’inspiration du compositeur. S’ouvrant sur un Moderato équilibrant retenue et netteté du dessin mélodique, le cycle déploie des demi-teintes au plus près de l’articulation et du phrasé. Après un Andantino élégiaque, l’Allegro moderato et le second Moderato explorent les ressacs de la carrure rythmique, quand la puissance de l’Allegro vivace palpite d’une inquiétude intérieure, où affleure l’ineffable, que la sérénité résignée et nostalgique de l’Allegretto ne démentira pas.

Cette décantation de l’expression nourrit une approche de Rachmaninov à rebours des usuelles tentations de l’éclat – que le compositeur n’a certes pas toujours découragées. Le spicilège choisi se prête au demeurant à l’esthétique ciselée du pianiste. L’amplification du sentiment dans le Prélude opus 3 n°2 en do dièse mineur ne cède jamais aux facilités expressives. Le n°10 opus 23, en sol bémol majeur et le troisième prélude, opus 32 n°10 en si mineur, confirment cette manière de contenir une violence à fleur de peau et de souffle, qui met en évidence un autre visage du maître russe. Arrangée par Arcadi Volodos lui-même, la Romance opus 21 n°7 « Zdes khorosho » restitue la fragilité du lyrisme intense de la mélodie. Après le balancement de la Sérénade opus 3 n°5, l’Etude-Tableau opus 33 n°3 en do mineur plonge dans les ressources du clavier et de l’intimité, avec un sens de la couleur et de la lumière qui innervera la dernière partie du récital, consacrée à Scriabine. Même si l’évolution harmonique prend des libertés avec le modèle, la Mazurka opus 23 n°3 en mi mineur reflète encore la filiation chopinienne, jamais confinée ici au pastiche. L’audace des deux miniatures, Caresse dansée opus 57 n°2 et Enigme opus 52 n°2 se dévoile sous un pinceau très à l’écoute au dessin du son, et s’inscrit dans un voyage musical qui se conclut par les Deux danses opus 73, Flammes sombres et Guirlandes, et Vers la flamme opus 72, rendant à ces pages leur intelligibilité profonde et idiomatique, qu’opacifient parfois des envolées plus échevelées.

La frilosité de certains spectateurs n’a pas empêché Arcadi Volodos de se livrer à son habituelle générosité de bis : deux Menuets de Schubert, D 600 et D 610, et la transcription par Bach de la Sicilienne du Concerto en ré mineur. Une soirée rare sous le signe de l’alchimie musicale, qui transfigure une suite de pièces plutôt brèves en œuvre magistrale, aux confins de l’inouï, dans la magie de l’Espace Bellevue baigné par la blancheur du crépuscule.

Gilles Charlassier

Biarritz Piano Festival, concert 7 août 2019

© Polina Jourdain-Kobycheva

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